Combien d’années à ne pas fouler le sol de ce genre de salles, à ne pas avoir un toit aussi imposant qui coupe de la nature, à être aussi loin de l’Arbre Millénaire ?

Il est en sécurité, avec la guilde des guérisseurs, mais mon coeur se languit déjà de ne pas être à ses côtés. C’est important pourtant, de montrer que tous les royaumes peuvent s’unir ainsi. La continuité de ce que Vollheim avait entamé avec la Grande Chasse, repris avec surprise par leur ennemi de toujours.

Ma présence n’est certainement pas utile, mais la réalité est là : cela fait plusieurs mois que vous êtes venue, observer l’automne et ses effets sur l’Arbre Millénaire. A défaut de vous rappeler qu’encore une fois vous avez oublié mon anniversaire, j’ai entrepris un égoïste voyage pour venir passer un peu de temps avec vous, dans ce pays qui vous chérissez tant.

Dans des vêtements typiquement arvandiens trouvés sur mon lit dans votre manoir, où je suis passé en coup de vent en arrivant, c’est vous que je cherche. Nous n’avons pas encore pu nous croiser, mais les masques ne nous dissimulent qu’à ceux qui nous connaissent mal. Sourire aux lèvres en vous reconnaissant, je m’approche avec de grandes enjambées, la queue battant doucement mon contentement.

“Mamade.”, oh non ! Rouge sous mon masque, je reprends à la hâte, comme un enfant pris en faute : “Madame ! Milicent.”

L’oreille basse brièvement, j’inspire pour me reprendre, intérieurement satisfait qu’Hycast ne soit pas là pour l’instant. Je sais pourtant qu'il est important pour vous. Je serais même prêt à faire des efforts...

“Votre goûteur est-il là, que je puisse vous offrir une coupe ?”

Tu as invité le gardien à venir en ces lieux inhabituels pour lui depuis bien des années. Tu n’as été que peu présente pour le recevoir en donnant bien des directives aux domestiques pour qu’il soit bien accueilli et traité à sa juste valeur : tel un prince - et ce même si tu refuses de le montrer. Tu n’as pas eu de temps à lui accorder avant le début des festivités, ton hypocondrie et tes manières te forçant à faire le tour des lieux, une, deux, trois fois même sous le regard des gardes et de quelques brigadiers que tu avais chargé de trop nombreuses vérifications. Tout devait être parfait pour la royauté et tu avais insisté pour faire goûter le moindre plat, histoire de calmer toutes les craintes te rongeant depuis de longs jours.

Tout ça pour rester dans ton coin, bien droite et inquisitrice dans cette robe probablement achetée pour l’occasion. Plus traditionnelle, coquette même. Colorée et noyée de dentelle changeant drastiquement ta silhouette. Hycast s’en est allé tu ne sais trop où, peut-être avec cet amant que tu ne connais pas ou bien avec un autre. Ça t’importe peu, à vrai dire. Tu sens tes pieds te brûler, peu habitués à se hisser sur de tels talons. Un juron t’échappe même, derrière ce masque que tu avais porté par imitation de tes pairs.

Et si le brouhaha agace déjà ton esprit, tu es tout de suite attirée par cette voix. Sa voix, que tu reconnais entre mille. Te tournant vers lui, tu le détailles de la tête aux pieds, noyé dans sa gêne. Tu retiens un léger sourire au dernier moment pour garder ton air toujours aussi sévère.

« Bonsoir Ilyès. Je vois que tu as trouvé la tenue préparée par Rosie. Elle te va à ravir, j’avais peur qu’elle se soit trompée sur la taille. »

Reportant ton attention sur les invités, tu observes les quelques danses se préparer, entre les différentes coupes proposées à la volée ou servies à la demande. Tu soupires, en retirant finalement ton masque pour le poser nonchalamment sur l’une des tables proches de vous.

« J’ai passé la mâtiné à vérifier si tout allait bien et malgré tout je dois bien t’avouer ne pas être totalement sereine. » Tu croises les bras, instinctivement. « Mais je ne peux me résoudre à tout faire goûter à Amaury. Je veux bien faire une exception pour ce soir, Ilyès. »

Lui a fait l’effort de venir, alors tu ne pouvais lui refuser une telle proposition.

« Nous pourrions prendre quelques entrées au passage et nous éloigner du brouhaha pour un peu plus de tranquillité. Sauf si tu es attendu pour danser. As-tu trouvé un ou une cavalière digne de toi ? Je ne veux pas de quelqu’un capable de te faire honte, une fois sur la piste. »