La vie de Lothar est marquée par une omniprésence du conflit. La guerre et les combats représentaient pour lui comme un second foyer dans lequel il se réfugiait afin de libérer ses pulsions et déverser ses coups. Dans ces épopées martiales, il s'y est fait de nombreuses connaissances, parfois même amis pour les plus dignes, et quand bien même celui puisse paraître paradoxal pour un vollhyr, c'était aussi bien dans son propre camp que dans celui opposée. Une différence majeure prônait, une grande partie des siens n'était plus. Ou bien déclarés morts ou bien disparus à la suite de l'évènement de 72. Il n'en subsistait que de très rares, dont un, qu'il avait rencontré lors d'une chasse une dizaine d'année précédent la bataille de Selkryssingr.

Il n'a aucune honte à le dire, mais il éprouve au contraire une certaine fierté à le déclarer comme étant son ami. Lothar ne cache jamais ses intentions ou son caractère et ce dit individu l'acceptait tel quel. Ils partagent bien des points communs mais courroux et irascibilité sont l'essence de l'élu qu'il est, et il le sait. Mais son ami lui ce dissociait de ces traits sans pour autant être aux antipodes. Il acceptait les choses dans leur légèreté et sans prendre en compte leur gravité, il n'était pas conflictuel. Sans pour autant être un remède de l'irrémédiable ire de Lothar, s'il lui arrive de voir rouge par sa faute, notamment à cause de ses intempestifs conseils, à la fin de la journée il finit le plus souvent par avoir raison et à le faire entendre à un être qui en est dépourvue, celle-ci étant consumée par sa colère.

Cela faisait un certain temps qu'il ne s'étaient pas vu. Il était occupé du côté d'Handrist, et il suggérait bien que lui l'était à son lieu habituel. Les choses évoluaient rapidement, et voilà qu'il était devenu élu il y a quelques semaines à peine. Il avait prévenu certaines personnes de cette "malédiction" dont-il avait hérité, des priorités avaient accaparées ce qui était autrefois son temps libre, bon sang qu'est-ce que ça l'énervait. Il finit par avoir de nouveau le temps de s'absenter, aussi en profita t-il afin de rendre visite à ce dénommé Bregder.

Il s'était équipé de son armure et d'une cape en fourrure et même si cela était caractéristique de sa tenue habituelle il était commun de le voir sans. La pièce maîtresse qu'il n'avait ceci dit pas oublié et dont on ne le voit jamais sans c'était son épée, alors au fourreau. Il s'était rendu jusque sur les flancs du chemin de Brattsti, vagabondant à travers la forêt, il savait pertinemment où il se rendait. Quiconque n'était pas un vollhyr se serait déjà égaré, mais même eux pouvaient se perdre dans un tel lieu. Il vint à portée de vue de l'antique bâtisse inchangée depuis bien des années. Il inspectait l'épaisseur de la neige à l'approche de la construction afin de repérer quelconque trace qui lui auraient potentiellement permise de savoir s'il était dans les parages ou s'il avait de la compagnie. Il a horreur des surprises. Il estima qu'il n'y en aurait pas et vint se porter sur le seuil de la porte.

Qu'elle fut ouverte ou non cela lui importait peu, il toqua quelle qu'en soit l'issue. Il est exacerbé par les gens irrespectueux qui s'invitent chez les autres sans y être convié, si quelqu'un faisait cela dans sa demeure il lui arracherait la tête dans la foulée, telle était la raison expliquant cette gestualité. Il se tenait devant la porte, un bras plié à hauteur de torse pointant en direction de son menton qui reposait alors sur le poing du même bras. Son autre main supportait son coude, mais très vite il abandonnerait cette position.

Mais le paradoxe Lothar rentra en action ; oui il détone à l'idée de faire quelque chose qu'il n'aimerait pas que l'on lui fasse, mais il n'a pas de raison et il finit par le faire tout en étant conscient, ce qui l'énerve davantage ... Voici ce qu'il fit : Il toqua une fois, déjà bruyamment, fortement. Quiconque d'autre aurait attendu une dizaine de secondes. Lui, il déteste attendre. C'est pour cela qu'il en attendit à peine quatre avant de sommer une seconde fois avec plus d'intensité que la précédente, puis une troisième fois en réitérant le schéma. Il enfoncerait la porte si jamais il devait continuer et la nature pouvait remercier les divinités car si le bâtiment n'était pas adapté à un géant, la porte serait déjà au sol en miettes. Il était désagréable et impatient, mais c'est à l'aide de comportement que l'on reconnait ...

« BREGDER ! »

Le respect et la politesse le guidaient un chouilla, il aurait ajouté un « OUVRE ! » autrement. Il se tenait là, les sourcils froncés, les masséters et zygomatiques contractés à cause de la friction de ses dents liées à son impétuosité.

Lothar s'était donc impatienté sur le seuil de son ami Bregder, il en mettait du temps à ouvrir cette porte et lorsque vint finalement le moment il eut à peine le temps de se mouvoir que le compère le saisit dans ses bras, l'empêchant par le même geste de mouvoir les siens. Il gigotait et se débattait sans mouvement brusque ou violent mais exprimant sa volonté de se dégager, les dents serrées et les sourcils froncés il cherchait à respirer et à ne pas couper la circulation sanguine de ses membres. Il est nonobstant tout à fait véritable que la chaleur n'était pas de refus dans un lieu si isolé et périlleux.

« RAAAAH ! MAIS ! Tu vas me laisser ... bouger ... tête de noeud ?! »

C'était pour le moins affectueux, Lothar s'est toujours exprimé de la sorte et Bregder n'y avait jamais fait exception, ça, il pouvait en être certain. Ce qui l'est d'autant plus c'est que le nouvel élu éprouvait un profond respect envers le reclus. Un sentiment qui fut davantage renforcé lorsque son ami l'invita à pénétrer au sein de la bâtisse, ce qu'il fit non sans hâte certes mais dans la foulée, lui permettant ainsi de contempler l'austérité du lieu. Quoiqu'austère ne semble pas vraiment être le fin mot étant donné que pour Bregder c'était une norme et un plaisir de vivre de la sorte, et c'était aussi l'une des raisons qui forçait Lothar à le respecter. Avançant sur le palier il se mit à tapoter ses protections ainsi que ses fourrures afin d'en retirer la neige, il se tourna alors vers son ami qui, fermant la porte, passait devant lui avec les bûches probablement afin d'aller allumer ledit feu qu'il venait d'évoquer. Il allait répondre à ces questions le moment venu.

« Tout chez toi est intemporel. » Il balayait la pièce du regard avant de le reposer sur Bregder. « Je ne déclinerai ni nourriture ni boisson, cette faim qui me creuse ne fait que me tendre. » Il disait cela avec le poing serré, il déteste avoir faim ... Comme à son habitude il s'exprimait avec une voix soutenue et sérieuse et qui pouvait le faire paraître sévère à qui ne le connaissait pas. Il se montrait toutefois déférent à l'égard d'un individu qui le méritait, c'est pourquoi il attendait qu'il l'invite à s'asseoir avant de convenir à cette initiative de par lui-même, il attendait impatiemment, pour cela il croisa les bras et se mit à très légèrement tapoter du pied.

« Même si cela me ravis de te voir, je ne suis pas là uniquement pour le plaisir de rendre visite à un camarade. Je t'expliquerai cela autour du repas. » Repensant à la raison de sa visite, il ne put s'empêcher de serrer machinalement ses poings et par là-même ses gantelets métalliques qui grincèrent sous le geste. Tentant de limiter la casse, il n'ajouta pas de détails directement et se contenta de le regarder allumer le feu afin d'éviter qu'il ne courrouce davantage.

Invité à s'asseoir, Lothar procède. Rejoignant la table de son ami, il se positionne de sorte à laisser une place face à lui. De là où il est, il peut sentir, peut-être même observer le poilu entreprendre la cuisine. Les plaisanteries de Bregder sont un plus pour lui qui est si sensible à l'environnement qui l'entour, si cela ne parvient pas à lui faire oublier la raison pour laquelle il est ici, il pousse un léger souffle symbolisant son rire, et pourtant, son visage reste consterné, ses sourcils froncés.

« Ne te fait pas de fausses idées. Je compte bien profiter de ta présence. » Il faut être considéré pour bénéficier des compliments du colérique, ainsi, sa plaisanterie ne l'est pas entièrement.

Tout soudainement, la température grimpe, ce n'est pas quelque chose qu'il déprécie, bien le contraire. S'il n'avait pas froid, ni l'un ni l'autre ne peuvent se plaindre d'un peu de chaleur dans ce coin reculé. Le doux bruit de la viande qui crépite, l'odeur alléchante, cela parvient finalement à lui faire écarter ses pensées l'espace d'un instant. Le coulissement de l'eau résonnant dans les verres en bois y contribue davantage. C'est chaleureux, plus que toute chose en ces lieux. Son regard se perd un court moment, fixant le jet d'eau de vie coulant jusque de son verre. Il revient alors à la réalité lorsque Bregder lui adresse de nouveau la parole.

« Tu me régales, Bregder. Nul besoin de partager ces richesses avec moi. Soit en conscient. » S'exprimant de manière concise, il apprécie tout cela.

Il plante sa fourchette dans la viande récemment découpé et la porte à ses lèvres, la marinade, il n'a pas mentit, elle est somptueuse. Nul doute, il sait se faire plaisir dans ce lieu isolé, cette viande saisonnière vaut le voyage à elle seule. Etant moins rustre que son compère, il enquille toutefois les bouchées, prenant le temps de mâcher et de faire couler le tout à l'aide du liquide avant de finalement lui répondre, car ... Il évoque le sujet de sa venue. D'un profond soupir, il fait tomber sa main sur la table, la faisant légèrement trembler, brusquant les couverts et les verres, non pas au point de les renverser.

« Je vais te montrer. Cela me facilitera la tâche. » Il retire son gantelet métallique, le tenant d'une main, l'autre est désormais découverte et laisse apparaître sur son dos la marque des choisis qu'il met en évidence. « Voici la raison. Je pensais qu'il était de bonne et due forme de t'en prévenir. » Lothar détourne brièvement le regard, craignant de courroucer à sa vue. Il saisit de sa main libre sa fourchette et se remet à mâcher, empoignant fermement le couvert, le bruit de ses dents se percutant est plus audible que précédemment, trahissant sa crispation face à la chose. Il souhaite désormais profiter de son ami, nul doute qu'ils trouveront de quoi y remédier.