Tu regardes à nouveau le bout de papier, comme pour vérifier l’heure et le lieu du rendez-vous. Le jour était bon, c’était au moins ça, le lieu aussi. Par contre tu étais en avance et tu trépignais, tel un gosse incapable de contenir son stress. Bon sang, pourquoi, est-ce que tu faisais ça ? Ce n’était qu’un homme, parmi tant d’autres, alors oui certes un céleste, donc factuellement plus beau que la moyenne, mais il n’y avait pas de quoi en faire tout un plat pas vrai ? Pourtant … Pourtant tu te sentais nerveux, terriblement nerveux. Tu avais délaissé tes plus grosses armes, loin de toi l’idée de venir sans te défendre mais tu as préféré laisser une partie de ton équipement à la petite auberge où tu t’étais posé. Tu as soigné ton apparence pour être, contrairement à la dernière fois, plus présentable.

Passant une main dans ta tignasse de jais, le regard un peu perdu dans le vide, tu restes droit, attentif au moindre bruit, la plume de l’homme toujours enfilée dans l’un des étuis de tes dagues. Un ne sais pas à quoi t’attendre et tu ne sais pas pourquoi tu appréhendais tant. Un coup fourré ? Une embuscade ? Tu étais prêt à tout, ton Skypacer roulé, endormi à tes côtés au pied d’un grand arbre. Il suffira d’un sifflement de ta part pour qu’il se redresse et t’échapper mais au plus profond de toi … Tu espérais autre chose.

Redressant aussitôt la tête en entendant un bruit tu te retournes, le papier bien serré dans ta main comme pour espérer le cacher en te râclant la gorge.

« Orion ? C’est vous ? »

Coquet, paré d'une tenue particulièrement importante à tes yeux, voilà que tu te rends là où tu as promis d'être à une heure très précise. Tu aimes parfois imiter les scènes théâtrales, quitte à frôler avec l'exagération et le ridicule ; mais ça n'a vraiment pas l'air de t'atteindre. Le jugement des autres n'est rien pour toi, pas même une brise dans le vent qui t'empêche parfois de garder la direction où tu comptes aller.

L'air rafraîchit dangereusement la peau exposée de ton torse. Mais tu n'as pas le temps de remédier à ça, plus vite tu arrives, plus vite tu ne seras plus mordu par le froid. À ta ceinture se trouve ce que tu as volé au géant à qui tu as donné rendez-vous. Et tu hésites à lui rendre cet objet précieux qui t'a accompagné dans de bien nombreuses réflexions.

Tu finis par te poser dans un bruit étouffé dans l'herbe luxuriante, une main dans les plumes délicates d'une de tes ailes. Quelque chose coince, gêne et tu trouves rapidement l'intrus que tu viens jeter dans la végétation sans gêne. Tu cherches du regard l'homme encore inconnu, un patient d'un soir que tu aimerais pourtant apprendre à connaître, à garder dans tes griffes pour qu'il te soit potentiellement utile plus tard.

« Ronan. Vous êtes venu. Quelle surprise. »

Mais une bonne surprise. Tu n'es cependant ni souriant, ni accueillant. Juste froid, droit dans tes bottes montantes, les mains sur la ceinture du pantalon à taille un peu trop haute. Tes jambes semblent immenses ainsi, tes yeux sont rivés en direction de la voix.

« J'ai ce que je vous ai volé. J'espère que vous ne m'en voulez pas trop, je me disais que vous n'auriez aucune raison de revenir vers moi si je n'avais rien pris. »

Tes yeux se sont aussitôt posés sur l’ange se présentant à toi. La gêne s’empare de toi, alors que tes yeux détaillent sa silhouette, son torse aisément mis en valeur par le presque indécent décolleté de son chemisier dévoilant sa peau blanche de neige. Redressé pour paraître plus présentable, les doigts toujours serrés, tu ne sais plus où te mettre en cherchant tes mots. Désordonné, incapable d’aligner une phrase, tu descends tes yeux le long de ses hanches parfaitement mises en valeur.

Et tu te râcles la gorge.

« Orion vous êtes … hum …. » Tu te masses la nuque, le regard tout de suite fuyant en te rapprochant de lui. Tu ne veux pas être impoli ou trop familier, un peu trop brusque sans savoir ce que l’homme pouvait bien attendre de toi. « Splendide, si vous me permettez le compliment. » Tu ne l’étais pas autant de lui.

« Vous vous êtes volatilisé si vite la dernière fois. Vous êtes du genre mystérieux, vous aimez les jeux de piste ? Quel est l’intérêt de me dérober un bien pour me donner rendez-vous ailleurs ? »

Tu ne comprends pas où l’homme désire aller et ça te rend fou, fou de ne pas savoir, de ne pas pouvoir appréhender la situation. Tu gesticules sous la gêne, toujours maladroit dans tes mots en essayant de débloquer la situation de ton côté.

« Vous-vous aviez prévu quelque chose ? L’Orée d’Émeraude n’est pas très loin, on pourrait peut-être enfin … hum … Je pourrais possiblement vous inviter dans un restaurant ? Il me semble qu’il est tenu par un céleste qui plus est … Oh si ça vous intéresse bien sûr. »

Tu le suis du regard, infatigable en gardant ta proie en ligne de mire. Cette fois-ci, tu ne veux pas te défiler, fuir comme un voleur et tu préfères lui faire face, l'admirer sous un tout autre jour. Il est bien plus radieux, plus en forme et surtout il n'est plus taché de sang. Voilà qui est bien mieux pour un rendez-vous non improvisé.

Dans un petit gloussement, tu te laisses charmer ; tu lui laisses l'illusion de voir tes joues s'empourprer, replaçant tes mèches bien trop volatiles de chaque côté de ton visage. Tu l'observes encore de la tête aux pieds, remarquant bien que lui aussi a tenté de faire un effort. Tu ne l'as cependant vu qu'une seule fois, alors qui sait, tu te trompes peut-être.

« J'aime me faire désirer et être inatteignable. Ça vous frustre ? Il va falloir vous y habituer, j'apprécie souvent rendre mes départs théâtraux. »

Et tu glousses encore, une main couvrant tes lèvres comme pour atténuer le son et lui éviter une certaine honte. Tu t'approches tout de même de lui, agrippant une des armes que tu as pu lui voler. Tu l'observes sous tous les angles, comme si tu n'en avais pas eu l'occasion jusque-là. Puis tu passes un doigt sur les endroits les plus émoussés, des détails qu'on ne remarque que lorsqu'il est trop tard et qu'on néglige une si belle lame.

« Je voulais simplement vous revoir sous un nouveau jour. Je ne connais pas ce restaurant, mais le fait qu'il soit tenu par un céleste m'importe bien peu. »

Tu hausses un sourcil, lui tendant l'arme pour la lui rendre. Tu réfléchis à sa proposition, le vent soufflant légèrement sur vous tandis que tu poses un regard bien au loin, comme pour surveiller l'arrivée d'un potentiel prédateur ou une créature corrompue attirée par ta supposée pureté. Pureté que tu ne possèdes qu'à moitié au vu de ton immonde hybridation.

« Nous pourrons nous détendre un peu plus tard, il est vrai que je n'ai pas bien mangé. Faites-moi découvrir tout ça, je vous prie. »

Et quel dommage que tu ne puisses pas servir de transport pour l'homme. Mais tu as bien remarqué qu'il a une monture pour lui, qui doit bien l'aider et supporter son poids.

« Il est à vous, ce Skyspacer ? Je n'aime pas ces ruminants. Ils me volent la vedette. »

Tu ne peux défaire ton attention de sa silhouette, hypnotisé, envoûté par une belle beauté. Orion est beau, bien plus que toutes les personnes que tu as pu rencontrer au cours de ta vie. Il a cette aura particulière, réconfortante, qui rend fou. Ce doux parfum qui t’arrache plus d’un frisson. Chaque geste est une invitation à te laisser charmer, aller à des sentiments que tu n’as jamais pris le temps de connaître. Il a cette délicatesse que tu n’as pas, malgré toute la douceur dont tu es capable.

« Je suis surtout frustré de ne pas savoir où vous vous trouvez. Vous savez jouer … de vos charmes, sinon vous ne vous serez pas tant apprêté pour cette rencontre. » Et ça te fait terriblement plaisir, tu te sens important, intéressant. Tu observes la lame, te pinçant l’intérieur de la joue en t’attardant sur ses mains fines, immaculées - parfaites, effleurant ta lame. « Ne vous coupez pas, je serais bien déçu de voir vos doigts abîmés par mon manque d'attention quand à l'état de mes lames. »

Tu te permets un petit rire en récupérant ta lame pour la ranger dans son étui, chaque geste méticuleux pour bien paraître devant l'homme. Il acceptait ton invitation ? Tu te raidis, tu avais préparé ton premier discours, pas la suite, et tu ne savais pas comment te comporter devant un tel ange. Nerveux, la gorge nouée, tu observes les alentours avant d'observer ta bête, tes lippes étirées en un sourire amusé.

« Oui il m'accompagne partout. Je vous assure qu'il ne pourra jamais vous voler la vedette Orion. C'est mon fils, enfin en quelque sorte. Vous savez les gens aiment beaucoup appeler leurs animaux comme si c'étaient leurs enfants et hum…» Tu t'emmêles les pinceaux, te stoppant dans ta tirade en te raclant la gorge pour te reprendre. « Tout ça pour dire que … je n'aurais d'yeux que pour vous aujourd'hui Orion. »

Lui tendant ton bras, tu l'invites à s'y accrocher en gigotant tel un enfant un peu trop surexcité. « Si Monsieur veut bien se donner la peine ? Nous pourrions marcher un petit peu ? Il est un peu tôt pour réserver une place et les lieux sont accueillants, nous pourrions faire un petit tour ? Pour discuter et … apprendre à se connaître ? »

Un petit rire s'échappe d'entre tes lèvres comme pour essayer de détendre l'atmosphère. On dirait presque que Ronan, malgré ses apparences brutes, a une petite idée du jeu que tu joues avec lui. Pourtant, tu préfères faire l'innocent, haussant légèrement les épaules les mains dans le dos.

« Vous savez, il est difficile de savoir où vont les oiseaux quand on ne peut pas les suivre. »

Et même si ton regard trahit une apparente fragilité, tu as l'impression que jouer de ça te permet de l'amadouer davantage. Il a tout de même eu un avant-goût de la cruauté dont tu peux faire preuve, celle d'un médecin aux méthodes extrêmes qui cherche l'efficacité au détriment du confort de son patient. Si tu avais un cabinet, personne ne reviendrait te voir, probablement.

« Un sale ruminant, votre fils ? Vous m'impressionnez. Il se passe vraiment des choses bizarres, à Vollheim. » Il y a comme un petit mouvement de recul. « Mais je suis rassuré que vous ne le préférez pas aujourd'hui. »

Si beaucoup font passer leurs animaux avant les autres, c'est quelque chose que tu as du mal à concevoir ; ils sont des outils, tout comme les humanoïdes. Ils sont utiles pour traquer tes ennemis presque jurés, et après, ils dévorent toutes les ressources qu'on possède.

« Hmmm. » Pensif, tu oses enfin enrouler tes bras autour du sien tendu. Tu en profites pour tâter, te faire une idée de la taille de ce muscle une fois légèrement tendu, le muscle entre douceur et dureté. Puis tu l'imagines doubler de volume en cas d'effort particulièrement intense. « Le temps d'y aller, peut-être que ce sera ouvert, non ? »

Tu n'as aucune idée des distances à avaler avant d'y arriver. Mais s'il faut faire un détour pour faire passer le temps, alors tu n'y vois pas d'inconvénient, tant que tu peux espérer en savoir plus sur lui et, peut-être, gagner un allié. Ou quelqu'un qui détient ce que tu cherches.

« Justement, j'adorerais vous connaître. La dernière fois, vous étiez vraiment mal, et vous avez été particulièrement… Distant. Méfiant. Pourtant, je suis une bonne personne, non ? »

Et tu clignes les yeux, tu lui envoies quelques signaux confus. Peut-être que tu te veux charmeur, peut-être que tu cherches à le provoquer. Tout dépend de son interprétation. Tu glisses un doigt curieux sur sa jugulaire, remontant lentement jusqu'à son oreille avant de repartir dans son dos.

« Mais la douleur ne devait pas aider… Alors dites-moi… Qu'êtes-vous réellement ? »

Tu es bien incapable de détacher ton regard de l’homme, tu observes tout, du moindre pli de son chemisier à son derme parfait, immaculé. Parfois tes yeux se perdent et tu frissonnes, tu te laisses aller à l’avarice en apprendre plus sur lui, sur ce qu’il peut être. Il est tentateur, tu le sens séducteur dans ses mots. « Ne l’appelez pas ainsi, Herbert est très gentil vous savez ? » Et il n’est pas sale, tu fais bien attention à ce qu’il soit toujours propre, en forme et bien nourri. « Comment pourrais-je le préférer quand vous êtes face à moi Orion ? Vous êtes d’une beauté sans égale. Aucun autre de vos semblables ne peut vous arriver à la cheville. » Et le panthéon sait que les célestes, avec les elfes, étaient considérés comme les plus beaux êtres d’Arathia.

Le laissant attraper ton bras tu te raidis, tout ton corps réagissant à ce contact presque trop doux. Tu es bien plus imposant que lui, bien plus gras, plus grand, plus fort, Orion semble si frêle à tes côtés et pourtant tu perds tes moyens devant sa prestance. Il n’hésite pas, il sait ce qu’il veut, va droit au but, et toi, massif comme tout, tu cherches tes mots, hésitant, maladroit. « Vous-Oh Orion je ne suis pas si intéressant vous savez ? Je ne voudrais pas vous décevoir, je ne suis qu’un mercenaire sans histoire ni accroche. J’espère que vous ne cherchez pas un homme aux milles contes de fées ? Sinon je ne serais malheureusement pas votre homme. »

Et tu serais extrêmement déçu de le voir partir pour une telle raison. Tu plonges ton regard dans le sien, pris d’un sursaut en sentant ses gestes si sûrs d’eux. Ta pulpe réagit au chemin tracé par son doigt, tu sens ton coeur louper un battement et tes joues s’empourprer sans pouvoir le contrôler. Tu es la proie, fermement retenue par un prédateur avide de curiosité.

« La dernière fois vous vous êtes jeté sur moi tel un animal, vous m’avez fait très très mal vous savez ? » Tu peux bien te plaindre un petit peu. La moue presque boudeuse tu oses toi aussi quelque chose en levant ta main libre vers son visage pour glisser une mèche derrière son oreille avec toute la délicatesse dont tu peux faire preuve. « Vous n’êtes pas un tendre derrière vos traits doux. Vous cachez bien votre jeu Orion, que devrais-je savoir de plus sur vous avant de vous emmener en promenade ? » Romantique qui plus est. « Nul doute que vous êtes une bonne personne, mais j’aimerais m’assurer que vous n’allez pas tenter de me malmener à nouveau de vos méthodes … rudimentaires. »

Tu échappes un léger rire, ta main glissant contre son visage pour laisser ton pouce caresser tendrement sa joue avant de lâcher ta prise et le tirer avec toi.

« Venez donc, on peut suivre le cours d’eau, il nous ramènera vers l’Orée d’Émeraude si le suit ! »

L'envie de le prendre avec toi, de l'emmener jusqu'au Nid, de le coucher sur une table pour le faire tien, le disséquer petit à petit, découvrir ce qui te donne envie de le revoir sans cesse te hante, tu soupires, tu tentes l'impossible pour calmer tes pulsions qui te pousseraient à faire n'importe quoi. Pour l'instant tu te caches, faisant l'innocent en ne laissant pas les pensées intrusives l'emporter sur la raison et la prudence. Les compliments semblent te toucher même si ce n'est en vérité qu'une façade ; en réalité, tu es aussi imperméable que les plumes qui gonflent dans ton dos.

« Juste un simple mercenaire ? Impossible. Vous avez des secrets et je veux vous les arracher. »

Ta serre l'empoigne fermement l'espace d'un instant, le regard changeant brièvement en celui d'un prédateur qui vient de repérer sa proie et qui va bientôt s'en emparer pour la dévorer. Qu'il t'accuse de tous les maux ne t'impressionne aucunement, tu sembles déjà avoir oublié le mal que tu as pu lui faire.

« Ça se voit que vous n'y connaissez rien en médecine. » Tout à coup plus sec, tu es faussement vexé. Comment peut-il dire que tu lui as fait mal en voulant le soigner ? Tes sourcils se froncent et tu boudes un peu sans le laisser faire. Indomptable, inattrapable, tu ne lui laisseras pas le loisir de jouer avec toi comme une simple poupée. « Je fais les choses bien et je n'ai pas peur des conséquences. C'est une qualité que beaucoup de monde devrait acquérir. »

Et finalement, tu te laisses tirer. Rien n'y fait, sa force l'emporte sur la tienne. Le cours d'eau semble avoir attiré ton attention l'espace d'un instant, tu n'as pas vraiment l'air de comprendre comment va se terminer tout ce beau bordel. Tu te pinces les lèvres, les joues légèrement gonflées, le regard rivé vers l'horizon, à l'affût du moindre mouvement de la nature.

« Vous êtes sur pied maintenant, ne critiquez pas mes méthodes. » Sans même avoir à le regarder, Ronan devrait savoir qu'il est jugé, et tu te permets également de lui mettre un coup d'aile dans le dos. « Vous connaissez beaucoup de monde dans tous les royaumes, non ? Vous êtes un nomade bien particulier. Avez-vous annulé un rendez-vous avec un de vos amis pour venir me voir ? Je pourrais presque me sentir privilégié. »

Peut-être qu'à force de le noyer de questions et de creuser dans sa carapace à coups de bec et d'ongles, il finira par satisfaire ta curiosité maladive. Ton regard, lui, exprime toute la malice dont tu comptes faire preuve pour parvenir à tes fins.

« Puis après, nous irons rouler dans les fleurs et on se léchera les plaies. Oh, que c'est romantique. »

Beurk.

Tu sens que tu as touché un point sensible. Orion se montre plus ferme. Sa prise se serre, son regard presque assassin te fait comprendre ta bêtise. Un mot de travers ? Une remarque déplacée ? Tu te raidis, maladroit, nerveux aussi à l’idée d’avoir pu compromettre quelque chose entre vous. Tu vas devoir te rattraper, chacun de tes gestes un peu plus tendre que le précédent en l’emmenant marcher avec toi.

« Je ne voulais pas vous offusquer Orion, excusez-moi. Disons simplement que je n’ai pas l’habitude qu’on … referme les plaies comme ça. »

Tu fais mine de tituber à son coup d’aile, jouant le jeu en étirant un sourire doux, amusé par la situation en essayant de satisfaire sa curiosité sans trop en dévoiler. Pas encore, pas maintenant. Tu te contentes de garder sa main dans la tienne par peur de le voir s’enfuir.

« Vous aimeriez, pas vrai ? J’ai peut-être décalé une entrevue importante pour pouvoir vous rencontrer à nouveau. Vous aimez être le centre de mon attention, je me trompe ? » Ta voix se fait plus douce, un instant tu te rapproches de lui pour chercher son regard perçant, inquisiteur. « Je connais du monde un peu partout, j’ai appris à me faire un nom vous savez ? Je pourrais vous faire visiter bien des lieux inaccessibles. Contez-moi vos envie Orion, j’aimerais vous faire plaisir. »

Sa remarque t’arrache un rire. Tu dois rester calme, digne devant lui en reprenant ta route. Tes yeux se posent ici et là, sur quelques libellules volant autour de la rivière, d’une grenouille plongeant dans l’eau, sur une fleur aquatique presque éclose. « Nous avons tout notre temps pour nous arracher des secrets, vous ne pensez pas ? J’espère pouvoir vous retrouver encore une fois, après cette rencontre. Sauf si … Vous n’êtes pas intéressé, je pourrais le comprendre. Je ne suis pas très intéressant, alors que vous concernant, on doit vous courtiser sans cesse. »

Nul doute que l’ailé avait plus de … prétendants que toi. Et tu sais pertinemment que tu n’as rien de particulier, cette petite étincelle qui pourrait allumer une flamme entre vous. Pas maintenant, pas tout de suite, mais hors de question de lâcher l’affaire tout de suite.

« Je ne suis pas sûr que lécher nos plaies soit … très romantique. Mais je pourrais vous conter votre beauté, encore et encore, pour vous satisfaire.

La frustration commence à se faire sentir. Tu n'aimes pas qu'on te résiste de la sorte, même si tu t'accroches, même si tu fais tout pour le faire craquer, il ne flanche même pas. Ton expression se fane un peu pour ne laisser paraître qu'un agacement, te poussant un peu à feuler en te reculant pour le repousser sèchement.

« Tant que je suis tout le sujet de vos pensées actuellement, ça me convient. »

Pourtant, tu sembles bouder un petit peu. Tu plisses les yeux, les pupilles bien rétractées comme si, d'un coup, tu viens à le haïr. La balade prend un tournant beaucoup moins agréable de ton côté puisque tu n'arrives à rien tirer de ce géant aux secrets trop bien gardés.

« Vous avez vraiment la patience et l'envie de jouer au chat et à la souris des secrets ? Vous ne me mettez même pas l'eau à la bouche, comment voulez-vous que je m'intéresse… »

Finalement plus sec, tu étends tes ailes, pressant un peu le pas en manquant à plusieurs reprises de tomber dans le cours d'eau. Mais qu'importe, tu sembles bien rattraper le coup, louchant par-dessus ton épaule à multiples reprises pour t'assurer qu'on te suit toujours malgré ton soudain manque flagrant d'intérêt.

« Lécher les plaies peut avoir un certain effet coagulant. Après, si vous mangez de la terre, je déconseille en effet cette pratique primitive. Mais c'est toujours… Intéressant à voir. Vous vous soignez comment ? Vous n'avez pas de médecin dans votre entourage ? »

L'agacement peut s'entendre dans ta voix, tu es tout à coup un oiseau bien plus compliqué à apprivoiser et à satisfaire ; il lui faudra bien plus que quelques graines parsemées ici et là pour avoir tout ton intérêt.

« Nous sommes loin de cet endroit convoité ? »

L’oiseau de proie est tout de suite plus froid et distant. Tu le sens, tu as fais une erreur, sans trop savoir laquelle. La mine tendue, tu le laisses prendre les devants en le suivant de quelques pas en arrière pour lui laisser une certaine distance. Tu cherches aussitôt tes mots, attentif, prêt à le rattraper au cas où il glisserait. Tel un chien grondé tu te fais petit en appréhendant déjà ses refus et ses rejets.

« Je vous ai vexé, Orion ? »

L’ailé est capricieux, et probablement plus vicieux que tu aurais pu l’imaginer mais ça ne t’empêche pas de t’enfoncer dans son piège, volontairement, sans qu’il n’ait besoin de forcer plus que ça. Tu vas devoir redoubler d’efforts pour satisfaire ses plaisirs et ses envies, change d’approche Ronan, ouvre toi, deviens entreprenant.

« Je n’ai pas l’habitude des interactions sociales, excusez ma maladresse. Orion, comment pourrais-je me faire pardonner mon indélicatesse ? »

Enjambant la distance vous séparant, tu lui passes devant pour couper le cours d’eau, tes pas te portant sur les roches humides formant un passage vous menant de l’autre côté. D’une main, tu attrapes celle de l’homme pour l’inviter à te suivre et l’aider à traverser. Tu vérifies chaque pas, prêt à le rattraper s’il venait à déraper sur la pierre.

« Doucement, c’est glissant. Nous sommes bientôt arrivés. Votre patience sera bientôt récompensée je vous le promet. »

Tu te permets un sourire, forcé par ta timidité en le menant de l’autre côté, ta main serrant fermement la sienne sans oser la lâcher. Lui mettre l’eau à la bouche, c’est bien ce qu’il voulait pour te trouver intéressant ? Tu hésites à avouer la vérité, chaque phrase tournée mille fois dans ta bouche en fuyant nerveusement son regard dans un soupir.

« Si je vous parle d’Ouroboros, ça attise votre curiosité ? Ou il vous en faut plus ? »

L'équilibre finit par revenir et dès que tu finis de déployer tes ailes, tu te sens doucement aller mieux et calmer ton esprit. Tu n'en restes pas moins ennuyé qu'il tente de te cacher des choses. Parfois, tu regardes par-dessus ton épaule, puis tu passes à autre chose. Tu gardes la tête haute, réfléchissant de façon intensive pour bien choisir tes mots.

« Hmm… Laissez-moi réfléchir à un moyen de vous racheter. »

Vicieux, presque mauvais, tu sens que tu le tiens entre tes griffes et que tu sauras obtenir ce que tu veux. Mais tu es presque vexé qu'il te rattrape aussi facilement, te poussant à faire les gros yeux en gardant machinalement un sourire forcé et malicieux. Tu veux continuer à le charmer malgré ce début un peu compliqué de ton côté, prêt à tout pour des caprices qui pourraient t'être inutiles.

« Marcher commence à m'ouvrir l'appétit, je n'en peux plus, je vais finir par mourir ! »

Une tentative de détendre l'atmosphère que tu as volontairement voulu alourdir pour satisfaire tes propres envies. Tu finis par doucement planter tes ongles dans sa main, haussant un sourcil en surveillant sa réaction. Tu sembles tout contrôler jusqu'à cette mention d'Ouroboros. Tout de suite, tu sembles intéressé en te tournant vers lui.

Votre petite balade s'arrête là, maintenant.

« Bien sûr qu'il m'en faut plus. Vous n'allez pas me laisser pendre dans l'attente d'avoir une suite comme ça ! »

D'un regard larmoyant, tu sembles supplier qu'il s'ouvre à toi. Il pourrait encore mieux servir tes intérêts en t'aidant à retrouver les élus pour, ensuite, les faire disparaître en faisant attention à ne pas être une cible à accuser.

« Mais vous m'en parlerez dans le restaurant, c'est ça ? »

Alors vite, il faut se remettre en route. Tu le traînes avec toi sans même savoir si tu vas vers la bonne direction, pressé et bien trop satisfait d'avoir pu mettre la main sur quelqu'un qui changera le futur des élus.