Tu as détourné ton attention l’espace d’un instant, juste le temps d’un coup d’oeil sans rien remarquer. Tu as bien insisté sur le plateau pourtant, un peu agacé de te voir perdre mais tu n’as pas insisté. Il suffit d’un mauvais coup pour en arriver là alors tu te contentes de hausser les épaules en jouant à nouveau ton tour sans te douter une seule seconde que ton adversaire a pu te jouer un tour aussi … petit.

« Dame Kahori est digne de confiance, et brave. Elle aime aider son prochain et je suis sûr qu’elle serait capable de faire quelques ajustements pour que tu puisses aider à préparer les feuilles de thé. Je ne te force pas Lune, mais si tu sens le besoin de fuir les nobles je serais là pour t’aider. »

Tu veux qu’il décide par lui-même, qu’il prenne la décision de changer de cap pour une nouvelle vie et qu’importe ses choix tu seras là pour le soutenir et l’aider. Déposant les derniers pions, tu affiches une moue déçue en venant les compter avant de sourire, amusé par la situation en commençant à les ranger dans un petit sachet que tu tends à l’homme.

« D’accord d’accord, je ferais en sorte de te border comme un gros bébé. » Tu ris. « Avec une belle histoire en prime, beaucoup tueraient pour être à ta place. » T’entendre si longtemps, dans un contexte si calme, ce n’est clairement pas quelque chose que tu offres à tout le monde. Rangeant le plateau et les pions sous la table, tu te lèves pour aller ouvrir la fenêtre coulissante et aérer la pièce. Fouillant dans les tiroirs, tu en sors un kiseru que tu viens allumer et fumer en t’accoudant sur le rebord.

« Parfois j’aimerais bien aller voir les étoiles, de temps en temps. Le ciel rocheux de Fang est … lassant. »

Impossible que tu te sentes à ta place où que tu ailles ; avec un tel corps abominable, il n'y a que peu de personnes qui te considèrent encore comme un être vivant avec des sentiments. Quand bien même pleurer est un état qui peut attirer la sympathie, ici, c'est tout le contraire. Les nobles te pensent faible et en profitent.

« Je ne te crois pas, Lixian. Je ne vais pas la déranger, tant pis… Le monde continuera de shooter dans mon abdomen. »

Tu pars tout de suite défaitiste, refusant de remettre les jetons immédiatement. Tu joues avec le sachet, le soupesant, puis tu tires sur les cordelettes pour l'ouvrir et le fermer avant de te lasser et de tout ranger. Tu te permets même de remettre tout ce que tu as volé dedans, l'air de rien, en le surveillant de quelques yeux curieux.

« C'est vrai, beaucoup tueraient ? Mais enfin. Tu peux leur offrir ça, certains sont d'aussi gros bébés que moi. En plus, tu peux leur faire payer un extra. »

Tu finis par t'approcher de l'ouverture, te posant difficilement là où tu peux. Avec un peu d'ajustement, tu y parviens, mais voilà que tu te retrouves à devoir te boucher le nez discrètement pour ne pas sentir l'odeur répugnante.

« Non ! Dehors, c'est dangereux. Tu ne sais pas comment j'ai galéré pour venir jusqu'ici, j'aurais dû mourir plusieurs fois. Et si c'était pas dans le désert, c'était à Clara Nocte. Personne ne veut de moi, mais je ne peux pas rester à Ananda. »

Pas après ce que tu as fait. Un sabotage peut se pardonner, mais tu n'arriveras jamais à plaider ta cause sans t'effondrer. Tu attrapes un crochet que tu gardes près de la fenêtre pour continuer ton petit travail maladroit mais… Peut-être joli à voir, si on comprend ce que tu essayes de faire.

« Reste ici, tu n'es pas bien ? La Sainte Sauveuse a l'air d'être clémente en plus. Beaucoup plus que la lune. Elle ne parle pas. »

Le rocher ne devrait pas parler non plus, d'ailleurs.

Ton jeu était dans cet état avant que tu ne tournes la tête, vraiment ? Tu fronces un peu les sourcils, incertain en surveillant même le maudit du coin de l'œil comme pour lui montrer que tu n'es pas très sûr de lui mais tu finis par vite chasser ton incertitude d'un haussement d'épaules ; au pire si ça peut lui faire plaisir.
« Tu sais, Dame Kahori peut s'adapter pour te permettre d'être à l'aise, dans l'arrière boutique il y a assez de place pour toi, tu serais à l'abri des regards indiscrets, dans ton petit cocon pour aider à la préparation en interne. Ne te sens pas forcé, mais garde en tête cette possibilité si un jour tu veux vraiment fuir les nobles. »

Si tu pouvais décider pour lui, tu n'aurais pas hésité mais Lune, quand bien même tu le sais sensible, est maître de lui-même : tu ne dois pas, peux pas décider pour lui sans avoir l'impression de l'enfermer dans une cage en prenant le contrôle de son être.

En le voyant gagner la partie tu jures, doucement et presque avec politesse pour accompagner ton soupir ; il est fort, et assez astucieux pour venir à bout de ton expérience. Tu te permets même de rire, en comptant tes pions de ton côté pour en avoir moins que lui et accepter ta défaite, les oreilles baissées.

« Bien joué Lune. Je vais te faire le meilleur lit, tu m'en diras des nouvelles. » Léger sourire, en rangeant correctement les pions pour remettre le jeu à sa place. Te levant, tu passes juste à côté de lui pour te pencher à sa hauteur, le regard pétillant d'une certaine envie en osant rapprocher ton visage du sien dans une légère envie provocatrice.

« Messire Lune voudra autre chose, avec ses draps parfaitement bordés ou ce sera suffisant pour toi ? Profite-en. »

Ta voix pourrait être se montrer charmante, en l'accompagnant d'un petit clin d'oeil.

« Et comment je fais pour me justifier si je suis pris d'une furieuse envie de… ? »

Tu ne dis rien de plus, Lixian comprendra sûrement ce que tu veux dire s'il croise ton regard rempli d'une malice que tu ne réserves qu'à lui. Une fois installé dans le lit, les pattes recroquevillées contre ton gros corps, tu fais mine d'oublier cette abomination qui a remplacé tes jambes. Tu souffles tristement, fermant tous les yeux un petit moment pour te remettre de tes émotions et ne pas laisser les larmes te monter aux yeux pour une raison absurde.

« Je vais avoir besoin d'une leçon d'histoire, j'ai encore tout oublié. Dis-moi, quelle influence a la Sainte Sauveuse sur nous ? »

Tu es probablement moins sensible que lui concernant cet astre. Après tout, tu as déjà pris tarif à Ananda, et tu t'en rappelles rien qu'en sentant la chitine frotter contre les draps. Tu te sens déjà prêt à t'endormir pour reprendre des forces après avoir autant pleuré comme un gros bébé.

D'un geste vif, tu viens lui attraper le visage. Tu ne comptes pas le lâcher de sitôt maintenant qu'il a tenté de te provoquer. Tu rouvres tous les yeux, le fixant avec insistance avant de tirer une langue timide pour grimacer.

« Je ne sais pas ce que tu essayes de faire, mais tu risques de tomber dans ma toile. »

Même bordé, tu n'en restes pas moins imprévisible. En un mouvement, tu pourrais t'emparer de lui et tisser une immonde toile pour l'embêter. Peu de monde a eu le malheur de se retrouver avec une matière aussi collante et difficile à retirer. Tu finis par le faire basculer pour qu'il te rejoigne de son côté, le gratifiant d'un sourire peu rassurant.

« Je ne vais pas trop abuser de ta gentillesse Lixian… C'est déjà pas mal. Ce sera encore mieux si tu dors contre moi ce soir. »

Enfin ça, tu ne sais pas vraiment quelle heure il est.

D’un petit sourire amusé, tu fais mine d’hésiter en haussant les épaules à sa demande. Tu pourrais débattre encore des heures avec lui sur le fait que Dame Kahori est une personne de confiance, il trouvera toujours quelque chose à redire pour essayer d’avoir le dernier mot. Lorsqu’il se décidera à changer, tu seras là pour l’accompagner et l’aider à se sortir de cette situation. Pour le moment, c’est à lui de décider ce qui est le mieux pour lui.

« On dit qu’elle rend fou les gens. Qu’elle ferait perdre la mémoire à certains, ou que d’autres perdraient le contrôle de leur corps. Je ne sais pas si tout est relié à elle, ou si c’est dû à autre chose ici mais … oui, Xing Alda est victime d’une malédiction qui aura, à terme, notre peau à tous. »

Ta mère a été fauchée, et toi tu es rongé de l’intérieur, petit à petit. Au fond de toi, tu espères que la créature à tes côtés partira avec toi, avant de te voir dépérir sous ses yeux et se retrouver à nouveau seul, en proie à la folie aldani.

Reculant légèrement en le sentant t’attraper, tu te reprends rapidement en te rapprochant encore un peu plus pour le provoquer une énième fois de ton sourire tentateur. « Ohlala, que j’ai peur. Tu oserais me faire du mal, Lune ? » Son nom claque sous ta langue alors que tes lèvres frôlent les siennes avant de finalement te laisser aller et te coucher à ses côtés en tirant sur les draps pour te faufiler en dessous.


« J’avais des choses à finir, mais je pourrais m’en occuper demain. » Si tu n’oublies pas. « Si tu promets de ne pas me dévorer tout cru dans la nuit, bien sûr. » Tes doigts viennent glisser contre ses pattes, les caressant dans un geste lent et doux pour continuer à le rassurer en permanence.

« C’est probablement la Sainte Sauveuse qui … a fauché la vie de ma mère. »

Un aveu, d’une voix un maladroite.

Tes yeux s'agrandissent et tu t'agites tout doucement dans les draps, les pattes manquant de percer le tissu à chaque mouvement un peu brusque. Ce n'est vraiment pas simple d'avoir un tel corps, et les dieux doivent bien rire de toi, encore plus maintenant que les vertus t'ont abandonnées. Tu réfléchis, tu n'as pas l'air conscient d'avoir un ou plusieurs symptômes que décrit Lixian. Mais tu hoches simplement la tête, intéressé avant de baisser les yeux vers ta peau recouverte de cette carapace horrible.

« J'ai déjà assez pris cher, je ne peux pas me laisser avoir par la Sainte Sauveuse ! Non, jamais ! »

Et pourtant, peut-être que la démence te guette déjà. Tu baisses un peu les oreilles, faisant la moue. C'est un destin funeste qui vous attend; Lixian en a conscience, toi, un peu moins. Mais vous pouvez mourir dans un mois comme dans vingt ans, forcés à vivre dans une peur constante de tuer l'autre. Ou pire. Tu reprends vite tes esprits dès que tu sens ses lèvres près des tiennes. Tu es tout de suite frustré, agitant tout ton corps dès qu'il s'éloigne. C'est donc comme ça qu'il a prévu de te frustrer. Tu souffles simplement du nez, les sourcils froncés et les traits tirés.

« Peut-être que je t'empêcherai de te lever demain matin. Tu sais… Quand je ne fais pas de toile pendant un moment, ça finit par démanger. »

Encore plus avec un régime protéiné. Tu finis par roules les yeux, cherchant à avoir toute son attention en te collant à lui. Ce n'est pas le plus pratique, mais au moins, tu peux sentir la chaleur de son corps. Tu vas vite t'endormir, rassuré comme il faut en essayant de penser à autre chose que du drame. Mais voilà que Lixian en remet une couche. Tu as tout de suite les larmes aux yeux, pas pour attirer son réconfort, mais parce que tu as l'esprit chargé et sensible.

« Je ne veux pas qu'on soit fauchés par la Sainte Sauveuse, Lixian. On devra partir, un jour. Tant pis pour ce royaume… »