Luyên grogne alors que le géant se relève en riant. Pourquoi l'énerve t-il à ce point ? En tout cas, elle n'a qu'une envie à l'instant, l'égorger sur place pour qu'il ne puisse plus parler. Elle range tout de même sa lame, la renarde n'est pas une tueuse au sang froid. Bien au contraire. Et tuer simplement parce qu'elle ne peut pas l'entendre n'est pas une bonne raison. Les dents serrées, la rose pose de nouveau le regard sur Kang-Dae, pleine de condescendance.

— Protéger les gens ? Oh je vois, tu es donc ce genre d'homme qui sauve la veuve et l'orphelin ?

La jeune femme ricane, croisant les bras sur sa poitrine.

— Tu es ridicule si tu penses pouvoir sauver tout le monde. La mort réclame son dû, elle est toujours cachée quelque part. Toujours.

Et elle en sait quelque chose. Luyên n'a rien, on lui a toujours tout arraché. Elle aurait voulu faire partie des gentils, de ceux qui réussissent à sauver tout le monde, comme dans les romans. Malheureusement la vie n'est pas ainsi faite. La vie est cruelle et bien sombre. Tout le monde meurs, personne n'y échappe, surtout pas les grands roux qui prennent la vie du bon côté, toujours souriants. Oh oui, il lui tape sur les nerfs et dans son regard la haine s'embrase alors qu'elle jette un nouveau coup d'oeil au raton.

La colère bout dans ses veines, la fait plaquer ses oreilles pointues sur sa tête et plisser les yeux. Il se permet de dire beaucoup de choses le raton, des choses qui ne regardent personne d'autre à part elle. Elle aimerait l'égorger juste pour lui faire ravaler ses paroles. Lui ouvrir la gorge jusqu'à la trachée et y mettre son poing pour sentir ses dernières forces glisser hors de lui. Elle souffle, regarde ailleurs pour ne pas céder à ses pulsions. Il le mériterait mais la punition de son professeur ne vaudrait pas la délivrance du moment.

— Mon enfance ne regarde personne et surtout pas un rat.

Serrant les bras contre son corps et fermant les poings, elle trouve la force de le regarder de nouveau.

— Me sauver ? Vas y, j'attends, tu comptes faire quoi exactement ?

Elle pourrait presque rire face à la situation. Elle est vraiment curieuse de savoir comment un homme aussi insignifiant que lui pourrait faire quelque chose pour son cas. Il ne connaît ni la gravité de ce qu'elle a pu vivre, ni sa souffrance. Ce sont des paroles en l'air, un caillou qu'on jette dans un lac. Il remue l'eau, fait des vagues en surface et se fait engloutir par les profondeurs. Ce n'est rien. Absolument rien.

Luyên croise les bras sur sa poitrine et grimace. Son doigt pianote sur son bras nu, rien ne ressortira de ce combat. Elle n'arrive pas à l'entraîner à sa suite, il n'est pas digne de son attention, clairement pas.

— Tu m'ennuies à présent.

Sa colère n'a rien sur quoi s'accrocher, elle retombe et tout ses tracas viennent s'entrechoquer dans sa tête de renarde. Oh non elle refuse de se laisser aller à ses peurs devant lui. Elle tente de lui donner quelque chose à flamber à sa colère intérieure, tout, n'importe quoi qui lui permette de penser à autre chose qu'à elle-même. Mais KD n'est pas du même avis.

— Il est où ton divan ? Tu penses que jouer au psy ça va arranger quoi que ce soit à ma vie ? Que ça me libèrera des chaînes qui me lient mains et pieds depuis que je suis née ? Aha, t'es trop mignon, vraiment. T'as dû vivre une bien belle vie pour penser comme ça, raton.

Elle secoue la tête et lui tourne le dos, prête à partir. Il ne lui est d'aucune aide, il ne répond pas à ses provocation. Il vaudrait mieux s'en aller et broyer du noir hors du regard de qui que ce soit.

La petite renarde aurait pu s'en aller, mais le grand raton, lui en a décidé autrement. Elle le foudroie du regard, soupire et secoue la tête.

— Si tu pouvais arrêter de me parler comme à une gamine déjà. Ou je te jure que je te broie les couilles.

Il lui tape sur le système, fait poindre la migraine sous son crâne. Alors elle pince l'arrête de son nez, lui montre qu'elle refuse de le suivre parce qu'elle aimerait être seule. C'est ce qu'elle connait le mieux. Mais il ne la lâche pas, continue à suivre ses pas et peut-être qu'il réussit à l'intéresser un tout petit peu. Parce qu'elle cède en soupirant de nouveau. Les dents serrées, elle s'arrête et croise de nouveau son regard, plantant le sien dans celui du roux comme si elle pouvait le tuer ainsi.

— J'aime pas manger. Mais j'te suis. Je m'en fous de ta vie.

Glissant ses mains calleuses dans ses poches elle fait un signe du menton vers l'arrière comme pour l'inviter à aller où il veut. Lu doit quand même se mettre quelque chose dans l'estomac si elle ne veut pas perdre du muscle, à son grand déplaisir. Alors elle le suit, se maudit intérieurement d'avoir commencé à lui parler parce qu'elle n'est pas tellement à l'aise avec ce genre de personne. Ce genre qui est toujours heureux, qui trouve du beau dans n'importe quelle situation. Qui se relève le sourire aux lèvres alors qu'il vient de tomber. Il lui tape sur le système, lui et sa joie de vivre. Alors elle se ferme, rentre les épaules et se fait encore plus petite, les oreilles légèrement tombantes. Ses queues ébouriffées par la colère encore et toujours. Et quand ils entrent enfin dans un petit coin pour se restaurer, elle s'assoit en face de lui, croise les jambes et regarde ailleurs sans lui adresser la parole. De toute manière il finira par se lasser et par partir, la renarde n'a jamais été de bonne compagnie alors à quoi bon. Elle commande de la viande et de l'alcool puis se recule sur sa chaise pour mettre encore plus de distance entre le grand homme et elle.

C'est long, personne ne parle mais elle ne compte pas discuter avec lui. Seulement il engage de nouveau la conversation alors qu'il reçoivent leur plat. Tiens ? C'est vrai ça, pourquoi elle n'est pas juste partie ? Elle ouvre la bouche comme pour le rabâcher avec ses manières de brute. Mais rien ne vient, elle a beau chercher dans sa petite tête rose, elle ne trouve rien à lui répondre. Aucune répartie cinglante, aucune insulte. Ah et ça la fait chier.

— Bah j'en sais rien, ok ?

Grognon, elle pioche un peu dans son assiette en faisant la fine bouche et ne touche encore moins à l'alcool. Ca la saoule, elle n'a pas faim et boire avec lui ? Hors de question.

— Oh et me regarde pas comme ça d'accord ? J'ai été l'une de tes plus grande fan. Enfin si on peut dire ça de quelqu'un qui savait même pas que t'étais pas allé jusqu'au bout. Et je comprends toujours pas pourquoi tu l'as pas fait, tu les aurais tous écrasés. T'as vu la musculature que t'as ? Même avec cent ans d'entraînement en plus j'aurais jamais tes muscles.

Et pourtant la renarde n'est pas en reste. On ne croirait pas habillée comme ça, mais ses bras, ses cuisses, son ventre sont dessinés telle une athlète. Nue, elle n'a pas la grâce des belles dames, quoique elle peut être fière de ses courbes tout de même. De toute manière elle n'a pas besoin de plaire, elle ne peut juste pas se permettre d'avoir des sentiments.

Agacée, elle mâche et mâche encore la même bouchée en regardant partout sauf devant elle. Hors de question qu'elle regarde sa réaction, c'est déjà bien assez humiliant d'avoir reconnu qu'elle a déjà regardé l'homme combattre. Et dire que certaines de ses techniques elle les tiens de lui, enfin elle les a améliorées bien sûr mais ah ! C'est trop. Pourquoi elle lui parle encore, c'est plus fort qu'elle, merde alors.

Lu repousse son assiette a moitié touchée et à la place, elle attrape son grand verre et se l'enfile presque cul sec. Reprenant sa respiration, elle vient reposer violemment sa choppe sur la table. Avec un peu d'alcool dans le sang, elle pourrait se détendre un peu pas vrai ? Alors autant tout faire pour que le moment passe rapidement. Une autre goulée plus tard, Luyên croise le regarde de Kang-Dae.

— Pas grand chose ? Tu serais étonné de voir tout ce dont je suis capable moi aussi.

Elle ne se vante pas, énonce simplement les faits. Elle s'est entraînée toute sa vie, elle n'a jamais eu d'autre occupation. Alors même si elle n'a pas les muscles de son compagnon de table, elle serait capable de lui donner beaucoup de mal.

— Tu ne dois te battre que pour toi. Te battre pour les autres ça fini jamais bien.

Et elle en sait quelque chose. Pour éloigner la colère qui bourdonne à ses oreilles, la renarde termine sa boisson en quelque gorgées. Reposant sans grâce son verre sur la table, elle inspire à fond pour reprendre sa respiration. Et quand le serveur apporte son deuxième plat au raton, elle lui demande un autre verre. Avec quelque chose de bien plus fort. Elle pioche encore un peu dans son plat pour mettre un peu de protéines de côté pour son corps même si elle aimerait pouvoir ne plus avoir à le faire. Heureusement pour elle, on lui prépare des boissons et sucreries protéinées qui passent déjà un peu mieux au dojo. Dégoutée, elle détourne le regard du repas de KD, presque un peu jalouse de son appétit.