Calignis pourrait s’inquiéter des retombées sur lui, plus tard, mais il choisit de laisser ça à l’inquisition. Certainement, planqué dans le dos de Lise, il sera plutôt tranquille. Il espère. Et sinon quoi, ils le mettront encore plus de côté ? Tant pis. Il va s’y faire.

“La vie est faite de dangers, mais généralement je les limite à mon atelier, sous les ordres du Roi. Rien d’épique. Et tu me diras pour le Grand Inquisiteur ?”

Il ne connait pas le grand inquisiteur actuel - pas personnellement - et n’a pas vraiment envie de faire sa connaissance. Trop coincé, trop à cheval sur les règles, trop effrayant. Quand Lise s’accroche, il sourit simplement, son regard se faisant plus intéressé dès qu’elle évoque ses armes. Il adore ça - même s’il ne se bat pas - car chaque arme, chaque catégorie d’arme, est unique. Et puis, il préfère largement avoir les lames de Lise sur son plan de travail que sous la gorge.

“Va pour ça. Et promis cette fois je ne ferai pas d’amélioration sans t’en parler avant.”

Alors qu’ils se rapprochent des stands, l’attention de Calignis est attirée, comme celle des nébuleuses face aux objets brillants. Brièvement, il oublie même qu’il doit être le seul à comprendre réellement les tenants et les aboutissants des merveilles sous vos yeux. Et alors qu’il se perd dans l’essai de compréhension de ce qui est présenté, il tressaille à la demande bassement matérielle.

“Hm ? On est à Munditia, je suppose que les exposants ont même eu droit à un toucher rectal avant d’avoir le droit de s’installer, oui.”

C’est paradoxal, alors même que l’arcanite dorée a été utilisée par l’armée, de récrier son usage dans l'ingénierie, mais il se garde bien de le dire.

“Felix n’a jamais voulu toucher ça, même si on a pas eu trop le choix pendant la guerre. J’aurais été curieux, mais j’aurais eu trop peur de finir en bouillie.”, un souvenir : l’envie de braver les interdits, c’est peut-être quelque chose que Lise connait et comprend. “Par contre, si tu cherches un jour des ateliers illégaux qui s’en servent… Bah, il faut bien qu’avoir grandi à Iter serve à quelque chose.”

Dur de savoir s’il est sérieux ou non, il l’est pourtant. Mais il est surtout focalisé sur la recherche de quelque chose qui plairait à Lise, pour rendre la sortie moins rébarbative.

“Tiens là regarde ! Ca va peut-être plus te parler que les nouvelles articulations hyper légères à 4 degrés de liberté… Un mensonge à mon avis, tout le monde sait qu’on ne va pas à plus de 3 degrés de toute façon.”

Il oublie, parfois, qu’il parle peut-être aldani ancien lorsqu’il part là-dedans, mais il remarque bien l’air farouche de la jeune femme qui pourtant n’a pas à rougir d’être là. Elle est à sa place, même si elle n’y connait pas grand chose, et il l’entraine sans subtilité vers un stand d’armes, demandant avant d’attraper une lame pour lui mettre entre les mains. Elle irradie d’énergie, au sens premier du terme. L’arcanite qui court sur la lame doit accentuer les dégâts, peut-être affiner le tranchant. Et il y en a d’autres, des lames, des pistolets. Des idées pour les prochaines améliorations de l’arsenal Eurelt, de toute évidence.

Le tenir au courant des entrevues du grand inquisiteur s’ils venaient à recevoir la visite d’ingénieurs ? Tu échappes un rire amusé en roulant des yeux. « Écoute j'essaierai de te tenir au courant, mais je ne te promets pas, le bougre est discret. »

Toujours accrochée à l’homme, tu es bien obligée de le suivre, tes talons attirant l’attention des curieux alors que tu te stoppes ici et là, observant les mécanismes et les innovations aux fonctionnements incongrus. Les sourcils froncés, la mine renfrognée, tu te sens comme un petit chien qu’on promène, un garde du corps bien particulier ; celui qu’on craint d’approcher.

Ton attention se focalise sur les dires du jeune homme, tout de suite tu es plus intéressée par ce minerai si gangrené. Un sourire tirant tes traits, tu te redresses, le regard pétillant d’une certaine curiosité.

« Dis donc, j’aime bien quand tu me dis de telles choses Calignis. » Toi aussi, tu as été curieuse. Toi aussi, tu as voulu goûter à une époque, te laisser tenter juste pour tester mais Lucienne a su être là pour te stopper avant de commettre l’irréparable. « Je pense qu’on aura une discussion, toi et moi, à l’abri des regards. Je vais avoir besoin de quelques informations supplémentaires. »

Pour le reste, tu écoutes, le lâchant pour croiser les bras et essayer de comprendre, les articulations, les degrés, il fallait bien avouer que tu n’y comprenais absolument rien. Échappant un soupir exaspéré mais sincère, tu le laisses parler sans rien dire en hochant parfois la tête pour faire mine de comprendre.

Ce n’est que devant le stand d’armes qu’enfin ton regard s’illumine. La lame glisse entre tes doigts ; bonne qualité, bonne finition, mais ce n’est pas ce qui t’intéresse le plus. Ton attention se porte sur les fusils et les revolvers étalés à la vue de tous. Un frisson parcourt ton échine alors que tu abandonnes l’arme blanche pour attraper une carabine sous le regard curieux du propriétaire. « Ça j’aime bien. Pas trop lourde, pas trop légère, le canon est parfait. Elle risque d’être trop faible pour l’arrière ligne et un peu trop fragile pour les premières lignes mais y a moyen de lui trouver des utilisations. La chasse au maudit par exemple, j’aime bien ça. »

Tu inspectes tout, minutieuse, attentive à la moindre éraflure, le moindre impact en ouvrant même la bête pour en vérifier l'intérieur de tes doigts habiles. Tu en viens à oublier la présence de Calignis à tes côtés, et même le propriétaire de plus en plus nerveux en te voyant désosser ses biens sans demander la moindre permission.

« Y a moyen de l’essayer ? J’ai besoin de voir ce qu’elle a dans le ventre. »

Un sourire. Calignis n’a pas laissé glisser les mots au hasard, s’il a parlé de l’Arcanite dorée c’est aussi pour ça ; confirmer qu’il peut aider, s’assurer de la confiance d’une des deux têtes de l’inquisition, mettre son père adoptif en sécurité. Même en souhaitant plus que tout briller, il n’oublie pas que sa place est précaire, simplement due à l’affection du Roi.

“On prendra le temps que tu veux oui, pour une fois que quelqu’un va pas fermer les yeux sur les problèmes d’Iter… ”

Il ne réalise cependant pas réellement à quel point il peut être barbant, quand il parle de ce qui le passionne. Des échanges dont il a besoin, une frustration de ne pouvoir le faire avec ses soi-disant collègues. Eux ne soupireraient pas parce qu’il parle tout seul - quoi que - mais rapidement il réalise et préfère entraîner la jeune femme vers quelque chose qui lui plaira plus. Et ça fonctionne, un sourire discret étire les lèvres de Calignis à voir les yeux de l’inquisitrice pétiller.

Mais ce n’est rien par rapport à l’instant où ses yeux sur posent sur les armes à feu. Si l’ingénieur avait déjà remarqué une appétences pour celles-ci de la part de son amie - ou presque ? - il n’imaginait pas réellement que ce soit à ce point. Il laisse même échapper un petit rire, n’osant pas encore prendre ses aises avec l’Inquisitrice.

“Ah oui, et après c’est moi qui suis un peu abscons avec mon techno-babillage.”

Il lève la main, prêt à interrompre le désassemblage, suspendant son geste alors qu’il ne peut que constater, comme l’inventeur face à eux, la dextérité de Lise. Et quand celle-ci demande à tester, il voit bien que l’homme est chiffonné et va dire non ; un sourire charmeur, une oeillade, le temps de se rappeler du nom.

“Je suis avec Maître Leo, il est quelques stands plus loin… Je suis son fils adoptif, il vous a peut-être déjà parlé de moi, monsieur Vivus ? Calignis. Je travaille pour son Altesse Victoria à présent. On revient vite, promis, juste un tour au terrain d’essai. S’il vous plait ?”

Hésitation, promesse d’être sages, et Calignis attrape le coude de Lise pour l’entraîner. Le terrain n’est pas immense, surveillé - mais les têtes doivent être familières, pour l’inquisitrice - et certains sont en train de faire des démonstrations dans un coin.

“C’est d’avant ton métier, le goût pour les armes, ou c’est venu en bossant ?”, demande-t-il, les bras croisés comme pour montrer qu’il n’est pas question qu’il touche ça. Puis il a un sourire, fouille dans sa poche pour récupérer un lige. “Si je m’éloigne et que je le lance en l’air, tu saurais le toucher sans m’éclater la main ?”

Prêt à s’éloigner, l’ingénieur n’a pas réellement peur de la suite ; une manière de montrer qu’il a confiance.

Les gens ont tendance à sous-estimer tes compétences et tes capacités militaires, probablement parce que tu ne laisses rien paraître en dehors de tes missions. Roulant des yeux en remarquant le regard désapprobateur de l’ingénieur puis de Calignis, tu échappes un soupir déjà agacé. Allait-on douter de toi ? N’avais-tu donc même pas accès à un simple stand de tir, malgré ton statut de Grande Inquisitrice ? Tu marmonnes quelque chose dans ta barbe avant de rapidement te défaire de la prise de l’homme pour prendre les devants en claquant bruyamment tes talons au sol pour faire savoir ton agacement.

« S’il continue à me regarder comme ça, je fais fermer son stand. » Et par vanité, tu en serais capable. Oh que tu détestes qu’on puisse te sous-estimer, continue à te regarder comme si tu n’étais rien. Tu ignores les têtes qui chuchotent, murmurent, observant d’un air curieux alors que tu charges l’arme avec une dextérité presque effrayante sans même regarder l’homme.

« J’avais seize ans quand Lucienne m’a fourré une arme dans les mains. Dans la famille c’est elle qui a la carrure de la femme forte, avec ses deux mètres et sa carrure de géante. Moi je suis la fouine qui assassine dans l’ombre de la première ligne. » Lucienne n’a de toute évidence rien de noble, pas plus que toi. Mais elle est la plus vieille, l'aînée respectée, accomplie, mère de famille qui plus est. A la vie compliquée, et veuve, plus très intéressante pour avoir un nouveau parti mais terriblement puissante. Si l’on oublie l’instructeur t’ayant tout appris, c’est à elle que tu dois ta force d’aujourd’hui, et ton mental si complexe. « Au lieu de poser des questions stupides, lance plutôt ton lige, je vais te montrer que les rumeurs à mon égard au Barrage d’Argent sont fondées. Parce qu’à en écouter certains j’ai obtenu mon titre qu’en étant la petite poupée de la Reine. »

Et tu comptes bien leur prouver le contraire.

De toute évidence, Calignis ne comprend pas ce qui assombrit le regard de son amie ; il avait sûrement gaffé à un moment, mais n’était pas sûr duquel. Ou alors, c’est l’autre ingénieur… oui, sûrement.

“Hm… Il vient d’Iter, tu sais, s’il ne te connait pas, il a pu juste s’inquiéter de confier une arme à quelqu’un…”

Mais au fond, peut-être qu’il se trompe. Peut-être qu’il cherche juste les solutions les plus simples, celles qui lui permettent de fuir une réalité désagréable pour construire celle où il peut laisser libre court à son Art.

Plutôt que se focaliser là-dessus, il écoute Lise, des bribes de sa vie qu’il collectionne avec intérêt, comme pour se construire une image plus précise de la jeune femme qu’il apprend encore à connaître. Il compare, se questionne, brièvement, s’il était resté dans sa famille, aurait-il eu un genre de vie semblable ? Aurait-il continué à dissimuler son “infirmité”, se serait-il tourné sur ce qui régit à présent sa vie ?

Mais l’instant passe, et il réalise plutôt à quel point Lise a besoin de se prouver que sa place est méritée. Parce que lui, il n’en doute pas ; il n’est pas assez rompu aux manigances politiques pour songer qu’elle puisse être à sa place grâce à l’affection de l’ancienne reine. Même si lui est là parce qu’il a plu au Roi…

“Hé, moi je sous-entend rien, juste que c’est impressionnant de shooter un lige à distance… Et clairement pas tout le monde y arriverait à l’inquisition.”

Pourtant, il sent qu’ils commencent à avoir leur petit nombre de spectateurs. Alors il s’éloigne et lance, sans hésiter, en hauteur. Lui ne parviendrait pas, à leur distance, à viser un lige immobile. Ni même une bouteille. Peut-être même pas un homme. Il recommence, encore, tant pis si quelques liges sont inutilisables parce qu’il y a un trou au milieu.

“Si j’en lance deux en même temps, tu penses que l’arme peut suivre ?”

Ne pas mettre Lise en doute, juste les capacités de son arme…

« C’est encore plus insultant qu’il ne connaisse pas mon nom ! » Ou ton visage. Mais tu préfères jurer un bon coup, roulant des yeux le temps de vérifier la sécurité de l’arme. Les regards curieux te font frissonner d’appréhension mais tu ne veux rien montrer ; tu mets l’homme en joue, menaçante au possible en attendant qu’il jette la lige dans les airs pour la suivre du regard. L’espace d’un instant ton monde semble s’arrêter, alors que tu attends le bon moment pour tirer.

L’instant où tu ne pourras pas te louper.

Avant que la pièce ne retombe au sol, roulant un instant aux pieds de l’homme, trouée en son centre. Tu souffles, rechargeant aussitôt l’arme pour lui jeter un regard, paradoxalement aussi froid que chaleureux. Mortel dans tes gestes, et pourtant sans crainte pour lui. A la deuxième lige lancée, la même danse, la même concentration, peur de te louper, de ne pas assez bien calculer tout ce qui peut arriver : le vent, l’inclinaison de la pièce, un minime calcul. La détonation retentit, et si la pièce finie dans le même état que la première en revenant au sol, tu secoues la tête négativement à sa question en déchargeant l’arme.

« Deux en même temps non, son temps de rechargement est trop long pour espérer toucher deux liges dans un laps de temps si court. C’est pas impossible, mais trop dangereux, il y a trop de monde autour et je n’ai pas envie d’être à l’origine d’un drame. »

Tu as beau t’en sentir capable, le risque zéro n’existe pas. Et en cet instant, il n’y a pas l’adrénaline des missions, de la guerre, et toute cette pression qui fait que ta concentration atteint son paroxysme. Te rapprochant de l’homme, tu viens ramasser les deux liges trouées dans un petit sourire, les observant en glissant ton oeil dans le trou de l’une d’entre elle pour jauger l’ingénieur en travers.

« Tu aurais pu finir dans le même état lors de notre première rencontre, mon petit Leo. »

Tu murmures ça, dans une provocation qui n’a pas pour vocation à être menaçante, en lui tendant son argent inutilisable maintenant.

« On va rendre l’arme et je t’invite boire un verre, si ça te tente ? »

C’est sûrement étrange de n’avoir aucune peur, alors que la jeune femme tire vers lui. Pourtant, face à la maîtrise de Lise, c’est évident qu’il ne craint rien. Lorsqu’il propose d’augmenter la difficulté du challenge, il a une petite moue à la réponse, haussant les épaules.

“Ah, alors ce n’est pas le genre d’armes qu’il te faudrait.”

Au fond, il n’en sait pas encore grand chose ; c’est une manière de tourner le problème, s’il en est, vers l’arme et non Lise pour les quelques curieux. Mais au final, ce n’est peut-être pas la peine, les liges déjà percés parlent d’eux-même. Un souvenir qu’il n’a pas le temps de ramasser, qu’il aurait sûrement gardé dans une boite à trucs à faire, pour les travailler plus tard et les oublier, mais à la place il pâlit à la menace, détournant le regard d’un mouvement fuyant, le coeur accélérant. Il n’y a qu’un des deux qui rit de ce souvenir, pour l’instant…

“Si c’était pour me faire bizuter, j’aurais aussi bien pû rester avec mes collègues…”, grommelle-t-il, sachant bien que Lise plaisante. Certainement. Tant qu’il ne sera pas sûr à 100%, il ne saura pas comment gérer réellement la chose, de toute façon. “Donne les liges, tu n’en feras rien, mais je trouvera bien à les utiliser un jour.”

Il récupère les deux pièces, les glissant soigneusement dans une petite poche invisible de sa tenue. Encore incertain, il acquiesce simplement à la proposition d’alcool. Il s’occupe même de rendre l’arme, pour éviter un nouvel incident, acceptant de quitter la foire ou de s’installer dans le premier stand servant à boire, si c’est ce que Lise préfère. Il ne va pas lui imposer plus longtemps un tel lieu, après tout. Ils sont rapidements servis, heureusement, et Calignis trinque avec un sourire maladroit ; comme s’il en était toujours à se questionner si Lise plaisantait vraiment quand elle parlait de le trouer.

“A tes fantastiques compétences au tir !”

Une gorgée de bière fraîche, l’ingénieur ferme les yeux quelques secondes avant de se décider ; ça sort un peu de nulle part, doucement, alors qu’il plante ses yeux verts dans ceux de l’inquisitrice.

“Je me demandais si tu savais comment Lyra Olobe s’en sortait ? On a pas vraiment repris contact, je sais qu’elle a rejoint l’inquisition… C’est une… amie d’enfance.”

Il n’a jamais menti très bien, mais ce nom de famille n’est plus le sien depuis longtemps.

« Oh c’est bon fais pas cette tête je rigole. » Tu pouffes même de rire, amusée de le voir réagir ainsi à ta petite provocation en lui donnant les deux pièces trouées dont tu n’auras aucune utilité. Tu aurais pu le taquiner encore un peu plus pour le bousculer mais tu préfères t’arrêter à un stand, un peu en retrait des autres pour chasser le brouhaha commençant à t’épuiser. Les jambes croisées, accoudée à la table, tu attends qu’on vienne prendre votre commande puis vous servir pour attraper ton verre et trinquer avec l’augmenté.

« A notre … peut-être future amitié sincère ? »

Nouvelle petite pique, ton regard malicieux montrant ta taquinerie et ton envie de le secouer sans méchanceté. Qui sait, vous aviez très mal commencé mais peut-être qu’avec du temps, tout allait bien se terminer entre vous ? Seul le temps vous le dira. Descendant la moitié de ta bière d’une gorgée, tu t’arrêtes à sa question, d’abord surprise en fronçant les sourcils avant de croiser son regard.

« Olobe ? Je la vois pas souvent. Mais j’en entend pas du mal, donc oui j’imagine qu’elle s’en sort bien ? Pourquoi tu ne vas pas la voir de toi-même ? Avec ton statut tu peux te glisser dans les casernes les inquisiteurs ne vont pas te bouffer. » Ou alors c’est quelque chose de plus profond que ça ? Peut-être qu’il … ne veut pas la revoir ? Ou qu’il ne peut pas ? Tu ne poses même pas la question, s’il veut en parler il prendra la décision seul. « Je peux me renseigner sur elle, si c’est ce que tu veux. »

Avec plus de réserve, Calignis trinque. Il doute qu’il y ait jamais une amitié sincère entre eux deux ; ils sont trop différents certainement - ou trop proches - et le caractère de Lise pourrait facilement le bouffer… Mais qui sait, peut-être que l’ingénieur est un peu trop négatif…

Et l’air de rien, le voilà à se questionner sur sa demi-soeur. Il est plus tombé sur l’information - son métier - au hasard qu’autre chose. Enfant, il n’était pas très focalisé sur ce que faisait Lyra. Après… Son regard se fait fuyant, cherche quelque chose où s’accrocher et, au final, c’est sur son verre qu’il se repose. Pas brillant, même s’il fait brièvement semblant d’essuyer la condensation sur la surface transparente.

“Hm, je vois mal ce que je ferais dans vos casernes, tout le monde me regarderait comme un petit bâtard… ”, non, la réalité et bien ailleurs. Il peut certainement aller trainer à l’inquisition et dragouiller quelques beaux inquisiteurs musclés. Mais il veut l’éviter, puisqu’elle n’est jamais venue… “C’est juste… Une connaissance de loin.”

Lise mord-t-elle à l’hameçon ? Il a la sensation que non, et soupire. Une gorgée d’alcool.

“... Ma demi-soeur.”, une autre, il se reprend. “Mais on s’est pas vus depuis… pfff, depuis que j’avais 12 ans. Donc j’ai pas envie de trainer dans ses jambes.”

Là. Après tout, autant que ça serve d’avoir des “contacts positifs” - il n’en doute pas vraiment, il n’est juste pas capable de jauger à quel point ils le sont - avec un membre haut placé dans l’inquisition…

« S'ils commencent à te traiter comme un petit bâtard tu m'appelles aussitôt et j'irais m'occuper de leur cas. »

Tu as répondu du tac au tac, bien ferme dans ta réponse : tu ne supportes pas ce genre de comportement, quand bien tu entretiens toi même quelques ... préjugés sur les bâtards. Mais Calignis a su faire ses preuves, au final des années, alors il a ce petit pass particulier qui lui permet d'obtenir ta confiance.

Fronçant les sourcils à ce que tu sens aussitôt comme un mensonge, tu attends son aveu en étirant un petit sourire satisfait de le voir se rattraper. Sa demie-soeur donc ? Mais pourquoi ne voudrait-il pas la voir à nouveau malgré les années ?

« Et alors ? On s'en tape de l'âge non ? Vous avez le même sang, vous pouvez pas vous ignorer comme ça, la famille c'est sacrée ! » Surtout fraternelle. Si avec tes parents c'est une catastrophe, l'affection que tu as pour ta soeur et ton frère est telle que tu ne pourrais te passer d'eux dans ta vie. « Au contraire, vous aurez tellement de choses à vous raconter, après tout ce temps sans vous voir ! »

D'un coup d'épaule taquin, tu viens le bousculer en prenant une nouvelle gorgée de ta bière.

« Sauf si vous vous êtes quittés en mauvais termes ? J'en ai aucune idée. A la limite si tu veux je peux tenter de tâter le terrain pour toi ? Voir si elle parle de toi d'elle-même au bout d'un moment ? Est-ce que ça pourrait t'aider à appréhender des retrouvailles ? »

Et s'il veut pas, tu pourras toujours lui donner des nouvelles par intermittence, de temps en temps.

Calignis acquiesce ; l’idée de se faire protéger, même si c’est certainement lâche, a quelque chose de rassurant. Il devrait ne pas en avoir besoin, mais le sentiment d’avoir quelqu’un de son côté, dans cette cage aux lions, n’a pas de prix.

Se confiant à l’inquisitrice sur un adelphe perdu de vue et retrouvé, il retient un soupir lorsqu’il réalise à quel point Lise et lui ont des avis différents sur la famille “de sang”. C’est normal ; la jeune femme est attachée à sa soeur, à ses neveux, et lui… Lui ignore même s’il en a. Parfois, il a rêvé de retourner voir ses parents, de montrer à quel point il a grimpé dans la société, à quel point il est devenu important pour le Roi. Mais ce ne sont que des chimères, plus fragiles, moins importantes qu’un nom pour ceux qui ont préféré l’abandonner.

“J’avais douze ans la dernière fois que je l’ai vu. Dur de savoir si nous étions en mauvais termes… Si tu peux avoir quelques informations sur ce… Un peu sur tout ce que ma famille est devenue ?”

Ce serait bien, pour commencer. Avant de réfléchir à se rapprocher d’un des membres de celle-ci, autant savoir quelles bourdes éviter. Les “et alors le mariage” ou autres joyeusetés qu’il serait capable de sortir sous le coup de la nervosité. Mais il n’aurait su que demander de plus à son amie, doutant qu’elle puisse de toute façon prendre beaucoup de temps pour creuser sur le sujet. Plutôt, il fait passer l’idée de reprendre contact - qui sait combien d’années ça prendra à se réaliser ? - avec la fin de sa bière, observant que Lise a fait de même.

“Allez, je t’ai assez trainé dans cette foire ; ça m’a vraiment fait plaisir que tu m’y accompagnes !”

L’ingénieur royal se lève, s’étirant avant de lui offrir un sourire un peu plus détendu. La bière, le contentement d’être avec elle.

“A charge de revanche, promis !”