Cela faisait plaisir à Treag de la revoir, de nouveau. Et bonne nouvelle dans tout cela, Albi avait même pu trouver quelqu’un pour aller au bal avec elle. C’était ce qu’elle souhaitait pour son amie. Surtout qu’elle n’avait pas semblé aller particulièrement bien lors que leur dernière rencontre… Si on omettait l’abus d’alcool, et de bagarres…et aussi de sport de chambre, ou de plage dans ce cas. Enfin voilà, Albi avait nécessairement trouvé d’autres amis qu’elle. Rien de plus normal…

« Hé, j’adore les robes, même si c’est pas pratique »

Et soyons heureux, elle ne portait pas de talon. D’ailleurs, si peu douce qu’elle était, il était complètement impossible qu’elle puisse faire une soirée sans les briser en trois morceaux différents. C’était cela toute la subtilité et la finesse de la demi-géante.

« Salut, amie d’Albi…Et elle est déjà partie. »

Elle haussa les épaules. Elle la scruta un moment. Il y avait un truc de connu, comme une image rémanente, mais rien de bien congrès ne lui venait en tête. Elle avait rencontré trop de personnes que pour se souvenir de tout le monde. Elle détourna son regard cependant. Plus que cela, quelque chose montait en elle. Elle essaya de ne pas y prêter attention cependant. Elle ne fit même pas attention qu’Albi venait de lacher une information plutôt risquée. Il fallait dire que Treag ne lui avait pas dit que l’incendie qui a entrainé la mort de son géniteur n’avait jamais été un accident.

« Hmm ? Oh. Non, personne pour m’accompagner ce soir. Pas beaucoup de gens à inviter. Alors, je suis toute à toi. »

Elle posa son bras sur son épaule, descendant un peu plus pour rapprocher son visage du sien. Non, elle n’essayait pas une tentative de séduction ou de rapprochement. On parlait de Treag. Elle avait la subtilité d’un grammung.

« Franchement contente de te croiser, je pensais que j’allais devoir m’amuser seule dans un coin. Les gens peuvent parfois être un peu coincé dans ce genre de soirée. En tout cas, j’espère que tu auras encore un peu de jus pour danser avec moi là. Que tu es pas tout dépensée avec…ton amie. »

Son sourire franc vacillait un peu. Elle n’avait rien contre son amie. Elle était heureuse qu’elle connaissait d’autres gens. Après ses dizaines d’années, c’était normale, mais que voulez-vous ? Treag n’était pas un être de raison et, parfois, une pointe de jalousie peut naitre.

Ne pas dire quoi ? Elle la regarda curieuse. Elle n’avait pas saisie de suite le double sens de ses propos. Elle était juste particulièrement heureuse de voir son amie de longue date, mais aussi nouvelle. Parce qu’elles étaient amies, pas vrai ?

« Hé bien, j’espère que tu vas me les dire ces idées. »

Parfois, ne pas comprendre pouvait créer des situations bien plus cocasses. Souriante et ignorante de ce qui pouvait se tramer dans la tête d’Albi, elle reporta son attention sur son amie et partenaire de la soirée. La jalousie était encore un poils présent, mais elle n’allait pas manquer une occasion de taquiner Albi… Et aussi de lui redonner un peu plus de moral.

«…craquante ? »

Elle terminait sa phrase dans un rire. Un rire franc, mais honnête. Treag avait toujours une préférence pour les physiques plus sportifs et brutes que les beautés délicates. Elle voyait plus de charme dans une guerrière comme Albi que les princesses et petites nobles qui ne connaissaient rien.

« Hey, tu sais comment me parler toi. J’espère qu’ils ont de quoi nous remplir la panse ! »

Se laissant faire, elle s’attendait à danser librement, sauvagement. Elle n’était pas vraiment préparée à ses positions. Les mains sur les hanches, elle scrutait avec attention ce qu’elle faisait, ses pas lourds essayant de marcher en rythme de la musique. Franchement, elle avait déjà entendu dire que les combats et la danse, c’étaient pareils…une simple question de rythme. Treag pouvait le dire haut et fort : cette métaphore était complètement foireuse.

Essayant de ne pas marcher sur les pieds d’Albi, Treag répondit avec sérieux.

« Ouais… Quelque sorte. Depuis une mission, j’ai le corps anormalement chaud… Pire encore quand je m’énerve. »

Mais Treag trop sérieuse ? Non, cela ne pouvait être le cas très longtemps. Elle se pencha légèrement, un sourire carnassier sur le visage.

« Ou alors, tu voulais simplement dire que je te chauffais un peu plus ? On a pas encore commencé à boire pourtant… »

Elle s’arrêta un moment dans la danse, figeant ses yeux dans son œil restant.

Un combat de sourire. Certainement que d’un point de vue extérieur, cela devait être vraiment tendu. Il fallait dire que les deux femmes n’étaient pas nécessairement de petites choses douces et innocentes. Elles avaient des aspects insolites, des tailles imposantes et des corps forgés dans les combats.

Plus bas ? Treag ne cligna même pas des yeux. Elle n’était clairement pas prude. Elle n’avait pas de honte. Pas pour si peu… Et si vous attendiez un mais, repassez. La demi-géante fit exactement ce que la perche lui disait de faire. Elle mit une main plus basse. Oh, bien sûr, elle n’avait juste pas posé sa main avec douceur, elle lui avait empoigné le fessier à pleines mains. Il ne fallait pas lancer Treag dans cette direction. Elle pouvait vite devenir de feu.

Malgré la confiance de Treag et sa nature joueuse, ce fut elle qui fut prise de court. Genre vraiment ? Elle n’avait pas besoin d’alcool ? La demi-géante réfléchit. Elle souffla un coup, comme un poids qui s’allégeait, un poids qu’elle ignorait encore l’existence il y a quelques secondes. Mais ce moment où elle se tut ne dura que quelques instants.

Très vite, la Treag impulsive reprit vite le dessus. Elle éclata d’un rire sonore.

« MAIS T’es d’accord ! Bordel. Je me demandais si j’étais pas folle. On a genre vraiment pas assez profiter des retrouvailles ! On est d’accord ! Allez, t’es à moi ce soir ! »

Treag insista peut-être plus qu’elle le voulait. Elle voulait la garder pour elle ce soir… Peut-être demain aussi… Et encore quelques jours, ce serait bien. Sans réfléchir (pour changer), elle souleva son « amie »….comme une princesse ? C’était relativement étonnant. Elle était plutôt du genre à mettre les gens par-dessus son épaule comme des sacs à patate, pas avec vigilance et un semblant de délicatesse.

« J’espère que tu vas pas te sauver au moins, hein. La dernière fois, je t’aurais bien ramené dans ma chambre, mais t’avais l’air préoccupée. En tout cas, ça me fait plaisir. Tu as meilleure mine ce soir. Et je te propose qu’on aille se chercher à graille et qu’on file finir notre danse à l’extérieur. Je peux pas bouger comme je veux avec les gens autour là. »

Les excuses quand on danse comme un sac.

« Surtout toi qui avais trop bu ! »

Petit clin d’œil appuyé. Ok. Si on devait être honnête, Treag avait aussi bien bu, mais elle tanquait juste naturellement l’alcool. Cela aidait d’être taillé comme une montagne et de boire régulièrement, très régulièrement.

« Ouais, je vois le truc… Quand on réfléchit trop. »

Pendant un moment, Treag s’arrêta dans sa marche. Son pied se suspendit dans son action. Le baiser l’avait perturbé un moment. Elles avaient fait bien pire, bien plus intimes. Elle-même avait été bien plus osée il y a quelques instants. Pourtant, cela lui donna un frisson pas déplaisant le long de sa colonne. Elle reporta son regard dans celui de sa princesse de la soirée, clignant des yeux un peu perdue avant de reprendre son aplomb.

« Hé bien, hé bien. De base, j’avais ça en tête, mais maintenant, j’ai bien d’autres idées de jeux. »

Elle la regardait, la braise dans les yeux. Elle sentait bien que quelque chose n’était pas normale dans son comportement. Treag n’était pas habituée à ce genre de sensations étranges. Une espèce de désir étrange. Le fait d’avoir Albi que comme une amie, ou que comme une amante lui laissait un arrière-goût étrange. En fait, elle était même un peu trop emballée par l’idée. Son cœur de lumière en était la preuve. Il battait plus fort, plus vite. La demi-géante essayait de faire chasser cette idée. Elle devait trop réfléchir et elle savait qu’elle était mauvaise à ça.

Alors que la murène gigote, Treag la laissait se dégourdir les jambes. Mais à peine posée, l’enflammée avait l’estomac ouvert et elle attrapais les petits fours à la pelle dans la main, en mangeant plusieurs d’un coup. Tournant doucement la tête, comme une gamine prise sur le fait en train de s’empiffrer, elle hocha la tête en déglutissant

« Ha euh. Ouais. On fait ça comme plan »

Se faisant un petit paquet avec une serviette, elle se laissait prendre la main, la suivant docilement. Amusant pour elle. D’habitude, c’était elle qui trainait les gens comme ça. C’était agréable aussi quand les rôles s’inversaient ! Elle avait un peu trop l’impression que les gens n’avaient pas toujours envie de s’amuser avec elle.

« Bwhahaha ! Sérieux ? »

Treag n’avait aucune gêne de la sorte. Si elle avait été vue, tant pis. Cela ne la dérangeait pas tant que ça. Elle trouvait même ça assez drôle.

« J’imagine qu’on a donné des rêves humides à certains. Si tu as peur qu’on se fasse chopper, je t’amène dans ma chambre. Mais je te promets pas une bonne nuit de sommeil. On a beaucoup de temps à rattraper, princesse poiscaille. »

« Ha ouais, le bon vieux temps ! Faudra que je te montre mes idées, c’est vraiment trop cool ! »

Chasser le grammung, n’était-ce pas un magnifique rendez-vous en perspective ? Pour des personnes sensées, pas réellement… Pour ces deux-là ? Allez savoir.

La demi-géante n’était nullement gênée par ses manières brusques ou son aspect bourrue. Non, la gêne n’était pas trop dans sa génétique. Mais par deux fois Albi lui tenait la main pour la trainer ailleurs. C’était étrange cette sensation. Elle était un peu perturbée. Elles avaient fait bien pire, mais ce geste candide la déstabilisait plus qu’elle le voudrait.

« Ton neveu ? »

Treag songea un instant. Elle était censée le connaitre ? Il fallait dire qu’elles avaient toujours eu un peu leur vie sur le côté. Elle ne pensait pas que c’était sa famille directe. Peut-être quelqu’un de l’armée ? Elle n’avait pas vraiment le temps d’y songer de toute façon. La conversation tournait dans un sens plus chaud. Ainsi donc, elle n’avait pas envie de dormir ?

« Je note. Faudra pas te plaindre demain ! »

Elle gloussa à cette promesse. Bon, glousser ce n’était pas vraiment le terme. Disons que c’était un léger rire pour les normes de la barbare. Ses rires partirent cependant vers l’extérieur. D’ailleurs, elle ne sentit même pas la différence. La fraicheur de la nuit lui avait été enlevé aussi. Elle ne sentait pas d’air frais. Juste la même température parfaite pour elle. Mais le son du bal s’amenuisait.

Elle aimait le bruit et les fêtes, mais c’était plus plaisant le jardin pour le coup. C’était certes une fête, mais une fête de bourges. Elle avait été élevée pour ce genre d’évènements, mais cela lui était inconfortable. Elle n’était pas faite pour ça. Elle préférait l’intimité avec sa nouvelle princesse.

Et si on doutait de son manque de classe, la bouteille d’un si bon alcool, muri dans les ages, au parfum subtile, se faisait aspirer dans son gosier enflammé aussi simplement qu’on buvait un verre d’eau. Beaucoup s’en offusqueraient.

« Il est quand même léger ce truc. Je me demande ce que les gens aiment avec ces trucs quand même. »

Dans le jargon, on pourrait dire qu’elle avait un palais de doberman. Et elle ne s’en souciait pas. A être trop finaud, on faisait des caprices pour pas grand-chose. En tout cas, Albi touchait la corde sensible. Un défis pour la demi-géantes ! Son point faible ! Non pas par égo, mais plus par le plaisir de la compétition. Déposant la serviette de nourriture et la bouteille au sol, elle se tapa le biceps, bien confiante.

« Peuh. Je te fais ça en de deux. Tu vas voir ! »

Reculant de deux, trois pas, elle prit son élan et s’élança. Sa force se marqua largement, même trop. Les contractions de ses muscles, la force de ses pas, le contact avec le tronc, tout cela suffit à filer ses collants. S’en souciait-elle ? Absolument pas. Elle s’accrocha sans soucis, sa peau épaisse nullement dérangée par une quelconque écharde. Rapidement, ses mains se mirent sur une des premières branches. Se redressant, elle tint en équilibre sur le bois, fière comme un paon.

« Facile je te l’avais dit ! Il est solide n’empêche. »

Pour appuyer ses dires, elle tapota sur sa branche. Bonne idée. Vraiment. Le bois craquait déjà sous son poids.

« Alors tu vi…AAAAA »

Sans surprise, la branche ne supporta pas ces plus de 100 kilos de conneries. Elle chuta lamentablement sur son fessier. Chute douloureuse ? Non. Elle cligna des yeux alors qu’elle redressait sa tête vers Albi avant de rire, sa chevelure emmêlée avec des brindilles.

« Ok. Ne pas sauter sur les branches ! »

Pourquoi à moité ? Faire ça en de deux à moitié ? En un, du coup ? Treag n’avait pas trop compris. Mais elle était bien trop emballée par le défis que pour relever la chose. Et oui, Treag ne semblait pas avoir compris que la moitié s’appliquait au mot voir. Elle n’était pas rapide d’esprit la damnée.

Et ainsi se passa aussi la chute. Treag ne s’en souciait pas. Elle aurait continué à s’amuser sans crainte. Mais visiblement, Albi avait décidé de changer la donne. Un petit check-up de santé se faisait donc. Treag rigola légèrement.

« Hé oh. Tu as cru que j’étais en sucre ? Faut plus que ça pour me faire mal ! Hmm… Un endroit…Euh… »

Elle réfléchissait. Il y avait bien ses fesses. Elle allait justement le dire, mais elle se faisait surprendre par une main surprise qui lui retirait une brindille dans les cheveux. La demi-géante n’était guère la plus à l’aise avec ce genre de petites choses. Du flirt, de l’acte physique, c’était gérable, agréable. Mais la plus simple tendresse, la légèreté, les petites attentions.

Si sa peau le pouvait, elle laisserait échapper un peu de rougeur sur son visage. Mais de toute, elle ne pouvait trahir son cœur incandescent qui battait plus fort, plus rougeoyant, un rubis de feu. Ses mains rouges venaient se poser sur ses hanches, la serrant avec une certaine douceur. Lentement, elle sentait le gout de ses lèvres sur les siennes.

Qu’elle était tombée… Ce n’était pas faux. Enfin, pas directement. Il était vrai que c’était le défis qui lui était donné. Treag essaya de se réappuyer sur les bases. Elle avait l’impression de vivre une de ses histoires des romans qu’elle lisait en secret (oui, elle sait lire). Mais elle devait se tromper. Elle était un bon coup, voilà tout. Elle ne pensait pas qu’on veuille construire quelque chose avec elle, celle qui a toujours été la bête noire.

« Pas faux ce que tu dis. Mes fesses ont pris et c’est œil pour œil…»

Ses mains glissèrent vers le bas avant de s’abattre avec une force très modeste sur le fessier écailleux. Une façon comme une autre de décompresser.

« On est un peu quitte comme ça ! A moins que tu es envie qu’on vérifie si on est vraiment à égalité. »

Sa franchise habituelle ? Pas réellement. Elle hésitait un peu plus, elle était tendue sans trop savoir pourquoi. Elle cherchait ses mots. Elle avait une peur qui grimpait sans qu’elle s’en rende compte. Ses bras venaient l’enlacer sans qu’elle s’en rende compte, tenant fermement sa princesse poisson.

« Hmm… »

Intense réflexion.

« Hmmm… »

Très intense. Avant qu’elle finisse par faire ce qu’elle fait de mieux. Foncer tête baissée, ne pas réfléchir. Ce n’était pas fait pour elle. Alors, le feu de la damnée, habituait à bruler de combat et de colère… se nourrissait d’amour et la poussa à joindre ses lèvres fiévreuses sur celle qui, en cet instant, importée réellement. Un baiser gourmand.

« Et tu as vu… Pas besoin d’alcool pour te vouloir. »

Echo à leur précédente retrouvaille sur la plage. Treag n’oubliait pas.