Les talons du gouverneur claquent sur les pavés inégaux d’Amsupolis tandis qu’il se meut dans ses artères, insouciant. D’ordinaire, il délègue à ses subalternes les problématiques moindres qui lui incombent —davantage lorsque son intérêt demeure intouché, le capricieux n’optant pour une résolution directe de son propre chef qu’en de rares occasions s’il ne s’agit pas de directives annexes méconnues de la population ou dans le but d’assouvir sa propre curiosité. Xitragupten cette fois-ci prend notes des inquiétudes qui lui ont été rapportées plus tôt dans la journée, car si elles ne sortent en aucun cas, pour l’heure, de l’habituel, plus encore concernant une agglomération érigée dans le cœur d’Ananda et ainsi inéluctablement soumise à la faune impie et tenace, une sensation singulière a germé en son sein si bien que son encéphale obnubilé ne l’a épargné des heures durant. Ainsi s’est-il laissé submerger par la tentation de se rendre lui-même sur les lieux indiqués ; après tout le gouverneur est bien en sécurité dans sa capitale.

Si cette excursion se révèle stérile, alors Xitragupten pourra simplement prétendre avoir naturellement redoublé d’effort afin de satisfaire le besoin d’ordre et de paix au sein d’Amsupolis ; en réalité l’homme corrompu s’active car il sait pertinemment qu’il existe encore d’incorruptibles groupuscules révolutionnaires rescapés, ultime rempart avant d’être en mesure de clamer haut et faut avec certitude qu’il manie la ville à sa guise. Ainsi, dans l’éventualité où ces vermines aux chicotements répétés, amoncelées dans les tréfonds de la capitale sont effectivement à la recherche de mets délicats, qu’elles se sustentent de rebelles entêtés ; Amsupolis même rejette leur présence, croit le gouverneur, sinon pourquoi chercherait-elle à se défendre face aux ingrats ?

Xitragupten jette son mégot à même le sol —comme si tout le monde fumait des gros cigares qui coûtent la peau du cul, resserre sa cravate impeccable et s’engouffre dans une crypte délabrée menant à l’entrée des entrailles de la ville. Il empeste bien plus qu’à l’extérieur, mais force est de constater que les occupants natifs de la région pourrie ont développé un odorat coriace, alors il poursuit sans s’en préoccuper ; peut-être est-ce dû à la fois à la présence des bestioles non identifiées qui frémissent plus loin.

Le petit homme avance à la lueur d’une lampe à huile ternie, prêt à se rendre désappointé en constatant que les souterrains sont en réalité défaits d’une armée de vermines qui pourrait bien lui servir ! Xitragupten présomptueux admet tout de même que l’atmosphère de ce lieu ne lui sied guère...