La bonne humeur ne semble jamais te quitter, ainsi que ce caractère toujours plus provocateur. Tourner autour des archidiacres est une habitude que tu devrais perdre pour ne pas perdre des poils, ou pire, cette paire de bras en trop qui ne sait jamais où se poser sans que ça ait l'air étrange pour un humanoïde normalement constitué.

Cette fois-ci, c'est le troisième frère que tu comptes embêter. Tu sais très bien où se trouvent ses quartiers, et tu as la volonté de débarquer à l'improviste sans avoir quelque chose à lui proposer pour espérer avoir son attention sans subir des conséquences. À chaque pas que tu fais, tes ailes bourdonnent tandis que tu t'armes de ton plus grand sourire décoré d'atroces dents, t'arrêtant un bref instant devant la pièce de l'anarkhia.

« Kaaaaleb ? »

Il ne te faut pas d'autorisation pour rentrer puisque tu arrives comme un météore qui s'écrase sur les terres viciées. L'énergie que tu dégages est presque toxique et pas du tout contagieuse car tu préfères la garder juste pour toi, pour pouvoir embêter l'archidiacre étalé dans son lit.

« Oh, ça fait des heures qu'on n'a pas entendu parler de toi. Il faut sortir et faire des activités. J'aurais aimé être au milieu du territoire des bêtes impies mais il n'y a rien à faire de plus pour le moment. Tu fais quoi ? »

D'un regard, tu jauges tout ce qui a pu être dérangé par l'habitant des quartiers. Tu réfléchis, t'installant sans aucune honte chez lui en attrapant une décoration métallique qui semble t'intéresser. Tu pourrais l'emmener avec toi, mais ce serait risqué d'avoir ça entre les doigts en partant.

« J'ai besoin d'inspiration pour mes prochaines sorties. Tu as des idées ? Tu as des ennemis à chasser ? »

À part ta simple présence, il n'a peut-être plus assez d'ennemis à éradiquer dans les prochaines heures. Tu jongles doucement avec l'objet entre tes quatre mains, sifflant entre tes ignobles crochets.

« En effet, je m'ennuie. Oh, qu'est-ce que je m'ennuie ! Je cherche n'importe quoi pour m'occuper, mais même toi, tu m'ennuies. »

Tu le fusilles du regard. Et comme si être dramatique ne suffisait pas, voilà que tu t'avachis pour montrer ton mécontentement et ta lassitude. Tu soupires, tu ressembles probablement à un enfant gâté à qui on aurait dit non pour la première fois de sa courte vie, mais qu'importe. Plus tu t'étales, plus tu n'es pas confortable dans ce siège, la faute à cet abdomen qui mériterait d'être sectionné pour plus de confort. D'ailleurs, le bruissement du feuillage qui habille ton corps t'insupporte tout autant.

« Tu vas rester dans ton lit encore longtemps ? »

Des questions, encore, toujours. Tu t'agites encore, tu finis même par te redresser en faisant de nouveau le tour de la chambre. Tu es tenté de tirer sur les draps pour le motiver mais tu ne fais rien, parqué dans un coin de la chambre en riant aux suggestions de l'archidiacre. Que de belles choses à faire, oui, mais ça voudrait dire rester éloigné de lui. Et ça, c'est vachement dommage.

« Pourquoi je voudrais dompter une nouvelle créature ou mettre la main sur l'une d'entre elles quand je peux simplement les appeler ? » Ton large sourire s'agrandit, dévoilant finalement une gueule entière et toujours plus atroce alors que tes traits se déforment petit à petit. « Ou mieux… Quand je peux faire le travail à leur place ? »

Quelques craquements plus tard, te voilà sous les traits d'une immense créature, amas d'une myriade d'yeux et de bras. Et tu ne tardes pas à t'en servir, imitant un grand rire qui ferait trembler les murs si la pièce n'était pas aussi grande. Tu finis par attraper le draps de toutes tes mains, tirant dessus sèchement pour le dévoiler en entier et espérer garder le tissu contre toi en le plaçant là où devrait se trouver un nez.

« Hmmm. J'ai envie de te voir me faire un tour, Kaleb. Tu ne mérites pas la couronne de chaque dirigeant, non, non. Mais moi, j'ai été sage. Je mérite bien un peu d'attention de ta part. »

Tu ne profiteras pas bien longtemps de cette forme maladroite. Mais pour l'instant, tu restes comme ça, la tête balançant de gauche à droite, chaque œil rivé sur ton camarade. La frustration se lit dans le langage corporel de la créature que tu imites, tu ne pourras pas tenir plus longtemps sans avoir de stimulation mentale.

Même si l'espace ne manque pas dans ses quartiers, tu sais que tu ne peux pas faire tant de mouvements amples sans risquer de déranger les pierres de la tour Galate. De toute façon, ce n'est clairement pas ton but ; tu ne comptes pas (encore) tout détruire sur un petit caprice, car quand bien même tu possèdes cette si belle capacité de contrôler une immonde gangrène, qui sait, peut-être qu'ils ont d'autres moyens pour se débrouiller s'ils finissent par te tuer pour calmer tes ardeurs.

« Je n'y crois pas un seul instant. Il y a bien un dirigeant qui n'a pas de métal sur leur petite tête. Dis juste que tu n'en es pas capable… »

Un petit rire s'échappe d'on ne sait où. Ta voix porte assez loin, assez fort. Il n'y a probablement pas d'autres carnifex en mesure de parler, parfois, tu te demandes bien comment tu réussis à articuler quoi que ce soit.

Et alors que tu penses pouvoir revenir à la charge, voilà que tu te retrouves… Limité dans tes mouvements. Des chaînes d'une température désagréable viennent t'empêcher d'agir et surtout de réagir en conséquence, te poussant ainsi à rire de plus belle. Ah oui, c'est vrai. Ta simple bêtise et tes provocations se retournent contre toi, te poussant à faire mine d'être sous le choc malgré l'hilarité qui te gagne.

« Oooh… Mais qu'est-ce qu'on ferait… Sans moi ? »

Comment pourra-t-il justifier ta mort et s'en sortir sans recevoir de claque sur une de ses joues pâles ? Tu ne doutes pas une seule seconde qu'il y parviendra, qu'il saura se justifier en contant un énième accès de folie qui vient de toi, et qu'il s'est simplement défendu. Mais qu'importe, voilà que tu cherches à tirer sur la chaîne pour t'offrir un peu d'air.

« Qu'est-ce que tu as d'autre dans ta manche ? »

Les os craquent de nouveau, tout à coup, tu redeviens plus petit et encore plus facilement manipulable, la faute à cette forme feuillue et bien trop frêle comparée à tout l'éventail de bêtes que tu peux imiter. Tu n'as pas su te défaire de ta prison, et ce n'était de toute évidence pas ton intention.

Tu joues, tout simplement.

« Je me sens si vide, Kaleb. J'aime nos petits moments ensemble, mais j'ai envie d'être proche de toi. Pas prisonnier de tes chaînes… Laisse-moi venir. »

Tes ailes vrombissent, signe d'une certaine frustration qui ne risque pas d'être satisfaite immédiatement. Tu le regardes avec de grands yeux humides, quémandeurs, à la recherche d'une stimulation supplémentaire alors que tous tes doigts viennent se resserrer autour du métal. Ce n'est pas ça qu'il te faut, mais bien une chaleur quelconque d'archidiacre.

« Tu dois bien t'ennuyer, tout seul. As-tu un but pour faire passer le temps ? Occupe-toi de moi. »

Petit à petit, tu remues dans tous les sens comme un insecte qu'on manquerait de tuer ou de torturer dans les secondes qui viennent. Si tes yeux sont larmoyants, ton sourire, lui, se veut charmeur et tout en crocs. Tu tiens inexorablement à finir à quelques centimètres de l'archidiacre, aussi fou que cette idée puisse paraître.

Tu te balances alors au bout de la chaîne, offrant un spectacle maladroit et pourtant peut-être à la hauteur d'un bon divertissement pour l'élémentaire de métal. Tes dents claquent, témoignent d'une frustration qui grandit, grandit jusqu'à être palpable et captable dans tes mouvements. Bien sûr, tu pourrais te libérer des chaînes aisément en usant d'une forme bien spécifique, mais tu te prends au jeu un petit temps.

« Je sais bien que j'ai frappé à la mauvaise porte. Mais ce n'est pas grave, laisse-moi rêver d'un peu de chaleur entre nous ! Que tu es cruel, à l'image de cette Tour. Parfait. »

Ça te fait doucement rire. Tu tends tes muscles en essayant toujours de te défaire de la prise, grimpant maladroitement en cherchant une position plus confortable. Toutes tes mains s'agitent en rythme, tirent, tentent de briser le métal en vain. Alors tu viens y goûter, les dents tintant contre les chaînes avant d'essayer d'engloutir celle qui te dérange.

« Si tu crois que je me souviens de ma belle époque ! Je n'étais probablement qu'un vulgaire insecte pâle et faible. Dis, tu trouves que je tiens plus de l'angias ou de l'insecte ? »

L'instant d'après, tu sembles disparaître. En réalité, te voilà sous les petits traits d'un Skrit, le corps tordu semblant fondre entre les maillons. Si la chute peut être douloureuse, tu reprends rapidement forme pour pouvoir fuir de toutes tes pattes sous le lit et espérer grimper au plus près de l'archidiacre. De quoi te faire pousser un petit rire mesquin tandis que tu te faufiles un peu partout, pointant le bout d'un petit museau suivi de plusieurs tentacules qui viennent fouetter les draps avec insistance.

« Tu veux pas de moi en tant qu'animal de compagnie ? »

Sous cette petite forme, tu n'en demeures pas moins emmerdant. Tout ce qui peut l'embêter, tu es prêt à le faire, tant que tu peux recevoir un semblant d'attention en retour. Enquiquiner un archidiacre est un risque à prendre et pourtant… L'idée même des conséquences ne semble même pas t'effleurer. Tu ne cesses de glousser, bougeant à gauche, à droite, tu imites cette danse ringarde qui te correspond bien, un geste signature dont tu ne te lasses pas.

« Pourquoi donner son animal de compagnie ? Il avait la rage ? T'aurais pu me le passer, je ne t'aurais jamais embêté avec une telle possession. »

Évidemment qu'il ne pense pas à toi, c'est toujours comme ça. Tu pourrais le regarder avec des yeux larmoyants, mais à la place, tu te contentes de mimer un tentacule qui vient essuyer le bord d'une paupière. Tu restes calme encore un instant avant de venir te faufiler sous les draps. Malgré la petitesse de cette forme, on peut facilement distinguer la forme qui se rapproche à toute vitesse de l'anarkhia. Au dernier moment, tu viens tendre une toute petite patte que tu t'attends à sentir se faire écraser à tout moment.

« Mais c'est mon apparence normale, celle d'une frêle petite créature. »

Et à force de faire n'importe quoi avec cette capacité à prendre la forme de ton armée, tu finiras par t'épuiser, et donc ultimement par le laisser tranquille. N'est-ce pas là ce qu'il veut ? Tu couines avant de glousser une fois de plus, t'étalant de tout ton long sans bouger. Vivre sa vie sous un autre angle est aussi excitant qu'effrayant.

« Tu as oublié tes cours d'histoire ? Qu'est-ce que tu veux savoir de plus de l'avant Galate ? On s'en fout, il faut savoir vivre avec son temps, mon vieux. Et puis tu t'y connais bien mieux que moi. »

Ta voix s'est légèrement modifiée au vu de la stupide apparence que tu revêts encore. Il va te falloir un moment avant de te dire qu'il serait judicieux de redevenir l'angias insectoïde.

« Et puis t'as fait quoi pendant tout ce temps ? T'as dormi ? Ça sert à rien. Un peu comme ta capacité à m'occuper. Je dois faire tout le travail, Kaleb. Fais un effort ou je m'enfonce tout le métal de tes quartiers au fond de mon gosier sous tes yeux ébahis. »