La contagion est une hypothèse envisageable, confirme la Diligence. Si, toutefois, rien n’est certain, il est légitime de se questionner sur un rapport entre la Tour et la corruption, le rôle de la Tour dans cette affaire ou, simplement, ce qu’ils y gagneraient. Si tant est qu’ils ne soient pas un simple bouc émissaire.

— En seraient-ils forcément les investigateurs ? 

Au final, sans doute en reviennent-ils toujours au même point.
Qui plus est, s’ils partent du principe que la magie est capable d’agir sur les éléments qui entourent leur monde, comme une aura, il ne serait pas étonnant que la corruption puisse s’infiltrer également dans la terre.

— En somme, comme la terre emmagasine l’eau et les nutriments nécessaires à la flore, elle pourrait accumuler la magie noire, ou la corruption elle-même, pour la propager… ?

Pas une véritable question, mais une réflexion pour lui-même, quand bien même il oublie de mettre le sonore en veille. Pour meilleure preuve – et pour le peu de ce qu’elle vaut – Aoibhín ne regarde pas l’Élue, tant il se concentre sur ses ratures. En outre, s’il entend l’argument de la recrudescence de la violence dans les années qui ont suivi la création de la tour, l’Harfang des neiges devient un brin plus tranchant.

— Il est possible que la corruption ait accéléré le processus, les violences et les dominations, en effet… Cependant, sauf erreur de ma part, les différentes espèces et les Royaumes n’ont pas attendu la corruption pour s’adonner à ce genre de procédés. 

La corruption facilite bien des choses, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut lui attribuer toutes les actions répréhensibles dans l’histoire d’Arathia. Sa main s’immobilise, tandis qu’il entourait un mot, lorsqu’Extas mentionne les autres élus.

— Les excès ne sont jamais bons. D’un côté comme de l’autre. La meilleure des solutions consisterait à trouver un juste milieu entre la corruption et la bénédiction – puisqu’ils n’existent pas sans l’autre. Mais, en l’état… En revanche, une question me taraude, Extas : avez-vous rencontré des difficultés, quelles qu’elles soient, en rapport avec les autres élus ?

Deux options envisagées par une majorité ; uniquement deux. Une utilisation – évidente de prime abord – sous-entend une compréhension plus ou moins profonde du mécanisme, de ses effets et de ses déclencheurs. Suffisante, toutefois, pour l’exploiter. Puis une création ; une création maîtrisée, ou échappée. Pour autant, personne ne semble songer à d’autres hypothèses que celles que l’on perçoit directement. Et les articulations du presque Angias se raidissent, ses doigts se rétractent, avant de reprendre leur forme normale.

— L’Arbre Millénaire, par exemple.

Souffle-t-il. En dépit de sa position géographique, l’Arbre ne parvient à étendre son influence au-delà de ce qui se trouve dans une proximité directe. Peut-être est-ce plus faible, moins agressif que la propagation de la corruption. Ou, alors, peut-être n’est-ce simplement pas son rôle, malgré celle que tous lui donnent.
Des sourcils qui se froncent ; des commissures pincées en constatant qu’ils en reviennent toujours à ces histoires de cadres qui n’existent pas. Pas tels qu’ils ne devraient, tout du moins.

— Les processus de la Bénédiction et de la Corruption diffèrent peut-être ? Serait-il envisageable de poser l’hypothèse selon laquelle nous nous tromperions sur le rôle, voire le champ d’action de l’Arbre ? 

Il griffonne, encore. Puis jette une œillade en direction d’Extas.

— Admettons une corrélation entre les pulsions, la violence et la montée de la corruption. Il ne serait pas surprenant que l’énergie de l’Arbre peine à s’étendre. Cependant, dans ce cas, pour quelles raisons aurait-il porté les péchés au rang d’Élus ?

Oui, pourquoi ? En tenant compte du tableau que peint la Diligence de ses pairs, n’est-ce pas étrange ? Un tableau pris avec des pincettes, comme à son habitude, mais qui entre tout de même dans son équation et la danse des hypothèses.

— Selon vous, Extas, en sont-ils capables ?

Est-ce seulement l’objectif ?