Totalement affaibli, tu peines à te lever. Non loin de toi dans la boue, ton sabre à la lame rouge se distingue de la terre salée. Complètement anémié, tu n’arrives toujours pas à te mettre sur tes jambes. C’est donc avec ton peu de force que tu te motives à attraper ton arme pour t’en servir de canne.

Tu aimerais respirer profondément. Mais l’air nauséabond te décourage, sans parler de l’horrible sensation de l’eau de mer toujours présente dans tes poumons. À ce même instant, alors que tout ton poids réside sur la lame du katana, ce dernier cède et ploie. L’épée se brise et en glissant, tu tombes le dos au sol.

Dans ta chute, le bout de la lame encore plantée dans la pâte immonde qui sert de plancher à cet endroit érafle ta côte. Les yeux face au ciel, tu es dans le déni de ta souffrance. Simplement, tu comprends que quelque part dans le monde, quelque chose est en train de changer.
 

C’est le plus loin où tu peux aller. Cette côté sale, boueuse, ces promesses au loin qui ne se concrétiseront certainement jamais pour toi. La Tour est secouée par son éveil, et toi tu as simplement l’impression que tu es un peu plus enfermé, que tes options sont à présent inexistantes.

C’est l’éclat rouge, avant le cadavre à côté, qui attire ton attention.

Tu t’approches sans te presser, curieux de ce que la mer a rejeté sur vos côtes putrides, envieux ou jaloux, tu ne sais pas réellement, de cet homme qui a pu voir ailleurs, très certainement.

La première chose que tu remarques est que la lame est cassée. Jouet inutilisable, tant pis. L’autre, c’est que le cadavre à côté n’en est pas un ; le sang coule, l’homme respire. Il doit douiller. Vu la blessure, il n’y a pas d’autre option.

Alors à présent, quoi ? Tu pourrais être miséricordieux, abréger ses souffrances. Mais tu n’as pas appris à l’être, pas à la Tour en tout cas, et tu te laisses tomber assis dans la fange, tes mains passant au-dessus de son corps sans le toucher.

“C’est vraiment moche, comme plaie.”

Quand tes doigts agiles passent au-dessus de la blessure, ils semblent s’agiter un peu plus. Tu ne peux pas réellement remettre le sang dedans - ça serait remettre aussi la boue et les immondices qu’elle transporte. Mais tu peux motiver le sang à cesser de sortir, de force, en attendant qu’il coagule. Là. Il cesse de saigner. Et maintenant ?

Intrusif, tu appuies sur son nez.

“Tu vas te laisser mourir ?”, il y a une manière de demander s’il le fait exprès, comme s’il l’avait choisi, dans ta voix.

Alors que tes yeux se perdent dans le ciel rouge et malsain. Tu te questionnes, non pas sur l’endroit où tu t’es échoué, mais sur la signification de tout cela. Sadyra, Serait-ce l’une des sept tus? Tes connaissances en histoire sont plutôt correctes… Alors le lien n’est pas bien compliqué à faire. Mais cette réponse ne t'apporte en réalité qu’une myriade d’autres questions.

Quelque part, non loin de toi, dans le monde réel et donc… à des kilomètres de tes pensées, quelqu'un te parle. Mais cela ne semble pas suffisant pour te faire revenir à toi. Il pourrait être une âme bienveillante ou un démon venu des tréfonds d’une dimension parallèle venu pour liquéfier la moelle et en faire un cocktail; cela reviendrait au même.

Ta main vient gagner ta poitrine où tu attrapes le médaillon qui contient le bourgeon. Tu y cherches désespérément cette sensation de présence qu’elle t’offrait. Mais rien… Par la même occasion, tu remarques quelque chose. Ton attirance envers elle a pour le moins changé. Comme si tu avais été délivré d’un envoûtement.

Si elle était vraiment ce qu’elle prétendait être, quel aurait bien pu être la motivation ou bien même le but d’une quasi-divinité ? Finalement, la magie de la créature auprès de toi, ainsi que ces paroles te forcent à te reconnecter au monde réel. Vas-tu te laisser mourir ? Bonne question. Tu as le sentiment de ne plus avoir ni but, ni envie. Si bien que l'avenir proche te semble soudainement flou.
 

Le silence te répond, et tu soupires doucement. Peut-être qu’il n’est déjà plus vraiment là. Peut-être qu’il est en train de glisser,s ans que plus rien ne puisse le rattraper. Tu observes ses traits, en te demandant si toi, tu abandonnerais si tu avais ce physique là. Cette apparence qui te permettrait d’aller partout, sans être trop reconnaissable, sans être pointé du doigt. Mais le défaitisme de ta situation te cloue ici.

Alors tu peux simplement l’accompagner un peu. Tu observes son visage, tu récupères la fiole que tu as à la ceinture. De l’eau saine, c’est une denrée importante ici. Tout en maintenant ta magie en place d’une main, tu entreprends de lui débarbouiller sommairement le visage avec un mouchoir un peu trop ouvragé pour qu’il ne t”appartienne. A qui l’as-tu volé ?

Tes gestes sont doux, alors que tu le débarbouilles, révérencieux même. Tu passes le tissu humide sur ses lèvres parcheminées, jusqu’à refaire apparaître l’homme sous la crasse.

Puis tu lui attrapes la main. S’il décide de rester là jusqu’à pousser son dernier soupir, il ne sera pas seul. S’il décide de se battre contre la Mort… Il aura besoin d’une main à laquelle s’accrocher. Dans tous les cas, si ce n’est la miséricorde, c’est la curiosité, peut-être malsaine, te pousse à rester.

Les questions continuent de fuser. Mais pour l’heure, il te faut faire avec. Tu serais bien resté ici attendant une réponse… Ou bien la mort. Mais la vraie vie semblait décider à entrer en contact avec toi. C’est du moins ce que tu en déduis lorsque cette main vient attraper la tienne. Dès lors, tu ouvres réellement les yeux. Bien que ses derniers aient été ouverts depuis le début, tu ne fais que commencer à regarder à travers eux. Avant cela, ils étaient comme vides. Tu regardes ton interlocuteur avant de te prendre une nouvelle fois, le temps d'un instant dans le ciel carmin.« Qu’est-ce que tu es ? J’en ai vu des monstres, mais, des comme toi… » Râles-tu avec peine. Tu regardes ton interlocuteur avant de te perdre une nouvelle fois, le temps d'un instant, dans le ciel carmin.

Tu avais certainement déjà vu des maudit, que ce soit sur les hautes mers, peut être avait tu déjà été mandater pour en éliminer lorsque tu étais mercenaire aux côtés de la draconide. Mais lui, te semblait étrangement amical. Beaucoup trop doux pour une créature aussi infâme. « Sommes-nous à Ananda ? » Tu avais eu la chance de voyager à travers le monde, tu avais même posé le pied en territoire Noctem du temps où les frontières étaient richement gardées.

Pourtant, jamais tu n’avais mis le pied au royaume des marais. Malgré cela, il ne te fallut pas grand-chose pour faire le lien avec ce paysage malsain, trop d’éléments étaient incriminent. Ce lieu était comme on te l’avait décrit : mort et pourrissant. Comment est-ce que des gens pouvaient vouloir se battre pour le posséder ?
 

Ton expression se chiffonne, et pourtant, tu es si habitué. Tu fais peur quand tu ne fais pas pitié, dès que ceux qui te regardent ne sont pas, tout comme toi, touchés par la damnation.

“La personne qui évite que tu te vides de ton sang ; je m’appelle Kethry, adepte de la Tour Galate.”

Ah, en général, ça fait peur, quand tu secoues le nom de la Tour comme ça. Ce n’est pas ce dont toi, tu as envie, mais lorsqu’on te pique, tu réfléchis bien peu. Et tu regrettes dès que les mots sont sortis de tes lèvres de les avoir prononcés. Tes mains s’éloignent de son corps, sauf celle qui maintient ta magie, et tu observes ses vêtements à la recherche de quelque chose d’assez propre pour faire bandage. Rien. Il est dégueulasse, comme s’il avait été lessivé avant d’atterrir ici. Un soupir, et tu commences à détacher les tissus qui te servent de haut, sous ta cape noire. Entre tes “ailes” de bois et tes bras, autant dire que tu as abandonné les chemises classiques. La bande blanche, ornée discrètement, tombe sur tes genoux alors que tu réponds encore :

“Bien sûr qu’on est à Ananda. Je suis sûr qu’aucun autre endroit n’est aussi putride. Tu peux te redresser ? Je ne vais pas tenir comme ça jusqu’à ce que ton sang ait la gentillesse d’arrêter de couler. On va faire un bandage…”, tu réfléchis. “Après, tu devrais aller à Asmupolis, mais il y a quelques petits villages. Puis repartir. Repars le plus vite possible. Conseil de Calantha.”

Tout pourrit ici ; tu en es la preuve.

Tu dois avouer être dans une certaine incompréhension. Gisant au sol, tu es résigné, pourtant, tu cherches en toi un reste de combativité. « Et pourquoi me sauver ? Tu as besoin que mon corps soit encore frais pour que je serve d'engrais à ta tour ? » Viens-tu lui rétorquer, sans réellement attendre de réponse.

Mais tu réalises peu à peu que le maudit n’est pas hostile, tu doutes qu’il ait de quelconques pensées négatives envers toi. Quelqu’un de sensé cherchant à te tuer t’aurait simplement achevé. Ou bien, si tu n'était destiné qu'à être un cobaye, a quoi bon te faire la conversation lorsque visiblement, on sait manipuler nul autre que le sang.

Presque a contre coeur, tu finis par te lever. « Amsupolis ? Que vais-je faire à Amsupolis, on dit que c’est une ville morte, abandonnée au joug des Anarkhias. Quand bien même je survivrais à cette épopée, je n’ai nulle part où aller et plus aucun moyen de reprendre la mer. » Tes yeux regardent l’épave du hurleur… Tu as tout de même un pincement au cœur pour ce qui était ton dernier bateau. Mais également pour ton équipage. Tu ne ressens pas vraiment de rancœur après leur abandon.

Non, tu te questionnes. Tu ne te souviens pas tellement ce qui les a poussés à partir, tes souvenirs de cette traversée de la mer de sylve sont flou. Tu te souviens de ta destination que le péché de l'orgueil souhaitait rejoindre et tu sais maintenant que là-bas, à Solaria, tu n’y trouveras plus rien. Tes pensées vont à Arie et Riku, tu espères que là où ils iront, ça ira pour eux. Finn n’est pas oublié lui aussi, tu t’en veux. Tu te voyais devenir une sorte de père de substitution pour le petit cluasan, perdu et naïf comme il est, tu crains pour lui.

Ces pensées aussi sincères soient elles, tu comprends… Pourquoi tant de tendresse en leurs égards. Tu te souviens autrefois que tu aurais été prêt à les sacrifier pour ton profit… Qu’est-ce qui a changé ?
 

Tu penches doucement la tête sur le côté, refusant de montrer que ses paroles agressives te blessent. Tout le monde a peur de la Tour, même toi. Tu te contentes de soupirer. Tu voudrais rencontrer quelqu’un, ici, qui ne donne pas raison à Joftra lorsqu’il affirme que seule la Tour peut te convenir.

“Je pensais que tu allais mourir ; ça avait l’air triste, de le faire seul.”

Lorsqu’il est redressé, tu t’occupes de lui enlever, de tes multiples mains, les vêtements qui le couvrent. le bandage ne sera pas parfait : tu n’es pas un médecin ni un soigneur, tu vides, tu utilises le sang, tu blesses. Tu es un outil de la Tour, même si tu es défectueux sur beaucoup de plans.

“He bien, tu peux rejoindre Clara Nocte, en partant vers l’est.”, avec une assurance qui pourrait facilement montrer à quel point tu n’y connais rien en géographie, tu indiques d’une main une direction. Absolument pas la bonne. “Tu es beau ; ils n’aiment pas les non-elfes, mais tu t’en sortirais mieux que moi.”

Ton regard suit le sien, se pose sur la carcasse qui bientôt sera pillée ; c’est normal, il n’y a rien ici. Tout ce qui pourrait servir est âprement désossé. Mais toi, ce ne sont pas les richesses que recèlent potentiellement les soutes qui t’intéressent. C’est la liberté qu’offre un navire, et celui-ci n’a plus rien à donner.

Ton bandage est propre, et tu te permets de relâcher lentement ta magie, attentif à ce que le saignement se soit tout de même calmé. Ce n’est pas assez, mais c’est le mieux que tu puisses faire. Avec hésitation, tu tends ta petite fiole pour qu’il boive.

“Je te conseille de prendre ce qui t’es précieux dans les restes de ce vaisseau et de partir ; les carcasses attirent les charognards. Même un bois un peu moins pourri que ce que nous avons ici est précieux. Il y aura bientôt des pillards.”

Tu songes à Clara Nocte, tu es l’un des rares humains à y être déjà allé. Mais tu allais devoir parcourir tout Ananda et les terres maudites pour finalement ne pas être sûr de passer ce qu’il reste du barrage d’argent… Dans ton état, ça serait de suicide et quant à mourir, tu as d’autres options bien plus simples et surtout plus proches… Puis tu songes aux récents événements. Sadyra, le rapprochement avec son royaume natif ne t’enchante pas, c’est presque alors pas superstition que tu rayes définitivement cette destination de ton esprit.

Tu regardes ce Kethry te tendres quelque chose. « C’est… Un anticoagulant ou un truc comme ça ? » Tu n’es pas trop sûr de ce que continent cette fiole, mais tu l’attrapes, pour autant, tu ne viens pas la porter à tes lèvres tout de suite.

Le hurleur n’est plus. Et les trésors qu’il abritait gisent en grande partie dans le fond des eaux, peut-être même portés par le courant jusqu’aux eaux sombres. Il ne reste que des cordages et des morceaux de voile couverts de boue.

Néanmoins, tu attrapes quelques mètres de cordes. Qui sait, ça serait toujours pratique, ainsi qu’un morceau de la voilure dans lequel tu enroules les éclats du traque-sang que tu avais brisé... Tout ce qu’il te reste, tu le portes sur toi. Un médaillon vide, un artefact Vollhyr et une bourse remplie de liges. « Amsupolis, c’est loin d’ici ? » Tu ne sais pas ce que tu y ferais. Tu y rejoindrais probablement une taverne ou un foyer pour t’y reposer le temps qu’on te saigne pour voiler tes biens. C’est du moins le scénario le plus probable lorsque tu penses à Amsupolis. Tu n’y as encore jamais mis les pieds, mais tu hais déjà cet endroit. Ton Avalon adorée te semble si loin.
 

Sa question est étrange. Tu comprends, mais tu secoues négativement la tête.

“Non, de l’eau saine. C’est une denrée plutôt précieuse ici.”

Brièvement, tu pinces les lèvres. Tu as trouvé ce qui te chiffonne depuis qu’il a ouvert les yeux. Tu termines tout de même soigneusement le pansement, l’observant alors qu’il ramasse quelques reliques de son ancienne vie.

Il n’a pas dit merci.

“Sans mon intervention, tu te serais vidé de ton sang.”

Tu lui laisses une chance, mais tu n’y crois pas trop. Déjà, tu te relèves, étirant les branches, reliques de tes ailes, comme pour les mettre en mouvement - ou pour paraître plus imposant. Un arbre tordu, sordide, rempli d’yeux et de branches mortes prêtes à se tendre vers lui pour l’attraper et le retenir, peut-être le sauver, peut-être le couler dans la fange et la boue du quotidien des dépéris.

Pourtant, tu n’es pas agressif. Tu “fais genre”, tout au plus, et tu sais que certains peuvent le sentir. L’envie de sang, de combat, le danger que peut représenter autrui. Tant pis. Sa question te fait hausser les épaules. Tout est loin, surtout quand on veut partir d’Ananda ; Cerah, Arvandor, Vollheim… Mais tu t’égares, le regard dans la direction que tu penses être celle de l’Arbre Millénaire - qu’importe que ça ne soit absolument pas le cas ?

“Plutôt ? Une bonne journée de marche, deux vu ta blessure. Mais tu pourras trouver des villages sur le chemin…”

Tant qu’il ne te le demande pas, ce chemin… Parce que bien sûr, tu sais retourner à la Tour. C’est impossible d’ignorer cette présence écrasante. Mais tu ne sais jamais de quel côté tu es de celle-ci. C’est sans importance. Tu secoues ton pantalon, réalisant que toi aussi, tu t’es égaré loin de la Tour. Joftra va peut-être s’en rendre compte et t’en vouloir ; même si tu ne cherchais pas à fuir.

Tu frissonnes ; tu as donné ta chemise, bête que tu es.

“Je dois y retourner ; à la Tour. Sinon j’aurai des ennuis.”

C’est ta manière de dire au-revoir ; de le congédier, dans un sens, comme si tu en avais le pouvoir.

Aussi humble sois-tu face à la douleur, tu dois lui concéder ta main droite, qui vient appuyer sur cette plaie qui commence à se réveiller. Tu observes le maudit comme s’il se dévoilait à toi. Il est imposant mais pas réellement terrifiant. On aurait dit une sorte d'araignée. À la fois gigantesque et chétive.

Tu l’écoutes également, cela fait de la marche le ventre vide, mais c’est mieux que rien. « Kethry hein ? Merci de ne pas m’avoir laissé crever ici. Moi, c’est Raja. » Tu essuies maladroitement ta main ensanglantée qui soutenait ta blessure, avec de la lui présenter pour une poignée de main. Tu ne sais pas s’il est de coutume pour les maudits ou même dans ce royaume de se serrer la pince, mais tu tentes le coup.

Malgré ces remerciements, tu ne sais pas si tu te devais de le faire ou bien si tu allais devoir le maudire davantage pour ne pas t’avoir achevé. Tu t’étais également présenté comme Raja et non pas comme le capitaine Winchester. Cela signifiait déjà beaucoup pour toi.

Ainsi, donc, après cette rencontre loufoque, tu prends la route d’Amsupolis. Inconscient de ce que tu pourrais y trouver. Néanmoins, quoi qu'il arrive, tu te souviendras de Kethry.