Tu as posé tes affaires à même le sol, à peine le pied dans cette chambre d’auberge payée pour la semaine à venir. Quelque chose d’assez coûteux, dans le quartier noble profondément ancré dans les entrailles de la ville stellaire mais qui te permettait d’avoir tout le confort auquel tu es habituée à Munditia. Et tu avais décidé de cette petite escapade pour espérer en apprendre plus par toi-même sur les motivations de la Serre d’Argent ; si l’inquisition s’occupait d’investir la ville verticale, vous ne pouviez rester les bras croisés sur leur présence en Xing Alda mais sans réelles informations les pièces de l’échiquier ne pouvaient bouger en votre faveur.

Retirant tes lourdes bottes pour les poser dans un coin, tu as laissé l’eau chauffer pour pouvoir te préparer un thé et mettre au propre toutes les informations que tu as pu recueillir dans la journée, au gré de petites discussions ici et là, l’avis de l'aubergiste, d’un noble un peu trop bavard, du marin pendant la traversée ou des guides t’ayant mené jusqu’à Fang. Le moindre mot peut t’être utile et mener à quelque part à tout moment. La Serre peut se cacher partout, et la diversité de leur population ne vous facilitera de toute évidence pas la tâche.

Alors tu notes, griffonnes d’une main, l’autre terminant ton infusion pour accompagner la cigarette coincée entre tes lèvres. Si certaines feuilles sont personnelles, tu essaies d’en tenir des plus professionnelles pour tes rapports futurs, l’esprit occupé par tes tâches multiples en allant te poser sur le rebord du balcon donnant sur la rue en contrebas, ton carnet sur les genoux et ta tasse en main, l’air nerveux. Et si tu balaies la foule du regard, comme à la recherche de quelque chose de suspect, tu finis par relâcher ton attention en mettant tout ça sur le dos de cette météorite dont tu n’as pas l’habitude et ce long voyage éreintant.

Note : Blair souffre d'un trouble dissociatif de l'identité (TDI). Quand Blair front, le texte est écrit en "Tu". Quand Maxine front, le texte est écrit en "Elle". Les autres alters front rarement.
• • •

Un prédateur.

Maxine n'aime pas quand tu insistes pour tourmenter une seule personne comme ça. Encore plus lorsqu'il s'agit du maître-espion, une personnalité qui pourrait mettre à mal le système tout entier si quiconque fait n'importe quoi. Pourtant, te voilà à Xing Alda, bien déterminé à retrouver Lise pour lui faire goûter ton nouveau jouet. Même si ton apparence et ta taille font que tu te détaches de l'environnement, tu as tenté tant bien que mal de te fondre dans la masse pour suivre l'elfe jusqu'à son auberge.

Cependant, au moment où tu penses pouvoir te montrer, tu dissocies un long moment.
Maxine a raison, ça fait longtemps que tu n'as pas pris soin du corps.
Elle impose sa présence et tu n'arrives pas à t'ancrer.

❖ ❖ ❖

Maxine soupire. Elle prend son temps pour t'inviter à te reposer. Puis, une fois qu'elle est aux commandes, elle s'éloigne de cette foutue auberge. Elle n'a pas souvent eu l'occasion de visiter Fang, bien trop occupée à entretenir les autres alters. Elle regarde les mains, relève les manches pour observer les bras ; rien ne va. Tu as encore blessé le corps, et tu ne t'es même pas embêté à tenter de soigner les blessures.

Elle n'a pas beaucoup de choix.
Elle doit retrouver Lise.

Mais elle a peur que tu reviennes à la charge si elle s'en approche trop. Rien n'est simple avec un tel trouble, quand bien même tu as tendance à le minimiser. Maxine, elle, en a pleinement conscience et semble beaucoup plus fatiguée.

Après de longues minutes à hésiter, elle finit par prendre le risque de venir à la rencontre du maître-espion. Elle tente d'attirer son attention en tapotant la canne contre le sol, silencieuse ; derrière le masque, l'expression est totalement différente de la tienne. Sa façon de se tenir également.

« Madame… J'ai besoin de vous parler en privé. »

Et vite.

Le regard focalisé sur tes mots, tu as ignoré l’extérieur, tes doigts attrapant parfois ta cigarette pour pouvoir boire une gorgée d’infusion avant de revenir la pincer entre tes lèvres et reprendre quelques phrases avant que ton regard ne soit de nouveau attiré par quelque chose dehors.

Le son d’une canne a stoppé ton esprit, vivement tu as jeté un nouveau coup d’oeil à l’extérieur pour t’arrêter sur cette silhouette, grande, gigantesque même comparée aux autres aldani, posée sous le balcon du premier étage, celui où tu es nichée depuis de longues minutes. Tu ne dis rien, détaille l’être ; ce n’est pas Blair,dû moins aux commandes. Le corps se tient trop droit, trop bien pour qu’il puisse s’agir de l’hôte. Et la manière dont on t’appelle, il n’y a pas de doute. Tu fronces pourtant les sourcils, un peu nerveuse en te relevant, quittant ton balcon pour poser ta tasse sur la commode et ton carnet dans tes affaires à l’abri des regards indiscrets. Tu délaisses la dame, silencieuse dans la pièce le temps d’enfiler de nouveau tes bottes et un manteau pour quitter ta chambre, la fermer et presser le pas jusqu’au rez-de-chaussée. Tu sors jusqu’à rejoindre l’hybride, le regard toujours fuyant.

« Maxine, que faites-vous là ? »

Tu connais la dame, et étrangement vous êtes … moins proches qu’avec Blair. Du moins, votre relation est bien différente, plus de respect, moins de violence. Plus de politesse et moins de proximité alors que tu l’attrapes délicatement par la main pour la mener avec toi dans le sens inverse. L’aubergiste ne te demande rien, tu remontes l’escalier à la hâte comme pour espérer discrète - et ce n’est pas avec un hybride aussi grand que Blair en ta compagnie que tu arriveras à te faire aussi petite qu’une souris. Refermant la porte derrière vous, tu retires encore tes bottes, par respect pour les traditions avant de soupirer.

« Retirez vos bottes. Il y a un souci ? Je ne m’attendais pas à vous voir ici. »

Maxine attend, reste immobile un long moment. Elle semble absente un moment, et ne répond même pas à la question de Lise. Il lui faut un petit temps pour revenir en oubliant par la même occasion ce qu'elle faisait là. Si tu sembles minimiser au maximum tout cet enfer que le système vit, Maxine, elle, le subit de plein fouet et secoue la tête pour reprendre ses esprits.

« Je- »

Elle demeure un peu sauvage. Elle n'aime pas qu'on lui prenne la main mais elle sait qu'elle a besoin d'être guidée pour ne pas être intrusive. Elle lance un regard à peine visible à l'aubergiste qui ne semble pas faire attention à elle, et en un clin d'œil, la voilà aux côtés du maître espion. Elle baisse les yeux vers ses bottes, haussant simplement un sourcil avant de s'installer et de retirer le strict nécessaire pour que le bruit des sabots vienne déranger les voisins.

« Blair a encore fait n'importe quoi avec le corps. C'est un hôte insupportable et je ne peux pas m'occuper de tout. »

Maxine n'ose pas rentrer tout de suite dans le vif du sujet ; elle sait très bien ce que tu lui veux réellement, mais elle préfère faire attention pour ne pas te trigger, au contraire. Elle cherche à s'accrocher elle-même en cherchant de quoi la rassurer et lui donner plus d'ancrage pour rester la seule aux commandes encore un moment. Sans elle, tu pourrais t'affamer, ou au contraire, te rendre malade à force d'insister.

Sans elle, vous seriez tous partis depuis longtemps.

« Nous sommes assez nomades, mais… Blair a vraiment une dent contre vous. »

L'hybride n'ose pas se mettre à l'aise. Dans ce cadre étouffant, elle se sent bien. Il lui faut un long moment avant de se décider à retirer les gants, puis à remonter les manches pour montrer les différentes blessures plus ou moins fraîches. Elle n'a aucune idée de comment tu peux te faire ça ; couverts comme vous êtes, tu te fais mal probablement par imprudence une fois en sécurité.

« Ul vous a suivi. »

Elle se tient la tête et geint. D'un geste silencieux, elle demande quelque chose à boire, qu'elle fera probablement en se cachant.

Tu te contentes de hausser les épaules à la remarque de l’alter, comme par dépit. Oui tu sais que Blair a une dent contre toi et tu n’as jamais réellement compris pourquoi. Vous aviez réussi à entretenir un début de relation avant que tout ne se casse la gueule ; c’est lui qui a rompu, avant de revenir et garder le côté charnel de votre lien. C’est lui qui refuse de te laisser tranquille, te malmenant jour après jour.

« Je ne sais pas du tout ce qu’ul peut bien me vouloir. »

Mais ça a le don de t’agacer. Rouspétant bruyamment tu finis par faire signe à la femme de faire comme chez elle et s’installer comme elle le souhaite. Tes yeux se posent sur les plaies, encore fraîches pour beaucoup, et rapidement tu comprends. « Installez-vous, vous avez soif ? Faim ? Je vais nous faire venir un repas ils vont bientôt ouvrir leur restaurant. » Fouillant dans les affaires mises à la disposition par l’auberge, tu installes tout sur la petite table basse, une deuxième tasse et les différents thés proposés le temps de faire chauffer une nouvelle bouilloire. « Et on va s’occuper du corps, entre filles. »

Tu tentes un sourire pour détendre l’ambiance, un peu maladroite. Tu ne connais que peu Maxine, habituellement c’est Blair aux commandes lorsque vous vous retrouvez, tu sais qu’ils ne sont pas que deux mais le reste des alters du système te sont complètement inconnus, non pas que tu n’as pas cherché à en apprendre plus mais parce qu’ils n’ont jamais front en ta présence.

« Vous savez pourquoi ul m’a suivi ? Je n’ai rien qui peut l’intéresser, ul devrait le savoir. »

La laissant tranquille en ramenant la bouilloire, tu sors dehors quelques instants en profitant du passage d’un employé pour demander un repas pour deux en glissant même quelques liges supplémentaires au passage pour passer en priorité et revenir dans la pièce.

« Je vous prépare un bon bain ? Vous devez en avoir besoin. On en profitera pour soigner vos blessures. Par contre … Je n’ai pas de vêtements propres, et vu la différence de taille ça risque d’être … un peu compliqué. »

Son regard se veut un peu agressif malgré tout. Même si elle semble plus douce face à Lise, Maxine n'est pas plus docile que toi, bien au contraire ; sa combativité lui permet ainsi de prendre soin du corps et d'endurer ce que tu n'es pas capable de subir dès que les traumatismes refont surface. Niamh est celui qui prend le plus cher dès qu'elle perd le contrôle, mais ensemble, chaque alter permet de mieux survivre.

« Ul a un but, mais je n'en sais pas plus. »

Jamais tu ne communiques tes véritables intentions. Et c'est difficile de les deviner. Elle observe la canne avec insistance, les yeux plissés, hochant la tête à sa question. Maxine a du mal à se déshabiller tout de suite, encore nerveuse et prête à repartir à la moindre occasion si elle se sent en danger. Elle fait même la moue, soupirant en venant retirer la première couche qui dissimule le corps meurtri.

« Je ne sais pas de quand date notre dernier bain. »

Un moment, probablement. Tout le système n'a pas réellement de notion du temps à mesure de dissocier et de ne pas réussir à s'entendre parfaitement. Quand l'un d'entre eux a une absence, les minutes perdues ne reviennent pas et il est très difficile de se souvenir d'un front ou tout simplement d'une volonté de ne pas exister un temps donné.

« Peut-être que Blair voulait encore vous tourmenter. J'ai du mal à lo calmer dans ces moments-là. »

Elle roule les yeux, se masse difficilement la gorge. Dès que la boisson est servie, elle retire le bas du masque pour commencer à boire en profitant de l'absence du maître-espion. Grimaçant, elle sent tout son corps brûler. Certaines blessures doivent sûrement suppurer et cette idée la dégoûte déjà et elle s'étale dans la chaise en silence.

« Je m'occupe des vêtements. Il faudra juste des bandages pour séparer les soins des vêtements. »

Maxine finit par se redresser, la queue fouettant librement l'air. Elle se dirige déjà vers la salle de bain, droite jusqu'à ce que le plafond de l'auberge ne la force à se baisser. Elle passe les cornes en premier, cherchant un miroir pour observer ce corps atroce. Elle pose enfin l'arme traquesang, bien trop occupée à se trouver des blessures.

« L'enfoiré… », qu'elle grogne. Elle étouffe derrière ce masque, ses oreilles rivées en arrière.

« J’ai tout ce qu’il faut, je prévois toujours au cas où. » Tes missions ne se passent pas toutes sans accrocs et avoir de quoi te soigner dans les situations les plus compliquées est toujours primordial. Laissant une certaine intimité à la dame, tu préfères lui tourner le dos pour terminer de ranger tes propres affaires dans un coin, bien ordonnées pour ne pas te perdre. Déposant ton arme contre le mur pour éviter de l’abimer, tu fermes la fenêtre coulissante pour chasser les bruits extérieurs et vous offrir un peu plus de calme.

« Je commence à avoir l’habitude avec Blair. Mais tout de même, je suis en plein travail, ul n’a pas à me traquer comme ça. » Tu termines ton thé, un rictus un peu dégoûté tirant tes traits en le sentant si froid contre ton palais. Mais qu’importe, tu chasses vite le goût en t’allumant une nouvelle cigarette pour t’occuper le temps que Maxine ne glisse dans la salle de bain.

« Vous préférez prendre un bain d’abord, pour qu’on puisse désinfecter sur une peau propre ? » Tu restes juste à côté de l’entrée, dos au mur en attendant le moindre signal de sa part pour la rejoindre et l’aider au besoin. Si Blair ne se montre pas pudique avec toi, tu ne veux pas empiéter sur celle de Maxine en prenant trop de place.

« J’aimerais bien qu’ul cesse … d’être aussi violent avec moi. » Tu ne cherches même pas de réponse de sa part, ni même une approbation. Tu essaies juste de te rassurer dans cette toxicité, comme si parler seule à voix haute fera réfléchir le système ; tu apprécies Blair, plus qu’il ne le faudrait, et Maxine - même si ses apparitions sont rares, aussi. Tirant sur ta cigarette tu finis par te rendre compte d’un détail, tout de suite plus surprise en osant ouvrir tout timidement la porte pour vérifier que tout va bien.

« Au faite, où est Eileen ? Elle n’est pas avec vous ? Normalement elle ne quitte jamais Blair. »

Il lui faut un moment pour se remettre de ses absences. Elle secoue la tête, te dompte doucement ; en-dehors, on ne remarque rien, seulement qu'elle met beaucoup de temps pour réagir et pour répondre. Elle semble tout de même en alerte, la queue remuant férocement dans son dos, soulevant la légère poussière qui s'installe vite dans cette auberge. Puis Maxine prend une grande inspiration, se déshabille petit à petit jusqu'à rester en débardeur ; ses bras sont nus, sa gorge, protégée.

« Blair revient toujours vers vous, maître-espion. C'est une obsession et personne ne peut lo raisonner. Et… Ingi n'aide pas, c'est quelqu'un créé à l'image d'un de nos ravisseurs. »

Dès qu'elle retire le masque, elle retient une sensation de nausée. Le corps entier semble meurtri et elle observe les vieilles cicatrices qui parcourent son visage. Son œil mécanique reste immobile, scrute le reflet avant de se focaliser sur la personne qui vient d'ouvrir timidement la porte.

« Oui. Il faut nettoyer les plaies avant. »

Elle ne dit rien de plus, laissant le bain couler en faisant attention à ne pas le prendre trop chaud. Elle se frotte les yeux, tire sur ses cornes vers l'arrière dans un râle de frustration. Sa taille ne lui permet pas de bien se déplacer et ça l'enrage assez pour qu'elle vienne serrer le poing de frustration.

« Eileen sent et sait quand Blair n'est pas là. Elle ne me trouve pas assez malicieuse. »

Et c'est bien vrai ; face à toi, elle est bien trop positive. Elle finit par plonger dans l'eau, les jambes ressortant de l'autre côté. Puis elle se lave, fait attention à tout avant de réaliser qu'elle a oublié de retirer le débardeur. Elle finit par râler, jetant le vêtement trempé et imbibé de sang à même le sol en claquant des sabots sous la frustration.

« Préparez la solution pour tout désinfecter et les bandages. Si on ne se dépêche pas, Blair risque de revenir avant que l'on ait fini. »

Et elle ne veut pas ça. Elle veut tout finir rapidement.
Maxine sait que quand tu reviendras pour prendre la place, Lise passera un sale moment.

Maître-espion, l'appellation t’arrache un frisson. Bien sûr que Maxine sait, elle aussi. Tout le système doit être au courant. Ça t’arrache un rire jaune, nerveux à l’idée qu’ils puissent s’en servir pour te faire chanter et inverser vos rôles. « Ne dites pas ça tout haut. Blair n’aurait jamais dû savoir ce que je suis réellement, ni vous ni aucun autre membre de votre système. » Tu soupires. « Pour Clara Nocte, je suis la Seconde Grande Inquisitrice, pas le maître espion. »

Tu finis par te glisser dans la pièce en faisant bien attention à rester dos à elle pour ne pas la gêner le temps d’attraper des serviettes propres, assez grandes pour lui permettre de se couvrir convenablement. Déposant même du savon sur le bord de la baignoire, tu récupères le débardeur trempé pour l’essorer et le mettre à sécher sur le bord du balcon. Tu sais que Blair ne tardera pas, ul n’est jamais vraiment bien loin. Plus Maxine passera de temps avec toi, plus tu sais que la bête en eux enrage de ne pas pouvoir profiter de toi.

« C’est vrai qu’Eileen est malicieuse. Je dirais même vicieuse, elle ne m’aime pas peu importe les efforts que je fais. »

Tu te contentes de hausser les épaules pour accompagner tes dires. En entendant quelqu’un à la porte tu te presses d’ouvrir pour réceptionner le repas commandé, remercier l’employé et tout poser sur la table basse à côté du désinfectant et des bandages préparés dans un coin. Piquant une première bouchée au passage, tu t’installes en tailleur en attendant que la dame ne sorte de l’eau.

« Ne vous pressez pas, mais le repas n’attend que vous et il sent drôlement bon ! »

Elle frotte, gratte, s'entaille même parfois à force de faire rougir la peau et de gratter sur les écailles déjà abîmées par les combats. La taille du corps n'aide sûrement pas à se détendre, Maxine a, de toute façon, une grande responsabilité sur les épaules. Elle serre les dents, obligée d'endurer tout le mal que tu as fait au corps pour le maintenir un minimum en forme pour qu'aucun d'entre vous ne cède à la prochaine épreuve.

Il lui faut un peu de temps pour retirer la crasse, nettoyer les blessures. Ses longs cheveux roux lui tombent de chaque côté des épaules tandis qu'elle se démène, gratte sous les griffes, passe une main sur son torse et s'assure que rien ne se cache sous la poitrine, dans le dos, puis enfin, elle termine le bain.

Maxine ne veut surtout pas se presser. Elle se concentre, cligne les yeux fortement ; ce repas est à elle, et à personne d'autre, et sûrement pas à toi. Elle râle un peu, s'essuie sommairement en insistant sur les blessures sans chercher à retirer les croûtes se formant petit à petit. Rien ne va, elle peste de plus belle.

« J'arrive. », sa voix semble légèrement différente. Mais elle est toujours aux commandes.

Elle se tord pour ressortir, les sabots claquant furieusement contre le sol. Ses cheveux n'ont même pas été tressés, elle se contente de souffler avant de regarder le repas. Quelque chose l'inquiète, tu es en train de revenir petit à petit. Elle sait que tu as repris conscience, mais qui sait quand tu chercheras à reprendre ton rôle ?

« La nourriture noctem n'est pas quelque chose dont on profite souvent. »

Qui sait donc si manger tout cela te permettra de revenir davantage ? La protectrice n'en a clairement pas envie, cependant, elle ne se sent plus aussi absente qu'avant. Ce n'est qu'un petit moment de répit avant que tu ne reviennes à la charge, lui permettant ainsi de commencer à manger sans plus attendre tout en pansant les blessures pour qu'il n'y ait plus rien d'exposé à l'air libre.

« J'ai remarqué les jouets et la nourriture pour oiseaux. Vous l'aimez, Eileen ? »

La concernée ne viendra pas. Elle le sait. L'oiseau de malheur ne doit cependant pas être loin, à l'affût de ton retour. Maxine, elle, s'acharne, fait tout vite et bien, et appréhende déjà le fait que tu veuilles te débarrasser des bandages et des compresses. Elle baisse les oreilles, contrariée, le plumeau balayant le sol dans un mouvement stressé.

« Lise… Sa présence ici n'annonce rien de bon. Ul a récemment fait reforger son arme. Vous êtes en danger. »

Tu attends qu’elle revienne pour s’installer, ton plat déjà bien entamé, en lui adressant un sourire empli d’une certaine tendresse à son égard. Tu ne veux pas la brusquer, et tu es prête à te montrer patiente pour qu’elle puisse se sentir à son aise. Tu n’as pas l’habitude de passer du temps avec Maxine, non pas qu’elle te fuit, mais Blair est lo seul avec lequel tu as eu, et a encore parfois une aventure. Et ce n’est pas comme si Munditia est facile d’accès pour eux.

« Profitez-en, j’ai demandé un repas spécial. Je digère mal la nourriture aldani. » Tu ris, un peu maladroitement, en terminant ton plat d’un geste un peu pressé pour pouvoir t’attaquer aux plaies parsemant son corps. T’approchant doucement, chaque geste méticuleux en attendant presque à chaque fois une autorisation de sa part, dans son regard, pour pouvoir la toucher ici et là.

Alors tu désinfectes, vérifiant l’état de certaines plaies pour ensuite les panser et les protéger. Secouant la tête à l’entente du nom du volatile tu ne peux que lâcher un soupir, aussi exaspéré qu'attristé en jetant un coup d’oeil à la fenêtre fermée. « Elle me déteste. J’essaie de faire amie amie avec elle, pour lui montrer que je ne suis pas mauvaise. » Mais ça ne fonctionne pas toujours, la nébuleuse est capricieuse, bien plus que son maître. « Les relations avec Blair sont compliquées. J’ai conscience qu’on est toxiques l’un envers l’autre, et j’appréhende un peu le jour où … Je vais essayer de m’émanciper de notre … relation ? » Encore un rire, qui cette fois noue ta gorge au fur et à mesure que tu te livres à la dame. « Si on peut appeler ça une relation. Je me suis fourrée dans une belle merde avec vous tous pas vrai ? » Ça en serait presque triste.

Tu sais que Blair n’acceptera pas facilement les changements que tu devras, un jour ou l’autre, forcer entre vous. Qu’ul refusera probablement la moindre de tes tentatives pour sortir de cette toxicité, reprendre ta vie personnelle en main, plus sainement. Continuant de panser les plaies, tu baisses ta garde, le regard un peu perdu dans le vide.

« De quelle arme parlez-vous ? Écoutez Maxine, je sais que Blair est brutal mais … Au pire ul jouera juste avec moi comme ul en a l’habitude et ul repartira comme si de rien était le lendemain. » Question d’habitude avec l’homme-bête, de toute façon. Qu’allait-il faire d’autre ? Te tuer ? Après il n’aura personne avec qui jouer.

Petit à petit, ses yeux se font moins brillants, plus fatigués. Elle a beau tenir bon, son rôle s'apprête à être rempli. Elle ne cesse de surveiller Lise du coin de l'œil, comme terrifiée de faire un geste brusque et de finir par lui embrocher un œil, ou les deux. Malgré la douleur, elle reste brave, concentrée, épuisée.

« Blair vous poursuivra quoi que vous fassiez. »

Sa voix se fait plus grave, une absence la gagne l'espace d'un instant. Elle soupire, elle semble vraiment contrariée. Tout ce qu'elle subit n'est pas simple à gérer, encore moins lorsqu'elle a beaucoup de choses à dire et bien trop peu de temps pour s'exprimer. Finalement, sa prise se resserre autour des produits. Dès qu'elle a fini, elle semble tout jeter un peu n'importe comment, pressée, frustrée et animée d'une animosité rare venant d'elle.

« Blair est le seul à avoir un problème avec vous ; vous ne nous avez pas tous rencontrés, et vous n'avez pas envie. »

Votre équilibre est, pour ne pas dire inexistant, très instable. Et plus le temps passe, plus le corps vit des aventures, plus vous vous fracturez davantage. Il n'y a pas de retour en arrière et Maxine craint de devoir accueillir davantage de fragments agressifs.

Au même moment, une nébuleuse semble avoir trouvé son chemin jusqu'ici sans s'être fait attraper. La chaleur du pays ne l'enchante pas, au contraire, mais la voilà posée au bord de la fenêtre. Discrète au début, Maxine relève une oreille et n'a pas besoin qu'elle commence à taper le verre du bec pour comprendre.

« Lise… »

Elle n'aura pas le temps de s'expliquer à propos de l'arme. Tu es de retour, et elle le sent. La sensation de cohabitation est extrêmement désagréable et elle se fige, les yeux rivés sur l'elfe. Le changement aurait pu être brutal, mais non ; tout se fait lentement, à mesure que Maxine semble repartir pour prendre soin des autres. Elle prend tout de même le temps de se rasseoir, cherchant à gagner du temps le temps que tu t'ancres de nouveau pour être le maître du corps.

❖ ❖ ❖

Tu siffles légèrement, les sourcils froncés. Ne pas être là, surtout aussi près de Lise, c'est comme une humiliation à tes yeux. Tu es furieux, la griffe tapant nerveusement contre la table, les yeux baissés vers les restes de nourriture. L'odeur qui en émane te fait saliver et tu ne tardes pas à venir engloutir ce qu'il reste sans en laisser une miette, même si le corps, lui, n'a pas vraiment faim. Tu en lèches les plats, ignorant simplement la seconde présence dans cette chambre le temps de finir ton repas.

« Ouvre à Eileen. Donne-lui à boire. »

L'autorité revient. Tu viens retirer les miettes de ton corps, la nébuleuse viendra probablement les ramasser une fois entrée. Tu sembles vraiment contrarié, les dents resserrées en te tournant enfin vers Lise que tu observes de la tête aux pieds.

« Pardon pour ce contretemps, mon petit maître-espion préféré. Je constate que tu as dû bien t'amuser pendant mon absence. »