Ce n’est pas nécessairement une bonne idée ; mais à force de traîner et de laisser traîner ses oreilles, il en a entendu parler. Cette chose immonde et pourtant qui lui permettrait de récupérer ce qui lui appartient.

Progressivement, c’est monté, une marotte, un irritation à laquelle il ne pouvait pas ne pas prêter attention, un besoin irrépressible. Certainement aurait-il dû en parler, mais la crainte qu’on lui dise de ne pas le faire, la certitude que c’est une mauvaise idée et que personne n’a le droit de lui dire s’ancre dans son crâne.

Son excuse pour partir ? Le besoin de revoir Cerah, où il n’a fait que passer, pour profiter de l’Arbre Millénaire en plein été. De toute façon sa décision est prise et bientôt le voilà à faire le trajet inverse, plusieurs mois après s’être fait à la vie aldani.

En traversant la frontière, en revenant sur cette terre connue, Yunhua essaie de se confirmer qu’il n’est plus le jeune homme effrayé qui est parti ; puisqu’il a un endroit où rentrer, où on l’attend cette fois. De toute façon, il sait où aller, pour pister un artefact d’une telle valeur. Et bientôt, les ports d’Avalon s’étendent sous ses yeux. Après une courte hésitation, c’est dans un bouiboui qui ne paie pas de mine mais dont il avait à l’époque beaucoup entendu parler, qu’il décide de s’arrêter.

Dans un coin, une chope de bière forte et brune devant lui, accompagnée d’une assiette du ragout du jour, le céleste fait le point. Ses économies soigneusement planquées, il lui faut à présent trouver comment remonter la piste d’un artefact qui, depuis plusieurs années, a été séparé de sa personne.

C’est certainement sordide, mais il est bien décidé à retrouver ses ailes, plutôt que laisser n’importe qui les utiliser, dusse-t-il parlementer avec la Dragonne d’Arvandor elle-même. Mais en attendant… L’alcool monte doucement mais sûrement à la tête ; et le céleste se tasse un peu plus, se laissant aller à ses souvenirs.

Une main joue sur la peau où quelques plumes subsistent de ses épaules. Cette nuit, cette même main a épousé les formes de ses omoplates trop marquées, des quatre cicatrices qui barrent son dos, sans pudeur pour celles-ci. Les pensées de l’arvandien expatrié s’échappent, alors qu’il se presse contre la source de chaleur. Maintes fois, dans le secret de son esprit, il a rêvé d’instants de partage et d’union ; et s’il n’avouera jamais que dans ses songes, celui qui l’étreignait n’avait rien à voir avec l’homme couché à ses côtés, il ne regrette pas.

Les rêves rencontrent la réalité et s’y étiolent progressivement.

S’il peut ainsi obtenir de l’aide, il ne reculera devant rien. Si ce n’était qu’une fausse piste, tant pis. Il a quand même appris. Il se redresse sur ses coudes, sans réaliser que l’oreiller lui a laissé une marque sur la joue, se foutant de l’épis dans ses cheveux. La paresse pourrait facilement s’emparer de lui, mais il tient bon. Qu’il serait bon

“Alors… Tu avais dit que tu m’expliquerais comment mettre la main sur des artefacts rares et pas forcément bien vus ?”

Un instant, il se demande s’il va apprendre qu’il s’est fait rouler. Que pourrait-il y faire ? Absolument rien, par conséquent… Autant espérer. Et progressivement, alors que l’homme parle, Yunhua se détend. Oh bien sûr, il ne s’attendait pas à ce que la ville entière soit un marché noir à ciel ouvert. Il a assez baigné dans ce milieu, avec Onyxa, pour savoir. Mais il est parti, il a pu goûter à autre chose que la tristesse d’Avalon et l’amertume d’Arbandor. Il a pris de la distance avec tout ça… et à présent ?

Yunhua craint de poursuivre une chimère mais il ne peut s’empêcher de vouloir aller jusqu’au bout. Quand son amant commence à parler, il se détend ; il ne s’est pas fait avoir, il… il avance, tout simplement, après avoir fait du surplace pendant des années.

Quelques heures plus tard, le voilà à nouveau dans les rues mal famées d’Avalon, un peu plus proche de ce qu’on lui a arraché. Et bientôt… Bientôt, il volera à nouveau. Il sera à nouveau entier…