Illuminée à la lumière d’une bougie, tu relies tes dernières notes, attablée à ton bureau, ta main s’agitant de temps en temps pour gribouiller quelques phrases incompréhensibles, des flèches à un endroit, des mots entourés, et des symboles que seule toi comprend. Toi et probablement ton ombre, ton second, ta moitié ; celui qui partage ta vie depuis bien des décennies. Tes yeux se sont d’ailleurs posés sur le calendrier, dont la date du jour est entourée au rouge, accompagnée de quelques mots. Hycast ne devrait pas tarder, sauf s’il a été retardé en route pour on ne sait quelle raison. Tu l’as envoyé à Rochebourg il y a une petite semaine, rien de bien alarmant mais tu voulais vérifier quelques rumeurs au sujet d’une famille ayant développé certains symptômes étranges. Il suffit d’une contamination de l’eau après une lune de sang, une terre attaquée par la gangrène ou la morsure d’un animal corrompu délaissée pour qu’une tragédie ne démarre ; il suffit d’un battement de cils à une épidémie pour se propager et menacer les portes de la cité royale.

Fermant ton carnet, tu viens le dissimuler dans les drapés de ta robe, bien plaqué contre ta poitrine avant de refermer quelques boutons de ton décolleté. Récupérant le reste de tes affaires, tu as éteint la bougie, vérifiant de ne rien oublier avant de te rhabiller, tes gants enfilés en dernier pour ensuite quitter les lieux d’un pas presque lourd. L’homme est en retard, ça t’agace et tu le lui fais bien comprendre en le voyant enfin arriver, au loin. Bien droite, les mains jointes, le menton bien relevé tu es inquisitrice, le poitrail bombé malgré ta maigreur à peine cachée.

« Sire Hycast Racine-Harlowe, vous êtes en retard. » Ta voix sonne dure, sévère surtout en le détaillant de la tête aux pieds pendant de longues secondes. Tu aimerais lui résister, lui tenir tête et lui montrer plus longtemps ton agacement mais tu finis par venir à sa rencontre, ta main cherchant la sienne avec une tendresse que seul lui te connaît. « Je t’ai attendu. Je rentrais justement à la maison, tu as quelque chose à déposer à la brigade ou nous pouvons faire le trajet ensemble ? Tu dois être fatigué. »

Retardé par divers événements, Hycast s'était pourtant dépêché de rentrer à la Brigade pour ne pas avoir à subir le courroux de la grande doctoresse. Il grimaçait un peu, pressant le pas en restant emmitouflé dans l'épais manteau malgré les températures agréables. Les mains prises par un large contenant, il tenait tout de même à ce qu'on ne lui tombe pas dessus pour espérer lui voler tout ce qu'il possédait ; mais, aussi proche de la Brigade, il était assez difficile de croiser de mauvaises âmes.

Il releva les yeux pour les poser sur la maigre silhouette un peu plus loin, le poussant à remonter ses lunettes pour mieux la distinguer. Il souriait, un peu forcé de paraître intouché par la mauvaise signification que pouvait représenter sa présence face à lui.

« Grande Doctoresse de la Brigade de la Guérison, dont la présence qui m'empêche de passer me rappelle que j'ai tardé pour revenir. »

Il resta droit et fier, imperturbable malgré la prestance de sa femme. Il était amusé par son attitude, libérant une de ses mains pour à peine oser la lui effleurer. Il voudrait lui montrer son affection, mais son sens du devoir et sa volonté de la garder loin des miasmes du monde le forçait à garder une certaine distance.

« Je dois déposer mon rapport à la brigade et me désinfecter. Tu peux retourner à l'intérieur, je ne serai pas long. »

Ou sûrement trop long, au vu de sa fascination à prendre soin de lui. Il en profita pour glisser à ses côtés, la dépassant pour finalement s'enfoncer au milieu du bâtiment, bifurquant pour retrouver les quartiers à moitié privés des grands médecins. Dès qu'il put se libérer du dossier, il poussa un long soupir, retirant tout ce qui avait été en contact avec l'extérieur dans un bac bien fermé avant de tout désinfecter pour pouvoir prendre de quoi se changer. Il avait hâte de rentrer et de se poser avec Milicent pour tout lui raconter dans les moindres détails.

Tu te complais dans son affection timide, le visage toujours fermé et le regard sévère sur son contenant. Ta curiosité manque de te pousser à vouloir en vérifier le contenu mais tu ne fais rien, tu restes droite à ses côtés, attendant qu’il te dépasse pour tourner les talons et le suivre de très - trop peut-être même, près. « Je sais que tu seras long Hycast, tu vas vouloir te désinfecter plusieurs fois, encore et encore. » Et hors de question de l’abandonner pendant ce temps. Restant dans son coin, à l’entrée de ses quartiers, tu te fais discrète, l’observant se défaire de ses vêtements, de ce qu’il a rapporté, en t’attardant sur le moindre de ses gestes.

« As-tu mangé sur le chemin du retour ? Je n’ai rien prévu, comme tu t’en doutes. Cependant, je pourrais demander à une domestique de nous préparer quelque chose avant de partir. »

Tu attends que tout soit désinfecté pour t’approcher et venir attraper sa chemise du bout des doigts, ta gestuelle à la fois ferme et délicate pour boutonner un à un ses boutons. Tu ne dis rien, silencieuse, mais affectueuse avec lui dans ton acte. Ce n’est pas dans ton habitude, et à vrai dire il n’y a qu’Hycast qui te connaît ainsi. Tu n’as jamais été aussi … proche, que ce soit avec vos enfants, ceux que tu as eu d’autres conquêtes ou même Ilyès. Hycast a toujours eu un traitement de faveur, et votre relation a toujours été particulière.

« Je vois que tu m’as ramené de nombreuses choses à étudier. Tu vas m’obliger à lire tout ça dans le lit, dès ce soir, ou tu préfères qu’on profite de ton retour pour passer du temps ensemble ? » Aucun mot n’est plus fort que l’autre, pour accompagner le dernier bouton tu oses poser tes lèvres contre l’os de sa mâchoire dans un baiser on ne peut plus chaste avant d’aller chercher un de ses manteaux, toujours aussi imposant, pour le déposer sur ses épaules. « As-tu autre chose à voir ici ? La nuit risque d’être courte et je meurs d’envie de savoir ce qui s’est passé sur place. »

Évidemment qu'Hycast allait passer un temps monstre à se préparer pour enfin pouvoir rentrer ; il tenait à ce qu'aucun germe du village ne subsiste ici, le poussant alors à y aller de façon beaucoup plus extrême. Ça ne le dérangeait pas de mettre à mal sa propre flore pour pouvoir être immaculé, suivant sa petite routine habituelle sans faire d'erreur qui pourrait lui coûter un frustrant retour en arrière.

« Je n'ai rien mangé. C'était ça où je risquais on ne sait trop quoi avant de repartir. »

Et il était hors de question de se présenter à la Brigade avec un mal supplémentaire à éradiquer. L'anarkhia se laissa faire, relevant simplement la tête en fermant les yeux d'un air faussement fatigué le temps que sa chemise soit bien boutonnée. Son sourire était radieux, fou d'affection pour cette femme après toutes ces années à errer avec elle. Il souhaitait encore rester un moment à ses côtés jusqu'à ce qu'il se fasse happer par quelqu'un d'autre, qu'importe la relation dans laquelle il s'engagerait.

« Tu devrais attendre le lendemain, au moins pour avoir la tête reposée. Je pourrais dire que tout va mal là-bas mais ce serait mentir. »

Hycast ne voulait pas vraiment discuter des heures sur ce dossier qui pourrait sérieusement ennuyer la grande doctoresse, bien que se lancer dans de nombreux débats philosophiques ne lui ferait pas de mal pour l'aider à trouver le sommeil ce soir. Il garda son rictus cousu sur ses lèvres, remontant ses lunettes d'un doigt avant de dégager ses cheveux en prenant soin de ne pas exposer la mèche qui hante ses cauchemars.

« Partons, Milicent. Nous reviendrons ici bien assez tôt de toute évidence. »

Il releva ensuite la tête, les joues rougies avant de lui attraper délicatement le bras après avoir ôté une partie de son grand manteau. Il préférait se cacher dans la sécurité de leur habitation, à l'abri des mauvaises oreilles et des mauvais yeux en sachant pertinemment qu'elle aura légèrement déplacé la pile de livres pour satisfaire sa propre vision d'un endroit bien rangé.

« Je sens que nous allons encore nous prendre la tête sur plusieurs choses. Quand je suis parti, qu'as-tu fait à la maison ? Tout doit être parfait, tu le sais. Et quelque chose me dit que tu as dérangé mes affaires. »

Non, c'étaient leurs affaires. Il profita d'un petit temps pour entamer la marche, quittant le bâtiment sans même regarder derrière lui. Demain, les vêtements couverts de miasmes auront disparu et de nouveaux habits propres et bien pliés auront comblé le vide qu'il venait de créer.

« Et je t'en supplie, ne me renvoie pas aussi longtemps aussi loin de toi. Tu sais pourquoi j'ai besoin d'être à tes côtés. »

A sa prise, tu es venue entourer ton bras autour du sien pour pouvoir te rapprocher de lui tendrement et le suivre hors de vos quartiers. D’un geste d’une douceur qu’on te connaît peu, tu viens à moitié te reposer contre son épaule en calquant tes pas sur les siens pour ne pas brusquer le rythme de votre marche.

« Es-tu en train d’insinuer que je n’ai rien fait à la maison ? Dois-je te rappeler que je passe plus de temps à la Brigade que chez nous ? Et je tiens à dire que c’est toi qui dérange mes affaires à chaque fois que tu t’installes dans notre bureau. Mes notes ont bougées, j’ai mis un temps fou à tout vérifier je n’étais vraiment pas contente. »

Tu pourrais t’offusquer et même le repousser mais au fond, malgré l’agacement, tu ne te lasses pas de ce petit jeu entre vous, taquin et probablement même un peu mesquin, mais si amusant de temps en temps.

« Tu sais que je n’aime pas te faire partir si longtemps. Je te veux avec moi, mais tu sais aussi que tu es le seul en qui j’ai une confiance aveugle, je ne peux confier de telles missions à n’importe qui. »

Restant dans ses bras le temps d’arriver chez vous, tu entres la première première en faisant savoir votre présence à la dame que tu as embauché il y a bien des années pour s’occuper de toutes les tâches que tu refuses de faire par toi-même. Si tu ne la considère pas comme un membre à part entière de ta famille, tu lui dois beaucoup et sa fidélité envers toi au fil du temps a fait que tu lui fais entièrement confiance pour vous nourrir tous les deux, Hycast et toi.

Mais tu n’entends rien, à la place tu portes ton attention sur un mot posé et mis en évidence sur le petit meuble de l’entrée. Je vous ai préparé un repas, vous n’aurez qu’à le faire réchauffer. Tout a été trié et séparé dans des petites boîtes numérotées.. Tu étires un sourire léger qui s’efface rapidement ; Rosie sait faire attention aux petits détails et quand Hycast n’est pas là pour te rappeler de te nourrir, c’est elle qui le fait à sa place en ayant toujours une gentille attention malgré ta dureté.

« Notre repas de ce soir a été préparé en avance. Veux-tu manger maintenant ? On peut s’installer dans le salon et délaisser notre bureau pour ce soir. » Vous aurez le temps de vous crier dessus demain. « Je veux passer la soirée avec toi, dans tes bras pour rattraper le temps perdu. »

Hycast appréciait de rappeler à Milicent à quel point elle était importante pour lui, quand bien même il a bien changé depuis leur mariage. Il ne craignait pas de la perdre, en revanche, il avait peur de devoir retourner à Ananda si on découvrait sa véritable nature. Il avait encore bien trop de projets pour se permettre de partir et de tout abandonner pour devoir se reconstruire autrement.

« Tu ne comprends pas mon rangement : il est bien plus harmonieux, en accord avec ce qui se trouve autour. »

Leurs petites disputes revenaient souvent sur le même sujet. Il leva les yeux au ciel, la laissant tranquille le temps qu'elle puisse entrer la première. Le médecin en chef attendait, la tête penchée sur le côté en se préparant déjà à dire n'importe quoi. Il appréciait s'écouter parler, et s'il pouvait, en plus, mettre un peu à mal la grande doctoresse, c'était clairement une occasion de tout gagner.

« J'ai fait beaucoup d'efforts par le passé, je trouve ça vraiment dommage de devoir m'éloigner de toi pour le travail. Tu devrais apprendre à faire confiance à d'autres médecins et à ne pas mettre tous tes œufs dans le même panier. »

Qui sait s'il se mettait à lui mettre des bâtons dans les roues ? Il entra sans dire un mot de plus, prenant la peine de mettre de côté tout ce qui avait touché les miasmes extérieurs dans l'entrée avant d'aller se laver les mains. Il comptait bien la laisser mener cette soirée, ne serait-ce qu'un petit peu, profitant de son errance pour pouvoir vérifier que rien n'avait réellement bougé.

« Oui, faisons ça. Je ne veux pas travailler ce soir, c'est bon. En revanche, toi… Je sais que tu n'arrêtes jamais réellement de prendre des notes. »

Il la voyait déjà avec un carnet dans les mains alors qu'ils se racontaient un peu tout et n'importe quoi, symbole d'un vieux couple qui a évolué un long moment. Peut-être qu'ils pourraient également se permettre quelques loisirs, mais Hycast n'était pas vraiment d'humeur à déranger les affaires ; de plus, ils n'avaient pas grand-chose pour se divertir, la faute à un travail très prenant.

« As-tu acheté de nouveaux livres, récemment ? J'ai fini les miens et je dois apprendre à lire moins vite. À ce stade, je vais finir par avoir lu tous les ouvrages d'Arathia. Personne n'écrit assez vite à mon goût. »

Il se laissa tomber sur un large fauteuil, le bruit du craquement significatif d'usure ne le rassurant aucunement. Il craignait certainement qu'il lâche dans les mois à venir s'ils continuaient de l'utiliser dès qu'ils rentraient ici.

« Et ça fait un moment que je n'ai pas feuilleté de livre d'anatomie. Je vais finir par être rattrapé par mon manque flagrant d'éducation. »

Dramatique au possible, il cherchait à attirer un minimum de sympathie.

Son rangement plus harmonieux que le tien ? Baissant un oeil vers lui, tu dois te faire violence pour ne pas être condescendante avec lui et lui rappeler sa place. Est-il stupide, fou ou les deux pour penser ainsi ?

« Personne n'a tes connaissances Hycast, ni ton savoir et ton expérience. »

Les autres ne sont que des pions, qui finiront tous par disparaître un jour ou l'autre. Après avoir déposé les plats sur la table à manger, tu as porté ton attention sur l'immense bibliothèque habillant tout un mur de la pièce, à la recherche des derniers livres ayant rejoint leurs congénères déjà dévorés.

« J'ai fais quelques acquisitions il y a peu, mais probablement pas assez pour te tenir occupé bien longtemps. »

Ton pas se ferait presque plus félin au fur et à mesure que tu t'approches de lui, tes doigts venant se glisser sur le dossier du canapé, un sourire amusé étirant ton visage d'habitude si fermé. Tu reviens sur sa remarque : il est vrai que tu ne cesses de prendre des notes, souvent sans queue ni tête pour les autres ; même Hycast n'est probablement pas en mesure de traduire l'intégralité de tes écrits, voués à disparaître avec toi si quelque chose venait à t'arriver un temps.

« Tu sais, le corps humain n'a pas assez muté pour que tu sois à la traîne. Tu as dévoré tant d'ouvrages à ce sujet, je suis certaine que tu es encore capable de nommer le moindre muscle au millimètre près. »

Posant tes lèvres sur le haut de son crâne, tu replaces correctement une de ses mèches derrière son oreille, penchée au dessus de lui le temps de quelques tendresses avant de finalement le contourner pour venir t'installer sur ses genoux, passer tes bras autour de son cou et te rapprocher de lui dans un murmure.

« Sauf si c'est une invitation à quelques cours pratiques particuliers. C'est toujours plus formateur que les écrits anciens. »

Plaçant une mèche de cheveux derrière son oreille, Hycast dut faire face à l'évidence : sa coupe ne se laissera pas coiffer aussi aisément sans un grand coup de peigne. Et quitte à peigner ses cheveux, autant se faire une véritable routine qui allait lui prendre toute la nuit. Il se contenta donc de souffler, presque déçu de ne pas se motiver à abandonner la femme pour se pomponner. Il en oublierait presque de manger, absorbé par ses pensées.

« Je me ferais un plaisir de nommer chaque fibre composant le muscle, ainsi que les molécules qui les contiennent, tout en mesurant le taux d'eau qui se trouve dedans. Mais bon. C'est d'un ennui. »

Mimant un certain amusement, Hycast, en vérité, n'appréciait pas tant que ça cette marque d'affection qui trônait désormais au sommet de son crâne. Il garda le sourire, n'oubliant pas d'être crispé avant de la rattraper pour lui éviter de tomber. Il avait beau avoir fait le point sur sa vie sentimentale, le médecin ne pouvait pas tirer un trait sur des années de colocation avec quelqu'un qui lui ressemblait réellement.

« Qu'est-ce que ça veut dire ? Tu as besoin qu'on te réarrange tes vieux os ? »

Même s'il avait bien compris le message, il n'était pas d'humeur à aller trop loin, ce soir. Il était fatigué et ça se voyait dans son regard qui se perdait au fond de la pièce. C'est à peine s'il osait la regarder, encore dans ses pensées avant qu'il ne se focalise enfin sur elle après avoir remonté ses lunettes. Il passa une main gantée et timide sur sa cuisse maigre, soufflant dans son cou, l'autre main dans son dos avant de, lentement, s'enfoncer dans le peu de gras qu'elle lui offrait. Il vint ensuite glisser sa main entre ses cuisses, non pas pour la tenter mais simplement pour la tenir confortablement sans avoir à faire trop d'efforts.

« Mais si tu restes sur moi… On va avoir du mal à manger, Milicent. »

Il pourrait probablement la soulever aisément. Mais il préférait profiter du peu de contact qu'ils avaient hors du travail ; le reste du temps, ils se contentaient simplement de parler d'un bout de pièce à l'autre, se fuyant comme si la peste était revenue à Arvandor. Du moins, c'est ce que l'anarkhia faisait, dégoûté des miasmes qui traînaient dans l'air.

« On ne passe tellement pas assez de temps ensemble. Notre travail nous mange toute notre vie. Heureusement… Qu'on vit longtemps. »

Il se mit à glousser légèrement avant d'enfin la soulever pour l'inviter à aller manger, dérangeant une fois de plus son rangement pour tout remettre à sa façon.

Si tu te sens d’humeur tentatrice, tu sais pertinemment que l’homme n’y est pas réceptif et loin d’être frustrée, tu t’en amuses même un peu pour simplement profiter de ce contact simple mais - il faut bien l’avouer, réconfortant. Si de ton côté, tu ressens toujours un profond amour pour l’homme, c’est surtout l’attachement qui l’emporte. Une liaison qui va au-delà de tout ce qu’on pourrait imaginer. « Mes vieux os vont très bien. » Les yeux clos, un air étrangement apaisé, tu poses ta main sur la sienne sans rien ajouter de plus.

Ce n’est pas dans ton habitude d’être si calme, Hycast est bien le seul à pouvoir te voir dans ce genre de situation. Toute la pression, toute l’anxiété et la peur s’effacent, preuve que tu lui voue une confiance aveugle. S’il t’arrive quelque chose, alors c’est qu’il n’était pas à tes côtés à cet instant.

Quand il se relève, tu ne rechignes pas, t'accrochant simplement à son cou le temps de reposer les pieds au sol et t’occuper de sortir la nourriture attentionnément préparée.

« Il faut bien que les plus grands esprits se sacrifient pour le monde. L’Arbre Millénaire m’a choisi Hycast, il a posé son regard sur moi je dois lui prouver chaque jour que je suis digne de lui. » Fabulation et obsession maladive, mensonge dans lequel tu te noies volontairement en séparant parfaitement la portion en deux, une pour l’homme puis une pour toi.

« Mais tu as raison, on devrait passer plus de temps ensemble toi et moi. Juste … tous les deux, sans rien attendre de plus de l’autre. Peut-être qu’on devrait … sortir, marcher le long des rues, on pourrait même retourner mettre en état ma maison de campagne. Yseult serait contente de te voir. »

Comme si elle le pouvait. Mais ça aussi, tu préfères rester dans le déni.

« On entretiendra pas l’attachement en continuant de se chercher en dérangeant éternellement les affaires des autres. » Nouvelle pique, en venant déranger son propre rangement juste devant ses yeux en accompagnant ton geste d’un petit air ferme et sévère. « La bougie reste ici, et la pile de livres va à droite, empilée du plus épais au plus fin. Tu devrais le savoir si tu m’écoutais Hycast, au lieu de penser à tes beaux prétendants. »