Benhart s’éloigne déjà, et si je compte garder un oeil sur son alter-égo, en cas de souci, je suis plutôt juste heureuse de retrouver Treag. Ca fait plusieurs mois, et elle m’a manqué. Mon sourire s’élargit, se fait un peu plus timide lorsque son visage se penche. Un instant, j’ai une idée à l’esprit qui n’est hélas pas un reflet de la réalité.

“Dis pas ça, j’vais me faire des idées après !”

Au moins a-t-elle du temps. Et il faudra sûrement que je voie pour les élus, mais je n’ai jamais été celle à envoyer à la pêche aux infos ; c’est un boulot pour Ben et Orion, ça. Je tique pas sur son sourire qui se crispe, incapable de lire son expression.

“Ophélie ? Non, elle a dû me trainer de force sur la piste ! Tu as vu, elle est toute gracile, et moi…”, j’ai la délicatesse d’une brique. Oh, je peux faire semblant, porter une jolie robe et des talons, mais ça ne fait qu’habiller la brique avec un peu de froufrous. “Allez, viens, on s’épuise un peu avant d’attaquer le buffet !”

Sans hésiter, je l’entraine sur la piste, plaçant ses mains sur ma taille avant d’enrouler les miennes autour de son cou. Ca n’a rien de sérieux, au contraire, et pourtant j’aurais envie qu’elle se penche à nouveau. Mais l’apparté sur les plages d’Al’Malaq n’était que ça ; un aparté. N’est-ce pas ?

“C’est moi ou t’es plus chaude qu’avant ? Pas que ce soit désagréable, mais…”

C’est pas normal, hein ?

C’est définitif, je vais passer la soirée rouge - violette, vu la couleur de peau. Son rire a quelque chose de communicatif cela dit, et je l’accompagne, gênée, heureuse de la retrouver. Même si c’est juste dans ses yeux, j’aime m’y voir “craquante”... Et c’est amusant, plus léger même, de la voir galérer à suivre la musique. Etre un “poids léger” par rapport à elle me donne un vague avantage, ou peut-être simplement que j’aime ça - danser.

Ca m’empêche pas de m’inquiéter pour elle, de noter les différences depuis notre précédente rencontre. J’ai pas vraiment le temps de lui demander plus d’infos, de réfléchir réellement que son sourire - il devrait faire peur, sûrement ? - me fait frissonner. C’est juste pour plaisanter, on est juste amies, mais… J’essaie de pas trop me laisser submerger, pas trop croire ou espérer, et je réponds du même sourire alors qu’on s’est arrêtées de danser.

“Allons, pour ça faudrait que tu baisses un peu tes mains, au minimum…”

C’est pas sérieux, de jouer avec le feu, mais c’est pas pour rien que les papillons s’y brûlent si souvent les ailes - même si là, on parle plutôt d’une grosse mite nocturne. Alors que je me hisse sur la pointe des pieds, frôlant son corps du mien, pour remonter vers son oreille. J’aime qu’elle soit plus grande que moi, cette sensation de ne pas avoir à faire si attention, ne pas avoir à me retenir. J’arrive vers son oreille, j’inspire par la bouche, mes branchies expirent doucement.

“Tu penses que j’ai besoin d’alcool pour ça ?”, mon coeur accélère. Qu’est-ce que je suis en train de foutre, là, exactement ? Est-ce un simple besoin d’affection qui parle, ou l’impression qu’on pourrait tenter quelque chose… Au risque de tout foutre en l’air, qu’elle soit pas à l’aise et qu’on s’éloigne, que ma mission finisse par se mettre entre nous… “La dernière fois… On a dû se séparer trop vite.”

Peut-être que c’était ce qu’elle voulait, qu’elle cherche pas plus, que je me prends trop la tête… Et elle doit certainement le savoir. A l’époque en tout cas, elle me connaissait bien…