Le soleil brûle ici. En même temps, ce n'est pas au cœur de l’été qu’il fait le plus frais en Arvandor. De plus, ce n’était pas non plus à Avalon que l’on trouverait l’ombre d’un arbre pour s’abriter du soleil. Non, ici, le seul bois que l’on trouve, c’est celui des quais. Autrement, il n’y a que l’océan à perte de vue. Quoi qu’il serait mauvaise langue de ne pas mentionner les quelques jardins présents dans la ville circulaire.

Quand bien même, dans le grand hall qui fait la jonction entre la ville et le quai de la hune, il y a toujours eu un grand tableau. Une plaque de bois immense sur laquelle était placardée toute sorte d'affiches. En grande partie, il s’agissait de contrats de mercenariat libres. Même si tu n’étais plus mercenaire depuis un certain temps maintenant, tu prenais un certain plaisir à te rendre devant ce tableau pour scruter les avis de recherche. Et que fit ta surprise ce matin-là, lorsque tu t'aperçois que la prime sur la tête de Gullivar.

Tiens tiens tiens, quelqu’un aurait décidé de fermer le clapet de ce géant orgueilleux ? Gullivar était un pirate, un pirate vollhyr qui plus est. Alors ici, au royaume de l’épée, il n’allait pas faire long feu. Tu l’avais toi-même mis à garder la dernière fois. Comme quoi il ne ferait pas mieux de mouiller trop longtemps dans le port s’il ne voulait pas finir raccourcis d’une tête au niveau du cou. Tu lui avais tint à peu près ce langage, les yeux plissés et le sourire aux lèvres sans forcément trop lui avouer que tu songeais à prendre les devants et à lui trancher la carotide.

Poussé par ta curiosité, tu t’étais d'abord rendu aux quais en question. Espérant y entendre la voix pillarde de Bassim qui fredonnait d’un air pompeux une mélodie honteusement subtilisée à un autre artiste. Hélas, aucun signe de ton quartier-maître. Alors tu poursuis ta route, allant à la chasse aux informations, espérant en apprendre un peu plus sur la disparition de Gullivar. Tu entreprends alors le tour des tavernes et autres pubs y apprenant la visite soudaine d’une élue noctem précédée d’un ouroboros. Décidément, il s’en passe des choses à la capitale portuaire ! Une elfe, c’est déjà rare, mais une élue ? Tu aimerais voir ça de tes propres eux. Surtout si c’était elle qui, de ce que l’on raconte, a perforé l'œsophage du géant. Malheureusement, personne ne semblait capable de te dire où était passée l’elfe aux cheveux blonds. En revanche, l’ouroboros qui était avec elle aurait été aperçu ce matin, encore dans la ville circulaire. Il semblerait qu’une chasse à l’homme s’impose.

Tu avais supporté l’élue la veille, la traînant ici et là, dans ta taverne favorite pour occuper sa journée. Aurélia avait cette aura épuisante, trop vive, trop de bonne humeur, trop de ça, trop de ci. Heureusement ce n’est pas tous les jours qu’on tombe sur l’orgueil, sinon tu n’aurais pas donné cher pour ton mental ; et au pire tu sauras la refourguer à Iola - quoique pauvre Iola, elle ne mérite pas ça.-

Tu avais fini par abandonner la demoiselle pour te caler quelque part, boire un dernier coup dans cette auberge où tu étais fidèle le temps de trouver un nouveau capitaine apte de te mener jusqu’à Vollheim. Bientôt tu allais pouvoir te procurer une monture capable de se mouvoir dans les cieux mais pour l’instant tu n’avais ni les moyens ni le temps de t’en occuper alors tu devais te plier aux caprices de ceux capables de te mener à destination des monts gelés.

Tu t’es promené de longues heures dans la ville pirate, cherchant l’embarcation la moins chère, la plus rapide, celle qui te permettra de perdre le moins de temps possible. Tu devais te presser, Iola n’allait pas t’attendre des jours entiers. Discutant longuement avec un capitaine intéressé à l’idée de te prendre avec lui, tu ne t’es pas douté un seul instant être la cible d’une chasse à l’homme particulière. Après tout, tu n’avais rien à te reprocher pas vrai ? Avant d’être ici en tant qu’Ouroboros il était ici en tant que Ronan, Vollyr de sang cherchant simplement à retrouver quelques heures dans sa patrie natale.

Tu avais couru dans toute la ville à la recherche d'informations. Le Vollhyr avait été aperçu ici, là et tantôt ailleurs. Tu étais allé voir l’épicerie en face de la fontaine. On t'avait dit qu’il n’était pas passé ici, mais que le petit Joachim l’avait vu parler avec la femme de l’ancien connétable, celle qui tient les pompes funèbres. Aurait-il un meurtre à maquiller ? Finalement, la vieille dame te fit comprendre que c’était un quiproquo et qu’elle n'avait jamais croisé de demi-géant ce jour. Retour à la case départ.

Peut-être que le fils de l'épicier s'était trompé de dame ? Tu penses tout de suite à Miss Kendrick. L’une des femmes qui travaille pour la capitale royale. Elle était censée gérer l’entrée et les sorties de bateau du port dans son registre. Tu retournes alors aux quais de la hune où te dis qu’effectivement le membre de l’Ouroboros est passé voir l’administration du port, espérant se faire transporter jusqu’a Vollheim. Mais bon, même ici, les bateaux qui vont jusqu’aux côtes Vollhyr, ce n'est pas courant ! C’est plus souvent l’affaire des pirates. Et autant dire que les pirates et les registres… C’est pas tout à fait ça.

Enfin bref, allant de source en source, tu finis par apprendre que celui qu’on appelle Ronan, est un homme avec des habitudes. Il existe cette taverne : Le Loir. Où il aimait se rendre lorsqu’il était de passage à Avalon. Et le plus drôle dans tout cela, c’est que le Loir, il se situe juste en face de la fontaine lui aussi, parfaitement à côté de l’épicerie. Enfin bref… Il était là, il était beau, il était grand, il était vêtu de noir avec sa grosse épée. Oh… Oui, c’était bien lui, le demi-géant de l’Ouroboros. Tu attendis alors qu’il franchisse le seuil de la porte. Tu avais pris soin de soigner ton entrée en scène. Aussi étais-tu accoudé sur un amas de caisses qui avait été livré au petit matin. Ainsi, tu étais un peu plus haut que lui, pour le simple plaisir de le voir lever les yeux pour t’observer. Le soleil montant l’aurait forcé a plissé les yeux pour distinguer ne serait-ce que ta silhouette. Afin qu’il te remarque, tu lui adresses alors ces quelques mots d’un ton mielleux.

« Alors comme ça, on cherche un bateau pour rejoindre Vollheim ? »

Tu as essuyé quelques refus de capitaines frileux de s’aventurer à Vollheim en ces temps difficiles, et ce malgré les liges que tu avais pu proposer. Te relevant, bien embêté, tu as fini par quitter Le Loir en saluant l’aubergiste - qui avait fini par te connaître, d’un geste de la main en lui demandant de mettre ta consommation sur ton ardoise, tu lui avais promis la veille de tout payer à ton retour de Vollheim, lorsque tu feras de nouveau escale ici avant de repartir pour des contrées plus lointaines. Quittant les lieux, ton regard fut aussitôt attiré par l’ombre d’un homme, perché sur ses caisses pour te surplomber de ton regard mielleux. Les yeux plissés, l’air renfrogné, tu as même froncé les sourcils pour le détailler jusqu’à mettre ta main en visière pour protéger tes beaux yeux du soleil.

« Je vous trouve bien au courant dis donc. Je suis si connu que ça ici ? »

Tu pouffes presque de rire en détournant ton attention de l’homme en haussant les épaules. Voilà qu’ils allaient te démarcher maintenant pour t’inviter à monter à bord ? Ce serait la meilleure quand même, surtout qu’il n’avait pas le physique des vollhyrs, géants ou draconides. Tu te fais distant, c’était louche tout ça. Une tentative de t’en faire voir de toutes les couleurs.

« Vous n’êtes si géant ni draconide, donc je présume que vous n’êtes pas vollhyr. Arvandien en quête d’aventure ? D’argent ? En recherche d’un mercenaire ? Ou alooors … » Tu serres les dents, tu n’aimes pas cette possibilité. « Corsaire en pleine patrouille ? Écoutez qu’on mette bien les points sur les i, je veux juste aller à Handrist pour aller voir ma vieille mère géante rien de plus. Je n’ai aucune information confidentielle à transmettre ou je ne sais quelle connerie. Vous avez besoin de quelque chose ? »

Autant mettre les choses au clair, directement.

Comme préparé un larcin, tu le contemples de toute ta hauteur. Satisfait de ton méfait.

« Au courant ? Mais enfin, tout ce qui se passe à Avalon n’a aucun secret pour moi. »

Usant de tes dons véloces, tu sautes de ton perchoir avec une agilité féline. Survolant l’Ouroboros pour apparaître dans son dos. Lui présentant même le tiens. Tu te tournes alors pour lui faire face de nouveau. Tu écoutes le vollhyr avait un sourire benêt, les yeux malicieux… Ou vide ? Cela doit déprendre du point de vue.

« Non non non, trêve de théories capillotractée. Pourquoi toujours chercher aussi loin. Vous ne voudrez pas commencer par me demander mon nom ? »

Tu te rapproches de lui. Au départ, tu penses lui tapoter l’épaule, d’un geste enfantin. Mais une fois à quelques centimètres de lui, tu dois admettre qu’il en impose. Son physique, mais également son aura te dissuadaient de trop jouer avec son ego. Alors, même si tu en as probablement déjà couché des plus costaud, tu te ravises. C’est un Ouroboros après tout. Alors tu glisses les mains derrière ton dos.

« Capitaine Raja Winchester. On ne le dirait pas comme ça, mais j’ai vécu à Vollheim fut un temps, je connais donc très bien les eaux qui mènent au royaume des montagnes. »

Il ne s’agit là que d’une demi-vérité. En sois-tu connais ces eaux, et tu y as effectivement vécu au pays enneigé ? Mais à cette époque, tu n’avais aucun bateau. Si tu connais si bien le littoral du royaume, c’est précisément parce que le Widow Gally, ton ancien bâtiment, avait été affectés au bombardement des côtes Vollhyr durant les guerres arvandiennes. Mais c’est un détail qu’il vaut mieux éclipser lorsque l’on s’adresse à un natif. Néanmoins, tu ne peux t'empêcher d’élargir ton sourire. Tu n’y peux rien, tu aimes te présenter. C’est comme ça…

Tu te fiches bien de son nom. Oh non rien de personnel mais tu as subi Aurelia et tu as encore la tête grosse comme un ballon ; hors de question de passer plus de temps ici, dans ce port de fou, alors que tu veux juste visiter ta mère et rentrer comme si de rien était. S’il veut te contrôler qu’il ne contrôle, mais tu veux exceptionnellement qu’on te laisse souffler, tranquillement.

Sans orgueil.
Sans élu.
Sans embrouilles.

« Et bien enchanté Capitaine Winchester. Je ne sais pas ce que vous me voulez réellement, mais si vous êtes intéressé à l’idée de me faire poser un pied à Vollheim, sachez que je ne roule pas sur l’or, mais que j’offre malgré tout quelque chose pour le voyage, en plus de mon aide sur les navires le temps du trajet. »

Il faut dire que la vie de mercenaire n’est pas toujours bien payée. Tu l’observes de la tête aux pieds, roulant des yeux en échappant un soupir déjà agacé par la situation.

« Écoutez capitaine, j’ai eu une rude journée hier, je ne suis pas d’humeur joyeuse, mais ne prenez pas ça personnellement. Je suis juste … épuisé par la situation. Ma mère m’attend et je n’ai pas envie qu’elle s’impatiente vous comprenez ? »

Te voilà attaqué par un sourire taquinant tes zygomatiques lorsque tu entends le demi-géant parler sa mère.

« Oui ! La famille, c’est important. »

Tu te remémores la tienne de famille. Détruite depuis des lustres… L’Ouroboros avait déblatéré sur son calvaire de la journée passée. Nul doute, tu savais ce qu’il en avait découlé. L’élue de l’orgueil. Elle n’était pas passée inaperçue.

« Je veux bien croire en votre fatigue. Faire du baby-sitting pour l’élue de l’orgueil. Ça ne doit pas être de tout repos. »

Tu inclines la tête sur le côté en plissant les yeux l'air de dire « Eh ouais mon gars, je te l’ai dit : tout ce qui se passe à Avalon n’a aucun secret pour moi ».

« Je vous connais, Faiseur d’or. Et vous, hm… Peut-être pas encore. Mais je suis persuadé que vous ne saurez pas oublier le corsaire qui vous aura fait cadeau d’un voyage lorsque vous en aviez besoin. N’est-ce pas ? »

Te voilà, tendant désormais la main au colosse. Tu es prêt à lui offrir le trajet. Trajet réputé risqué qui plus est ! Mais tu es un capitaine et navigateur aguerri ! Mais pas dessus tout, tu le sais, plus que quiconque. Il est bon d’avoir en Arathia quelques individus qui ont une dette envers vous. D’autant plus s’il s’agit d’un Ouroboros.

« Nous levons l'ancre au coucher du soleil ! Me raconterez-vous comment est cette elfe ? Je n'ai jamais eu la chance de rencontrer un être élu par les dieux.»

Ta main empoigne la sienne, avec fermeté. Et tu serres, fort, pour lui faire comprendre de ne pas te prendre à la légère. Un sourire tire tes traits, faussement amical mais surtout fatigué par la nuit passée. Il souhaite en apprendre plus sur la jeune blonde ? Et pourquoi donc ? Tu ne le connais pas, corsaire ou non, il est un chien de garde d’Arvandor et quand bien même tu n’as rien contre eux, tu n’as pas envie de dévoiler des informations … qui pourraient mettre Aurelia en danger.

« Je saurais vous rendre la pareille à un moment où un autre Capitaine Winchester, mais n’espérez pas obtenir des informations confidentielles sur les élus, encore plus d’élus en provenance de Vollheim ou de Clara Nocte. Je me fiche peut-être des conflits vous opposant aux elfes, mais il est peut-être bon de rappeler que je suis un géant, et vous un humain. »

Tu te penches pour te rapprocher de son oreille, ta main serrant encore plus la sienne.

« Je ne suis pas un soldat vollhyr, mais je garde une animosité patriotique envers vous. Et ne vous méprenez pas, je ne cherche pas l’affrontement. Mais vous comme moi, vous savez pertinemment que nous ne pourrons pas entretenir une relation ouvertement cordiale. »

Lâchant sa main en te redressant, tu viens le jauger de la tête aux pieds avant d’observer les navires accostés sur le quai.

« Montrez-moi donc votre bicoque, capitaine. »