Si Huan semblait enfin calme et vide de toute émotion négative, ce n'était pas du tout le cas. Il traquait encore quelqu'un inlassablement, se faisant passer pour une ombre, attendant que sa victime s'épuise pour venir la cueillir et s'emparer de sa vie. Sous les traits d'un de ses amis, il s'avançait dans le quartier artisanal où il pensait pouvoir l'acculer et en finir une bonne fois pour toute. Au milieu de la foule, il glissait et était entièrement anonyme ; personne ne savait qu'un assoiffé de sang les bousculait – ou alors, ils préféraient rester dans le déni.

Il jouait avec une lame placée soigneusement au fond de sa poche, pressant le pas pour ne pas perdre de vue sa cible bien longtemps. Elle pouvait chercher de l'aide, appeler les autres, à force de courir et de s'éloigner de la sorte, elle se condamnait davantage et ses chances de survivre s'égrénaient, laissant l'occasion à Huan de pouvoir savourer une prochaine tuerie qui pourra peut-être satisfaire ses pulsions un petit moment.

Finalement, Huan l'avait coincé dans un des recoins rarement animés du quartier. Il savait que personne ne viendrait à leur rencontre, le bruit de la foule étouffant leur future altercation avant que la bête ne se décide à venir planter ses crocs. L'homme venait de sortir sa lame, sa proie également. S'ensuivit ensuite un combat hargneux, entrecoupé d'insultes. Huan était vif, mais sa victime, malgré l'épuisement, ne se laissait aucunement faire.

« Fils de pute, tu vas te vider de ton sang lentement et personne ne fera rien. »

Et dès qu'il aperçut l'éclat pourpre provenant d'une plaie profonde, Huan se jeta dessus pour piéger la blessure entre ses crocs.

Tu n’es définitivement pas habitué à la chaleur étouffante des lieux. Fang n’est pas ta ville de prédilection et elle ne le sera probablement jamais. Trop fermée, trop bruyante, trop lourde, trop fréquentée aussi. Peut-être que cette missive n’était pas la bonne ; tu aurais pu la laisser à quelqu’un d’autre, pour t’éviter tout cet enfer. Mais les temps sont durs, et dire non à une petite rentrée d’argent serait malvenu.

Tu as surveillé ta cible un moment, le regard curieux, mais surtout nerveux face à la foule. La quartier artisanal est connu pour son peuple, mais tu ne t’attendais pas à devoir faire face à tant de monde regroupé à un seul et même endroit. Tu as bien essayé de l’approcher, à plusieurs reprises, mais jamais suffisamment pour paraître innocent - il faut dire que ta taille ne t’aide pas à passer inaperçu dans un tel lieu. Tu t’es senti bousculé, un grognement frustré s’échappant d’entre tes lèvres le temps de porter ton regard sur l’homme.

Mais rien qui n’a su attirer ton attention plus que ça.
Si ce n’est ta cible, pressant le pas pour sortir des ruelles bondées et prendre la fuite, comme poursuivi par quelque chose. De nouveau bousculé et injurié pour ta taille - et la place que tu peux prendre, tu n’as pas clairement vu la direction qu’il a pu prendre. Alors tu rends les coups, doucement, mais avec assez de hargne pour te frayer un chemin jusqu’aux ruelles plus calmes. Tu souffles, déjà épuisé mentalement par un tel effort avant de t’élancer dans les ruelles, attentif, ton attention portée sur le moindre élément. Il n’y a que le choc de l’acier, puis un cri de douleur difficilement contenu qui a attiré ton attention. Changeant d’itinéraire, tu t’es retrouvé nez à nez avec eux ; ta cible, et l’homme t’ayant bousculé tout à l’heure, mais déjà bien affairé avec cette dernière.

« J’ai comme l’impression d’arriver à un moment … important. Et je crois qu’on risque d’avoir un léger … contretemps, nous trois. » Quelqu’un sur ton contrat, il ne manquait plus que ça.

Il se délectait instinctivement du sang qui glissait contre sa langue, le faisant frissonner d'envie d'en goûter davantage. Les coups étaient bien placés, mais la prise de Huan était bien plus forte pour qu'il parvienne à s'en défaire. Il pensait qu'ils seraient seuls et qu'il pourrait ainsi s'acharner sur sa cible sans avoir à regarder derrière lui, mais un instinct primaire lui somma d'au moins regarder par-dessus son épaule. Il cessa donc de mordre, un filet de bave le liant encore à la morsure jusqu'à ce qu'il se tourne violemment vers l'inconnu.

« Barre-toi. Tu me déranges en plein travail. »

L'anarkhia crachait sa malhonnêteté et son manque flagrant de politesse en plein dans sa face. Il n'avait aucunement envie de négocier avec quelqu'un comme lui, qu'importe sa taille et sa largeur d'épaules. Il l'observait d'un air désinvolte, un bras venant finalement s'enrouler autour du cou de sa victime qui se retrouva avec la trachée comprimée. S'il faisait face aux autorités, Huan s'empressera de déguerpir pour se faire oublier et reprendre ses traits habituels dès qu'il sera en mesure de le faire. En attendant, il se contenta de tordre le bras de sa victime de son autre main libre et gantée.

« Il n'y a pas de contretemps. Je vais devoir me battre avec toi aussi ? »

Pas sûr qu'il puisse s'en sortir indemne face à un colosse dans le genre. Mais Huan était teigneux, un ratel qui se défendait en attaquant et en usant des pires techniques pour s'en débarrasser avant de finir dans le mal. Il restait furieux qu'on lui retire un tel instant de sauvagerie, léchant ses dents maculées de sang pour profiter des miettes.

« À l'instant même où il perd connaissance, je lui arrache le cœur. Ouste. Je serai parti avant que les autorités n'arrivent. »

Furieux, il frappa sèchement du pied contre le sol. Il voulait vraiment se laisser aller à ses pulsions avant de repartir l'air de rien, sans avoir à s'en prendre à une seconde personne.

L’homme se tenant en face de toi n’a rien d’humain. Il n’est qu’une bête sauvage, un monstre affamé de sang. La mine dégoûtée, tu l’observes s’acharner sur le pauvre homme se débattant, la respiration saccadée. Tu le vois qui suffoque, tente de griffer les bras de la créature, te supplie de l’aider dans des gargouillis douloureux. Mais tu ne bouges pas, tu ne comptes pas intervenir, pas maintenant, pas tout de suite.

Ce serait dangereux, vu la bête se tenant devant toi, prête à mordre au moindre geste un peu trop brusque de ta part. Non, tu te contentes plutôt d’un haussement d’épaule désinvolte en détournant même le regard pour observer les alentours et vérifier que les autorités n’étaient pas déjà à vos trousses.

« Ne commencez pas à me menacer alors que je n’ai rien fais. Moi aussi, je suis en plein travail. » Si le ton de ta voix se veut posé au début, tu claques finalement ta langue contre ton palais, le regard un peu plus ferme en le détaillant, de la tête aux pieds, pour appréhender la moindre arme qu’il pourrait dégainer.

« Cet homme, que vous êtes en train d’étrangler, est la cible d’un contrat que je me dois d’honorer. »

Comme pour appuyer ton geste, tu pointes le concerné du doigt, un sourire presque idiot au visage en remontant lentement tes yeux vers l’assassin bien décidé à garder sa proie pour lui. Il a beau se montrer menaçant, tu ne réagis pas ; tu restes droit, fier, le menton relevé, les bras croisés pour observer et la pauvre victime tourner de l’oeil en continuant de se débattre, griffer ou mordre le bras de l’homme le retenant.

« Cessez donc de jouer avec la nourriture, ou remettez-le moi. Je dois de préférence le ramener vivant. »

Huan n'allait sûrement pas lâcher prise aussi aisément. Il comptait même tuer sa cible, se fichant bien de l'individu qui restait planté là. Si sa taille pouvait impressionner l'anarkhia, il se contenta simplement de se montrer plus agressif en serrant les dents. Sa gueule était barbouillée de sang et il n'eut pas le temps de se nettoyer plus que ça, le poussant à râler son mécontentement. La rage se lisait dans son regard alors qu'il tentait d'impressionner le géant face à lui en ignorant les plaintes de sa victime bien moins vivace que tout à l'heure.

« J'en ai rien à foutre de ton travail. C'est mon jouet pour encore quelques minutes, je repartirai avec ses tripes et tu ne m'en empêcheras pas. »

À mesure de malmener sa pauvre victime, Huan comprit qu'elle n'allait plus pouvoir s'enfuir. Il s'empressa cependant de lui frapper les jambes avec fureur après l'avoir jetée au sol pour l'immobiliser avant de placer un pied sur sa gorge dans un élan de colère.

« Ne cherche pas à négocier avec moi. Je ne veux rien de toi. Va trouver une personne qui lui ressemble et prends ton fric sale porc. »

Il était vraiment contrarié, mais il n'avait aucune envie d'être compatissant. Il cracha au sol, toujours plus malpoli en bombant le torse pour paraître plus impressionnant. Mais il fallait le dire : face à l'homme, il n'était qu'un insecte un peu trop téméraire et qui n'avait pas froid aux yeux. Il lécha les petites blessures infligées par l'homme qui ne faisait que se défendre, dégoûté son pied appuyant un peu plus fermement sur la gorge molle sans lui briser la nuque pour autant.

Huan ne comptait pas bouger, et encore moins coopérer. Il se contenta simplement de lui lancer quelques cailloux dessus, nerveux à cause de son plan qui s'était vu perturbé par le plus grand.

La tension monte d’un cran et ton air nonchalant se change vite en quelque chose de plus sérieux. Le regard sévère, presque agacé, tu dévisages la bête en face de toi comme pour lui conseiller silencieusement de ne pas te prendre pour plus idiot que tu n’es. Tu grognes un bon coup, toujours indifférent au traitement qu’il peut bien faire subir à l’homme continuant de se débattre pour sauver sa peau.

« Je ne négocie pas, sale petit con. Je te demande gentiment de me céder cet homme et arrêter de faire des histoires. »

Tes poings se serrent, ton regard s’assombrit alors qu’enfin tu oses un pas pour t’avancer et chasser la distance vous séparant. Tu jauges le caillou qu’il ose te jeter dessus, non sans pester d’agacement. Tu sens que tu ne resteras pas calme longtemps si la bête continue de jouer à la plus vicieuse.

« Tu fais le malin, mais je ne vois qu’un chien qui grogne et qui aboie sans avoir mordre pour l’instant. Je vais te mettre une bonne petite branlée pour te remettre les idées en place. »

Tu roules des yeux, ta nuque craquant alors que tu attends de t’être suffisamment rapproché pour tendre le bras et espérer attraper l’homme par le bras, le col, ou même les cheveux. Qu’importe, tu veux simplement lui mettre la main dessus pour lui faire perdre l’équilibre et espérer relâcher votre proie commune. Ta prise est ferme, brute, violente même en le repoussant en arrière sans la moindre retenue et t’interposer entre les deux corps.
« Je ne vais pas me répéter : je pars avec lui, c’est compris ? »

L'anarkhia se mit à aboyer sur le géant, bien peu impressionné par les menaces. Il voulait simplement qu'on le laisse tranquille pour qu'il puisse disparaître sans laisser de traces pour ensuite s'isoler jusqu'aux prochaines pulsions. Il serra les poings fermement, prêt à dégainer une arme pour se défendre s'il souhaite se battre avec lui. Et tant pis si Huan se retrouvait dans une mauvaise position, il n'aura eu que ce qu'il méritait.

« J'ai pas envie de partager. Je ne fais pas d'histoires, tu viens empiéter sur mes activités. Mon contrat. »

Plus il s'approchait, plus il mettait du poids sur cette pauvre personne qui se mit à rapidement manquer d'air. Elle ne mourra pas tout de suite, sûrement lentement si Huan continuait comme ça. En tout cas, elle ne cherchait plus à se débattre, et ça l'arrangeait. Il pouvait enfin se concentrer sur le colosse face à lui qu'il avait visiblement agacé.

« Oh. J'ai hâte de la recevoir, cette branlée. »

Huan se mit à rire. La démence le tenait déjà fermement entre ses griffes, le noyant de symptômes qui s'étaient intensifiés depuis son retour à Xing Alda. Et peut-être que ne pas avoir froid aux yeux faisait partie de ces indices qu'il souffrait plus que de raison de cette immonde gangrène. Il n'attendit pas pour mordre l'homme dès qu'il fut attrapé, se débattant comme un beau diable en montrant les griffes.

Il n'avait pas sous-estimé la puissance de cet homme : leur différence de taille signifiait déjà qu'il aurait plus de mal pour se débarrasser de lui qu'un autre, mais il prenait ça pour un véritable défi. Il se mit à rire, hilare et inconsolable, les lèvres retroussées dans une grimace ensanglantée. Il était prêt à riposter et à user tout ce qu'il possédait pour le repousser, mais il fut le premier à devoir s'éloigner de leur victime commune.

« Vous ne partirez pas avec lui. Il est à moi. Vous ne me faites pas peur. »

Ses yeux étaient verrouillés sur le plus grand, Huan était prêt à en découdre. Il se mit à râler, dégainant une petite lame pour se ruer sur l'homme à toute vitesse. La distance fut rapidement avalée, il en profita pour se faire tout petit et lui attaquer les jambes qu'il espérait bien sectionner pour l'immobiliser et pouvoir partir en prenant son temps.

Si sa soif de sang était satisfaite, l'envie de se battre, elle, n'était jamais pleinement comblée. Il s'était un peu épuisé avec sa première victime, mais il possédait encore assez de ressources pour cogner une autre personne.

« Dégagez. De. Là. »

L’homme quitte le sol, ta prise sur le col de son haut suffisamment puissante pour le repousser au loin. Les morsures sont violentes, bestiales et douloureuses ; ton bras te lance sauvagement, du sang perlant de la marque rougie par la violence de cette confrontation brève. Le regard mauvais - toujours sérieux, tu assassines la bête sauvage en essayant de lui faire comprendre que tu ne comptes pas le laisser s’approcher du pauvre homme suffoquant encore au sol, son rythme cardiaque bien trop élevé pour une survie prolongée.

« Je crois que tu ne comprends qu’avec des coups, sale bête.
Tu grinces des dents, tes mots cinglants en bombant bien le poitrail face à sa silhouette bien plus petite que la tienne. Mais si tu es plus imposant, lui est plus rapide et tu as beau reculer pour tenter de garder une certaine distance entre vous, la lame venant lacérer la chair de ta jambe t’arrache un grognement de douleur. La bête est vive et surtout vicieuse mais ce n’est pas qu’avec une simple coupure qu’il aura raison de toi.

D’une prise ferme tu attrapes ses cheveux, les tirant avec brutalité pour le rejeter encore. Loin de votre proie commune, loin de toi en venant le frapper dans le ventre d’un coup de pied bien placé le temps de dégainer à ton tour une dague.

« Qui t’a envoyé le buter ? Lâche l’affaire, j’ai pas envie de te buter.
Si tu dois le planter, tu n'hésiteras pas pour sauver ta peau. Boitant déjà, tu ne montres rien, en attendant même que la plaie se cicatrise toute seule en essayant de gagner du temps.