Ses mots sont maintenant prononcés avec amour, douceur...

Elle dit vrai, cependant, et cela, en revanche, te désole. Tu le savais, pourtant, tu avais besoin de le dire. Ce n'était pas vraiment pour sa réponse, que tu lui avais demandé, mais plutôt pour soulager quelque chose en toi. Mais, si elle avait refusé de te suivre, l'inverse n'était pas vrai. Peut être un jour pourrais-tu à nouveau te tenir à ses côtés... En attendant, tu as le bonheur de la voir sourire à nouveau, de ce sourire qu'elle avait lors de vos premières rencontres. Ce sourire qu'Elle avait... Bien que tu ne te souviennes de rien d'autre. Mais tu savais une chose, à leur sujet à toutes deux... Elle n'était pas Milicent, et pourtant, Milicent était celle dont tu ne pouvais pas te décrocher. Alors tu viens déposer tes lèvres sur sa tête, et elle vient te répondre d'un baiser.

Tu pourrais peut être vivre ici... T'installer dans cette maison, la nettoyer, en faire votre sanctuaire... Sous la crainte de ton épée et de ses mots, personne n'oserait s'approcher d'ici. Quelle honte y'avait il à être roi d'un si petit royaume ? Ce qui comptait était qu'elle saurait où te trouver, et tu saurais en retour être là pour elle, à nouveau. Cela faisait il vraiment quatre ving quatre ans ? Tu ne doutais pas d'elle, mais cela semblait si court... Un battement de cil. Ne venais-tu pas, après tout, de retrouver Anya, ta petite fille ? Le temps s'écoulait maintenant trop vite, et tu avais peur de perdre l'équilibre, de te répandre dans le temps, de t'y briser et de t'y disperser...

Mais sa crainte fut bien vite balayée par une autre.

Ilyès.

Tu l'avais vu... Tu ignorais quand. Tu n'étais plus sûr... Mais tu l'avais vu. L'une des voix t'avait parlé de lui, et tu avais entamé un pélerinage. Tu avais rejoint l'Arbre, et tu avais observé son Protecteur. Son Gardien. Et ton coeur avait cessé de battre. Un court instant, avant de reprendre son maudit battement régulier. Il semblait si... fragile. Isolé, patrouillant. Une unique oreille de loup au dessus de son visage, une lourde épée accrochée à ses vêtements fatigués... Tu le reconnaissais, sans nul doute. Il était tout ce que tu avais voulu être, un jour... Mais il était aussi tout ce que tu détestais être. Il était tout cela... par ta faute. Ta malédiction.

"Je l'ai vu, au contraire, je voulais le trouver,
Comprendre qui il était, apprendre à l'aimer.
Il est notre fils : dans mon coeur, il est gravé
Son nom, et tout ce qu'il est, il est enflammé,

Il ne disparaîtra jamais, je le promets...
J'ai peur de son état, sa psyché, aggraver,
J'aimerais pouvoir mon amour pour lui clamer.
Et pouvoir à tous deux, enfin, vous le prouver.

Mais... Je vais cesser de le fuir, aller le voir.
Sortir de mon coeur et de mon esprit ce noir...
Je vais nous réunir, et enfin le guider :
Hors de sa solitude, sa voie lui calader."

Ses mots sont durs, mais tu sais qu'ils sont justifiés...

Tu restes un moment pantois, vaincu, défait. Tu ne sais pas pourquoi tu es parti... Tu n'es pas sur de l'avoir un jour su. Tu les as trahis, les a abandonnés, lui en particulier... Milicent savait à quoi s'attendre, et, si cela ne défait pas ta faute, au moins n'es tu pas le seul responsable de sa souffrance, mais Ilyès, lui, n'avait jamais demandé à souffrir de l'absence d'un père, alors que toi même savais la souffrance que cela pouvait représenter. Si elle avait ton absence maudit, que pouvait il penser, lui ? A quel point devait il le haïr ? Il ne restait donc plus qu'une solution : assumer tes torts, tes manquements, te rendre en Cerah, et affronter son regard. Comprendre sa souffrance, et l'aider à s'en débarasser.

Non pour elle, mais pour toi.

Elle se lève, mais tu pars déjà vers la porte. Il n'y a rien de plus à dire, et tu sais que c'est là que ta quête te mène. C'est au bout de ce chemin de ronces solitaire que se trouve la guérison, et, après elle, la rédemption, pour toutes ces années de vacuité, de violence, de luxure... Tu seras à nouveau Amorgen, non le monstre, peut être pas même le roi, mais le protecteur de la Forêt. Tu ne mérites pas de lui faire tes adieux, et tu sais qu'elle appréciera plus de voir ton repentir sincère que d'entendre tes mots. Mais ses mots parviennent malgré tout jusqu'à toi, et tu frémis. Une famille ? Comme tu le souhaites...

"J'ignore qui je suis, en réalité, ma belle...
Amorgen, Rowen, roi, monstre, ou bien poète ?
Je ne veux plus me battre ou conter fleurette,
Je ne veux plus d'une triste vie ribambelle :

Je t'aime, et j'aimerai notre famille."

Tu quittes la maison, sans perdre du temps à la regarder,
Le chemin vers Cerah sera long, tu crains de t'égarer,
Mais tu sais qu'à sa conclusion est la fin du moiré,
D'une vie dissolue que tu aimerais déchirer, taillader.

Etre libre, à nouveau.

Une famille, enfin.