Pour une fois, la renarde flâne dans les rues du quartier artisanal, apaisée. Après avoir participé à la chasse et être revenue à Xing Alda, la jeune renarde vient de recevoir deux dagues offertes par son maître. Les lames bleutées et brillantes ont été forgées dans une lame-répit. La joie déborde d'avoir enfin contenté les exigences de l'homme qu'elle connaît depuis sa plus tendre enfance. Elle peut compter sur les doigts d'une main, le nombre de fois où il lui a servit son hochement de tête satisfait. Et elle ne pense même ne jamais avoir entendu la fierté dans sa voix, elle se sent tout drôle, vraiment. Comme légère, Luyên flâne au gré des échoppes, un léger sourire étirant ses lèvres. Pour une fois que son quotidien lui semble plus léger, elle en profite. Oh non pas que ça puisse tout effacer. Bien sûr que non. Elle n'aurait peut-être pas dû les accepter finalement. Pour quoi ça la fait passer tout compte fait ?
La renarde s'arrête au milieu du flux des passants. Elles les regarde, s'interroge sur la façon qu'elle a de prendre la chose. Elle se rend bien compte qu'elle n'est qu'une enfant, qu'on vient de récompenser. Elle soupire, se frotte le bras en regardant les deux fourreaux chacun accrochés à une cuisse. Tant pis si elle se sent bête de réagir ainsi, elle ne rejette pas son bonheur pour une fois. Luyên en a besoin, c'est vrai. D'ailleurs une autre femme a accroché son regard. Pas bien plus grande qu'elle, elle avance comme si le monde lui en voulait, ou comme si elle en voulait au monde. Et elle ne se le cache pas, la rose sait qu'elle est ainsi, souvent. Elle a beau se mentir, elle sait très bien que c'est ainsi qu'elle regarde les gens quand la vie est trop dure pour y faire quoi que ce soit. Quand même respirer devient une épreuve. Alors instinctivement elle vient s'arrêter devant la femme aux longs cheveux. Elle ne possède pas la même couleur de cheveux, mais la longueur est similaire. Et dans ses traits, quelque chose lui rappelle sa sœur. Elle hoquète alors qu'elle plonge son regard dans le sien, recule et fronce les sourcils. Ses queues se secouent et ses oreilles s'aplatissent sur sa tête alors que la rose reprend sa respiration. Quelque chose vient de lui frapper la poitrine avec une grande force et elle ne s'y attendait pas. Alors la voilà simplement à admirer ce visage, à lui trouver toutes les différences avec celui de Mai. A bien y regarder il n'y a pas grand chose qui la rapproche de cette femme. Alors pourquoi se sent elle si faible et si déchirée face à elle.

— D'où venez vous ?

Oh son ton est bien plus agressif qu'elle ne l'aurait souhaité. Pourquoi est-ce de la colère à présent qui monte dans son cœur ? Pourquoi est-ce la rancœur qui lui fait froncer les sourcils ? Sa sœur est morte, elle ne devrait plus la voir ailleurs que dans la maison de famille. Elle ne devrait plus la voir tout court.