La brise s'élève, renforcée par les hauteurs des lieux. Elle parvient même à faire danser avec allégresse la chevelure mi-longue de l'elfe, dont la tête ne cesse de tourner de gauche à droite, un regard contemplatif. Le pas se rue également d'un côté, puis d'un autre. Comme s'il espère voir davantage de choses ici et là. Mais l'ensemble, en tout cas, lui plaît beaucoup ! Et le peuple malaqii a effectivement toutes ses raisons d'être aussi fier de cet espace. Si quelque part, le paysage n'est pas des plus accommodants, et que les dunes éternelles ne rendent pas le trajet bien fiable, le tout forme un très joli tableau ; on a le tonnerre donc, qui vient gronder, les montagnes qui s'élèvent dans l'envie de toucher le ciel... Et aussi cette vaste élevée, qui ressemble presque à une grande arène tant cela est dégagé ! Un peu plus loin, quelques forgerons doivent faire leur labeur. Toutefois, il semble bien qu'il s'agit d'un jour de repos ; les travailleurs ne se font pas aussi présents. C'est une semi malchance pour Nora. Il aurait bien voulu les admirer dans leur tâche. Néanmoins, le champ n'est que plus libre pour visiter le tout !
A une époque, le noctem aurait tout donné pour y mettre le pied, et acquérir la première lame possible. Cependant, depuis qu'on lui a attribué une lame d'argent et une d'un doré arcanite, il n'aurait presque plus besoin de rien. Alors pourquoi se sent-il toujours envieux, dès que ses yeux se posent sur le fer chaud des forgerons ?

Enfin, une petite dizaine de minutes encore s'écoule, avant qu'il ne parvienne davantage à s'éloigner de cet espace. Il aperçoit d'ailleurs que certains commencent à plier bagages. Sans doute s'apprêtent-ils à rentrer dans leurs quartiers pour la nuit ? Il devrait bientôt en faire de même ; le soleil semble toucher à la fin de sa course. Et il n'est plus qu'une question de temps avec que la lune vienne prendre le relais.
Le blond, alors, décide de s'aventurer encore un peu. Juste un dernier coup d’œil dans ce lieu mystique. Puis il rentrera au bercail, quelque part. Là où il pourra négocier un lieu de sommeil. Il se doute bien qu'il ne remettra pas de sitôt un pied ici, cela serait assez dommage de ne pas en profiter, pas vrai ?

Qu'il est étrange cependant. Il est certain d'avoir vu la population quitter, ou commencer à quitter la forge. Alors... Pourquoi son sixième sens elfique lui indique cruellement qu'il se fourvoie... Et que quelque chose, qu'un danger est imminent ?

Nora s'est immobilisé, bras et jambes, lorsqu'il a commencé à réellement sentir quelque chose. Pas que de par l'instinct, cette fois. Du bruit de pas se fait, en son dos. Le genre de son métallique, lourd. Mais rien qui ne vient d'une forge ce coup-ci.
Le voyageur se retourne. Et ses yeux seront bien ouverts, lorsqu'une silhouette particulière se dessinera, en face de lui, à bonne distance. Une armure, bien grande, bien épaisse, bien imposante, se tient là. Avec une arme d'un bleu étincelant en poignée. Le genre de personnalité qui inspire autant la classe... Que la peur.
Manquant de mots, ce ne sera que du souffle, qui passe entre les lèvres du jeune Dänerick. Et ça sera cette autre personne, qui lèvera la voix pour commencer.
Nora alors, en a les épaules qui s'élèvent un instant, les sourcils qui s'arquent grandement, aux premières paroles de cette inconnue.
Comment a-t-elle su ? Comment...
Par réflexe, Nora pose le regard sur sa main droite. Cette dernière est bien gantée, alors aucun moyen qu'on ne perçoive cette marque ! Qu'a-t-il donc fait pour se faire repérer ?
A moins que... La personne en armure ne le sache déjà, l'aurait cherché depuis un temps ? Après tout, la précédente membre de l'Ouroboros l'a suivi un moment avant de l'attraper pour de bon.
Décidément. Cette guilde ne compte pas le laisser tranquille longtemps. Et il est vrai que le blond peut se mettre dans pas mal de péripéties. Mais de là à lui envoyer plusieurs protecteurs...

- Eh bien... Oui c'est moi, Nora D...

- Tu vas mourir.

L'elfe a à peine le temps d'en calmer un sursaut, de sentir son cœur manquer un battement, qu'il voit cette silhouette se jeter à pleine vitesse sur lui.
Pas même l'opportunité de crier au secours. Il bondit sur le côté, avant que l'ennemie ne vienne tenter de lui adresser un premier coup de sa lance.
Et, plus pas besoin que par envie, il sort déjà sa lame d'argent. Mais les mots lui sembleront être d'une meilleure défense pour l'instant.
Il recule, creuse de nouveau la distance comme possible. Déterminé à gagner une poignée de secondes avant le prochain assaut.

- Qu'est-ce que ! Qui êtes-vous, pourquoi cherchez-vous à m'abattre ?

Ses doigts resserrent avec force, déjà, le pommeau de sa lame. Cependant son âme troublée n'est pas convaincue à l'idée de devoir affronter.

- Je ne veux pas faire couler le sang, expliquez vos faits !

Cela sera-t-il seulement suffisant ?

Que cherche la personne en armure ? Pourquoi lui ? Il doit y avoir méprise. Nora se sait pas complètement innocent sur tous les tableaux, mais il a toujours fait en sorte d'être honnête ou au moins correct avec ses prochains, alors pourquoi lui chercherait-on autant de malheurs ?
L'élu ne le quitte pas des yeux. Écoutant les pas lourds amorcés par l'être de fer se dirigeant vers lui. Cette démarche déterminée, peu rassurante. L'elfe en sent un frisson parcourir son dos, rien qu'à l'idée noire de ce qui peut lui arriver dans les prochains instants. Cependant, l'heure n'est pas au cauchemar, mais à la lutte.
Il recule. Essuie un refus ; elle ne veut pas qu'il la connaisse. A la place, elle révélera ses idées. Une opinion bien sordide et noire, concernant les élus. Ces derniers auraient plongé le monde dans le trépas, les guerres, la mauvaise fortune. Et si Nora se sait coupable du sort obscur de pauvres bêtes lors de chasses, et plusieurs monstres... Il a encore une fine image juste persistante, en lui.

- Nous n'avons aucun impact sur tout cela ! Nous ne sommes que des choisis, des symboles ! Comment pourrions-nous avoir la moindre influence sur des guerres ? Certains d'entre nous ne sont pas concernés ni n'en ont vu le déb... Ah !

A-t-elle tenté de l'avoir avec ce coup circulaire de lance ? En tout cas, le blond recule d'un nouveau pas. Son arme est levée, toujours pas dirigée vers elle. Trop confus par la situation, il n'aurait pas voulu la blesser pour l'heure. Ou tenter, du moins.
Le prochain assaut ne sera pas de sa main, alors. Car, décidée, elle fonce. Si l'elfe parvient à esquiver un coup, il se prend la charge suivante de plein fouet. Et le voilà qui vole plus loin, cul et flanc à terre, le traînant sur plus d'un mètre également.
S'accrochant à sa lame comme à son dernier espoir, celle-ci n'a pas quitté sa poignée, mais la chute lui arrache un air de douleur.
L'être s'apprête sûrement à venir, ou même charger. Nora se relève encore. Cette fois, il parera les prochaines attaques si elle tombent ! Mais il ne les rendra toujours pas.

- Si vous en avez vraiment après les malheurs d'Arathia, faites-vous garde ou mercenaire. Terrassez les monstres des forêts ou les assassins cachés en ville. Mais en avoir après nos têtes ne fera de vous qu'un autre meurtrier sans foi ! Arrêtez donc cette folie ! supplie-t-il.

La discussion est-elle seulement nécessaire entre eux ? Le combat s'annonce, bien qu'il s'agit plutôt d'une survie, pour l'un.

La panique, la confusion, le trouble viennent tournoyer dans ses idées. Seul son instinct de survie parvient à trancher dans ses actes, le faire réagir au plus vite. Il se tient en position défensive, car la fuite n'aurait aucun sens. Mais l'affrontement lui semble peut-être même pire encore.
Les paroles de l'armure cependant sont nettes, claires à ce sujet ; il est responsable. Même en ne représentant qu'un symbole. A ses yeux, cependant, il n'a rien à voir avec l'âge du désespoir. Pas lui, ni le moindre élu.

- Nous n'avons rien causé qui nous soit blâmable ! Et quand bien même, il s'agit d'un temps ancien, nous tuer ne changera rien à part vous attirer les foudres des royaumes, ou des cieux !

Peut-on seulement raisonner une personne endoctrinée de la sorte ? S'il n'en avait pas été question de sa vie à l'instant même, le blond s'en serait presque senti navré pour elle.
Mais la discussion n'ira pas plus loin. L'effroyable met un terme à ses vaines tentatives, lui rappelant son sort imminent. Et si l'aventurier s'est préparé à l'assaut...
Il n'a pas sa vitesse. Ni sa volonté d'attaquer en premier. Et il en paie les frais.
Elle bondit. Se projette. Lui, réagit. Tout juste à temps pour fouetter l'armure d'un coup de lame. Inefficace. Et qui, par le contre-coup, finit sa course plus loin, hors de portée de son propriétaire. En réponse, l'ennemie contre-attaque. Le bâton fauche l'elfe au niveau du ventre, et elle le foudroie au sol, le bloquant sous son poids de fer.

Il en lâche un cri de surprise et de douleur. Son premier réflexe étant de considérer la distance entre son épée et sa poigne. Hélas, impossible de l'attraper. Il en est de même pour sa seconde arme, bloquée dans son dos.
L'elfe, figé à terre, tourne son regard vers la mort, ou ce qui s'en rapproche. Il l'a su pourtant, que tout n'est que danger depuis le jours où on l'aurait soi-disant béni de par cette marque. Et il a continué de jouer avec le feu. Jusqu'à ce que les flammes ne le rattrapent.
Le monstre de fer lui ordonne alors de décliner son identité. Cela servira-t-il de trophée, lorsqu'elle rentrera chez elle, ou dans une guilde obscure pour parler de son nouvel exploit ?

Il tente de relever son buste, une dernière fois. En vain. Alors, la mâchoire contractée, les yeux féroces comme il ne l'a que rarement dans toute sa vie, il l'observe. Son regard est océan mais est pourtant bien noir, lorsqu'il se plante dans le heaume de son assaillant. Puis, il articule chacune des syllabes, comme pour les faire entrer dans l'âme de sa tueuse ;

- Eh bien souviens toi de mon nom, lorsque ta conscience te rappellera à l'ordre et te maudira à jamais pour avoir tuer un innocent. Je suis Nora. Nora Dänerick.

Ses lèvres se tordent, son souffle se fait plus profond, plus lent. Il sent encore le froid de la lame faire contraste avec le chaud de son sang qui commence à s'extirper de sa gorge. La fin est proche. Il n'y est pas prêt. Mais n'a pas d'autre choix que de l'accepter. Ses paupières se ferment. Ses pensées vadrouillent pour l'ultime fois. Pour sa sœur. Ses parents. Son oncle perdu.
D'autres amis. Anamaria, Yang. Sa romance ratée, Luyen.
Puis ses vocations, souhaits. Être un aventurier exemplaire, protéger les peuples, rédiger des livres sur ses découvertes. Peut-être même tenter de répondre à sa fonction d'élu comme il se doit.
Tout... Trop de choses perdues, ou pas finies. Tant pis cela dit. Tant pis pour tout !

Et le coup qui viendra le délivrer pour de bon de cet odieux au revoir au monde et de ce suspens cruel tombe enfin.
Mais pas là où il s'y est attendu.
Cette fois, c'est un hurlement de douleur qui s'arrache de sa gorge, de son être, tandis qu'il se roule sur son ventre, attrape sa droite ensanglantée de sa gauche. Sa paume est bien ouverte. Même le symbole sur le dos de cette main ne se voit plus sous ces amères tâches rouges.
Et sous le choc, l'elfe a bien besoin de quelques secondes, avant de se ressaisir. Une ouverture ! Une fuite ! Un échappatoire !
Il se traîne, malgré la peine. Empoigne son épée. Grimace et relâche un grognement bestial tant il a du mal à fermer les doigts autour du pommeau et tant il tremble. Et il se tourne vers l'armure, le monstre. Sans même se poser la question du pourquoi du comment.
Mais il comprend vite un élément.
Évidemment.
Si elle ne l'a pas tué. S'il a pu se bouger jusque là. C'est parce qu'elle le lui a concédé.

Et en voici la sentence. Ou l'ordre. Ou le peu d'espoir qu'elle lui offre. Trois mois. Il aurait trois mois pour céder sa marque, son titre. S'en débarrasser comme il lui plaît. Ou comme il le peut. Sinon. Sinon il devra faire face à... A quoi ? Il ne saisit pas ce terme, ce nouveau nom de groupe. Et devine pourtant que la « Traque » restera ancré dans sa mémoire pour très longtemps.

- Qu'est-ce que... Pourquoi... ? lâche-t-il, une voix aussi misérable qu'abattue.

Et il ne sait pas même s'il demande pourquoi elle l'a laissé en vie... Ou pourquoi elle a compté ou comptera toujours mettre fin à son existence.

Les idées fusent, mais la douleur et le folie prennent plus de place, dans sa tête, son cœur. Son être tout entier. Il semble s'éloigner de la mort, cependant, en est bien loin de l'état de vivant. Survivant, peut-être, serait le terme qui conviendrait mieux.
Il continue de se traîner, sans savoir où. Ni même comment. Le pommeau de son arme est rouge, déjà. Le trépas se répand partout, alors qu'il n'a pas réussi à en finir avec lui. Pour combien de temps, seulement ?
Trois mois. C'est ce dont il bénéficie.
Trois mois. Pour fuir.
Trois mois. Pour se libérer de ses chaînes.
… Trois mois. Pour comprendre, en fait.
Comprendre ce qu'elle veut, ce qu'elle cherche. Et, ou, comment mettre fin à son titre. Il n'en veut même pas lui non plus ! Ne tiendra pas éternellement ni en vie, ni en forme s'il doit tous les jours se protéger, avoir un regard au-dessus de l'épaule juste pour vérifier qu'il n'est pas trop en danger ! Serait-ce donc une bonne solution alors ? Œuvrer pour fuir sa bénédiction maudite ? Quitte à devoir porter la honte des siens, de son peuple.
Quitte à devoir refiler son sort à un autre...

Il a lâché son épée, comprenant l'inutilité de la situation. S'est roulé de nouveau sur le dos. Le visage tourné vers les cieux, sa main compressant l'autre. Lorsqu'il aura repris un souffle, retrouvé ses esprits, il essaiera l'usage de la magie curative. Dans le cas où ça ne fonctionnerait pas, il fera d'urgence un bandage à la place. Mais là, il écoute les dernières paroles de son assaillante. Elle dit ne pas commettre ses crimes pour la gloire ? Oh, pense-t-elle en paraître noble pour autant ? Nora n'a ni le temps, ni la force de le crier, laissant le vent, le vide emplir peu à peu leurs échanges.
Et même les pas de l'armure, se font de plus en plus distants. Avant de réellement s'estomper dans la berceuse de la brise.

...

Ne plus être un élu, alors...
Choisir la voie des déchus, donc.
Humilité cligne lentement des yeux. Combien de temps s'est écoulé depuis ? La fatigue commence presque à prendre le dessus, chassant le trouble qui a puisé une bonne partie de son énergie. Peut-être aurait-il dû tenté de se soigner, dès le début ? Car sa magie semble s'être endormie, ne répondant pas à ses vaines tentatives de s'opérer lui-même. Ou, qui sait, le choc a frappé trop fort, le rendant alors momentanément inefficace sur ce plan là.
Puis, alors qu'il admire les cieux d'un bleu nocturne, ces premiers astres qui se démarquent dedans, il entend des cris de surprises. Des questions peut-être, lancées tout haut. Et enfin, sans même tourner le visage, il voit et comprend que des forgerons l'ont repéré. Et viennent à toute vitesse lui prêter main forte. Disons qu'il en aura besoin, pour celle qui n'est pas en très bonne état. Sans parler de son cou, et autres blessures.
Mais surtout de son âme, qui en a eu la première réelle fissure et peine.