S’il ne s’agit pas du premier bal organisé au palais d’Arvandor, c’est le premier d’une telle envergure. Chaque garde posté le long du chemin menant au coeur des festivités en a bien conscience. Aucun d’entre eux ne se risquerait à fredonner les airs typiquement arvandiens qui résonnent plus distinctement à mesure que vous approchez – même si vous jureriez en voir certains dodeliner un rien la tête quand ils pensent que personne ne les regarde. Leur expression, sans être austère, est sérieuse, attentive : rien ne viendra perturber le bon déroulement de la soirée, pas tant qu’ils seront là. À vous de voir si vous jugez leur présence rassurante ou oppressante – mais après tout, si vous n’avez rien à vous reprocher, il n’y a pas de raison.

Enfin, vous franchissez les larges portes menant à la salle de bal. Ce qui n’était qu’un murmure vous semble à présent être une véritable cacophonie, le temps que vos oreilles s’habituent à cette symphonie dissonante. Les invités, déjà nombreux, ponctuent leur flot incessant de paroles par des éclats de rire, sans faire concurrence à la musique brillamment jouée par l’orchestre.

La pièce est majestueuse, prévue pour accueillir toutes les espèces sans discrimination aucune. Des lustres somptueux l’éclairent, projetant une lumière tamisée qui contribue à l’atmosphère intimiste, voire même mystérieuse puisque le port d’un masque a été encouragé sur le carton d’invitation, sans être rendu obligatoire. Ce bal célèbre les alliances passées et futures au-delà des apparences. Comme si, quelque part, pour que tout le monde tombe le masque des faux semblants, il fallait qu’il en porte un.
Les convives venus de tous horizons s’apprivoisent et se mélangent. Outre quelques âmes errantes qui ne savent où se mettre, vous distinguez trois principaux groupes. Le premier rassemble ceux qui discutent autour de la piste de danse, que ce soit au même niveau que celle-ci ou sur des balustrades auxquelles on accède via le grand escalier en bout de salle. Le deuxième, le plus animé, est composé des danseurs, qu’il s’agissent de ceux qui se sont laissés convaincre le temps d’une mélodie ou de ceux qui bien décidés à enchaîner les partenaires jusqu’au bout de la nuit. Enfin, le troisième, plus discret, reste fidèlement aux côtés du buffet, savourant les spécialités venues des quatre coins d’Arathia.

Et vous, que comptez-vous faire ? Que vous acceptiez ou non la coupe tendue par l’un des serveurs, il vous faudra quitter l’entrée à un moment ou un autre. Allez-vous vous joindre aux conversations ou longer les murs en espérant vous faire oublier, car vous-même ignorez ce que vous êtes venu faire là ? À moins que vous ne vous laissiez entraîner par la salve des tissus colorés virevoltants ? N’ayez crainte si vous êtes seul : le chef d’orchestre annonce qu’une danse à partenaires tournants aura lieu dans quelques instants.