Les éventements tournent encore dans la tête de Benhart. C'est anormalement long pour lui, mais il fait un effort pour garder les souvenirs des derniers jours a la surface.

Pourtant, ce n'est pas ce qui occupe le plus son esprit.
Le besoin de repos a pris le pas sur le reste ; il voulait rentrer et prendre une pause... Quelque chose autour de ça le met mal a l'aise, et entre son combat frustrant, son echec à Volheim, et maintenant la générale dans la nature avec un dragon...
Oui, il n'aurait pas dit non à une petite semaine de sommeil.
La, il aimerait simplement tomber dans la neige, retirer tous les superflus, et s'y fondre pour quelques heures. Il se demande encore, alors qu'il descend maladroitement de son hamac de toile humide, pourquoi il n'a pas simplement fait ça.

L'élémentaire attrape une large cape noire tachée de mixtures douteuse, et titube clopin-clopant vers les escaliers grinçant du navire.
Il ne porte pas de lanterne ; il voit suffisamment où il va. Autour de lui, les éléments se déchaînent, et malgré l'heure tardive, il entend quelques matelots qui passent rapidement sur le pont, occupé aux corvées de leurs quarts.
Le roulis fait tanguer le vaisseau, mais ce n'est pas le premier tabac que l'équipage affronte, et bien qu'alertes, ses membres ne semblent pas particulièrement inquiets. Le pot du bâtiment se couvre régulièrement d'eau de mer, le bastingage est mis à rude épreuve, et le bois ainsi que les cordages qui craquent et grincent donnent presque l'impression que le bateau est vivant.

Il y trouverait volontiers de la beauté, mais un frisson le traverse. Il doit se dépêcher. Mettant un terme à ses rêveries, il s'avance d'un pas presque habile vers l'avant du navire.

Une voix l'interpelle, et il tourne la tête vers le cordage.
Le troubadour offre au militaire son plus beau sourire, mais s'il fait d'habitude fondre les déffenses de l'élémentaire, cette fois, le concerné ne répond qu'avec un enthousiasme modéré.
C'est bien sa veine. Peut-être qu'il pourrait repartir?...
"Bien sur que ça vas, j'en a-BLRUHGG-"
Le malaise a rattrapé Benhart en plein milieu de sa phrase. À peine a-t-il eu le temps de passer la tête par-dessus bord qu'il rend gorge longuement, son corps semblant presque fondre mollement à mesure que le contenu de son estomac est distribué aux poissons.
L'élémentaire tourne un visage pathétique vers son compagnon.
"Il fait trop chaud, y a de l'eau partout j'arrive plus à distinguer mon corps de l'extérieur et ça bouge tout le temps !"
Déclare-t-il, plus agacé ou résigné que réellement en colère.
"et ça irait encore si y'avais pas du sel partout dans l-"
A ce moment, une lame frappe la coque pour arroser toute la poupe... Et surtout le visage de l'élémentaire, qui recule en poussant un gémissement, les mains sur le visage.

"AIE MERDE !"
Il se frotte tant bien que mal avec sa cape, dans laquelle il s’emmitoufle. En général, il peut rester dans de l'eau de mer quelque temps, mais dans un tel état de faiblesse, son corps n'est pas aussi imperméable au sel que d'habitude, et ce qui est irritant pour les humains peut être terriblement douloureux pour lui. Et avec sa main qui commence tout juste a pousser, et qui est encore sensible... Il ne passe pas le meilleur moment de sa vie.

"Ughh.. J'aimerais en avoir, des ailes... À quoi ça sert d'être le faucon si on me donne pas d'armure qui vole ?"
se plaint-il en appuyant ses mains sur le rebord, près de son collègue ?

"Dit moi qu'on arrive bientôôôt..." Demande t-il d'une voix exagérément plaintive en posant sa tête contre l'épaule d'Ariel.

Benhart lance un regard à demi vexé face à l'amusement évident du sirein. C’est un beau rire, mais moins drôle quand il est à son dépend.
Il penserait bien a une menace, mais voilà ; d’un mouvement de la main du magicien, et les vagues se font plus calmes, la pluie également, cesse d’importuner l’élémentaire. Ce dernier, à demi surpris, a demis soulagé, et complètement la tête dans le brouillard, se redresse pour s’appuyer contre le bastingage au moment où son collègue lui passe amicalement un bras autour de l’épaule.

D’un côté, Benhart a envie de se plaindre d’avoir reçu de l’aide alors qu’il maîtrisait parfaitement la situation… D’un autre, il ne va pas se plaindre du peu de répit qu’il parvient à obtenir…
Encore une journée.
L’élémentaire esquisse l’ombre de son sourire jovial habituel.

“J’aurais dû me plaindre plus tôt, j’aurais pu manger sans repeindre la cale aux frais de mon estomac… On mangera un bout dans un coins qu’j’aime quand on arriv-”
Un nouveau haut le cœur, mais cette fois, il garde tout en dedans. Pas comme s’il lui restait grand chose, de toute façon.
"faut pas que je pense a dla bouffe…”

Ariel continue avec fluidité, imperturbable. Ici, il est dans son élément. Son élégance ressort d’autant plus au millieux de la tempête. L'orage semble vouloir attirer son attention. En un sens, avec la protection de son camarade, même la tempête serait presque supportable.
Satisfait, l’élémentaire pose amicalement la tête contre le marin.

“Les reliques? Les gens s’reposent trop dessus, mais on apprend rien si on laisse les reliques tout faire à notre place. Je peux voler par moi même, mais je prendrais pas le risque au-dessus de la mer… j’pense que toi non plus tu nagerais pas d'une côté à l’autre… Si?
quand à la mienne, de relique…”
Benhart laisse échapper un gloussement de jeune fille un peu trop enthousiaste.
“C’est vrai que tu l'as pas trop vue hein? J’ai hâte de l’essayer… Tu sais que j’ai battu un dragon pour l’avoir?”

Inutile d’ajouter qu’il aurait sans doute refuser de venir si ce n’était pas pour cette nouvelle arme… Le rouquin n’a pas besoin de savoir. Encore moins Albi. Dans le même temps, le siren propose au pâlichon de rentrer, ce que ce dernier accepte sans remords.
Le temps de descendre les marches à pas prudents, s’aidant sans vergogne de son compagnon pour garder son équilibre, Benhart pousse un soupir.
“... Dit, l’arbre millénaire, il est dans le même camp que les élus non?..”