Elle courut. Fila dans une pièce, puis une autre. Se cacha derrière une commode ou un buffet au moindre bruit. Mais le peuple ne traînait pas à l'étage si ce n'était les domestiques déjà à l’œuvre dans les chambres. Elle ne se ferait pas repérer. Normalement. Elle atteignit les escaliers.
Un énième coup d’œil, puis ses pas frôlaient chaque marche à toute vitesse. Un instant passa, elle était déjà en bas. Personne encore présent, pour le moment. Ils étaient tous occupé à profiter du soleil, des mets, des belles choses qui traînaient dans ce vaste jardin. Ou à échanger avec les uns et les autres. Parler du remariage d'untel, de la prochaine expédition en Cerah, oh, et de la promotion de l'autre, là.
Échéance percevait une partie de conversation par-ci par-là. Et essayait d'oublier aussi vite chacune d'elles. En vain. Et cela chiffonnait davantage sa concentration et patience, à chaque seconde.
Elle les détestait. Chacun d'eux. Ces riches, bourges, chanceux et exécrables personnes qui s'étaient réunis dans cette villa pour vomir davantage leur bonheur en cette journée et soirée mondaine.
Oh ce genre de réunions ridicules, inutiles et trop colorées, elle avait connu. Et cela ne lui manquait presque pas. « Presque », car...
Son index frôla une broche, avant que cette dernière n'entra à grande vitesse dans sa besace. Auprès d'autres trouvailles.
Presque, car, si les gens ne lui manquaient pas... Les richesses, si. Et c'était là la seule raison de sa présence ici. Présence ? Intrusion, plutôt. Madame Échéance s'était ramené avec ses plus beaux tissus et dentelles. Le genre qu'elle ne portait pas. Qu'elle ne portait plus. Mais il était question de se fondre dans la masse, et ne pas alerter les yeux du monde.
Quelques fois, elle se faisait regarder avec curiosité, ne se mariant pas complètement avec le paysage et les manières de cette assemblée. D'autres fois, elle dût échanger plusieurs paroles pour se présenter. Bien sûr, elle utilisait l'imagination, le mensonge et l'improvisation pour se tirer de chaque échange et ne jamais les faire durer.
Heureusement pour elle, il y avait tant de monde en cette place, qu'aucun ne s'imaginait connaître tous les invités. Malheureusement pour elle, le mystère qui planait sur sa personne, ainsi que son beau visage finissaient toujours par attirer l'attention de l'un ou de l'autre. Elle resquillait autant que possible.

Et maintenant qu'elle avait ce qu'elle voulait, il ne lui restait qu'à partir très vite, sans se faire davantage remarquer. Et il n'y avait plus qu'une vingtaine de mètres la séparant de l'entrée. Et elle prétexterait aux gardes qu'elle était à la recherche de ses parents, retardataires de la fête. Ou une folie du genre. Encore quelques instants et elle serait...

-... !

Percutant un coude étranger, elle étouffa son cri de justesse. Il valait mieux, car cela aurait probablement été une insulte sinon. Et pas sûre que cela fasse bien discret aux oreilles du haut peuple.
Elle regarda, remarqua la personne qu'elle venait de brusquer. En temps normal, elle l'aurait juste incendié, exigé des excuses ou qu'elle fasse au moins attention la prochaine fois.
Mais la voleuse se fondait dans son rôle. Pendant encore quelques minutes de plus. Juste quelques minutes de plus. Toujours dans le jeu d'acteur, elle eut une fine mine gênée avant de regagner un sourire.

- Mes excuses, j'étais perdue dans mes pensées...