Tu sais bien que Blair continuera de te poursuivre ; c’est plus fort que lui. Plus fort que tout. Tu aurais pu échapper un petit rire forcé pour espérer détendre l’atmosphère mais rien ne sort d’entre tes lèvres. Tu sens Maxine plus brusque, un peu perdue ? Tu fronces les sourcils, les yeux plissés pour te concentrer sur elle, sa silhouette, la moindre mimique, ou coup d’oeil qui pourrait laisser sous-entendre quelque chose. « Je me doute que je ne connais pas tout le monde … Tu es la seule que j’ai croisé avec Blair. » Et tu sais que Blair est le seul à avoir une dent contre toi, avec Maxine tout se passe bien, ou du moins assez bien pour qu’elle ne tente pas de te tuer à la moindre occasion.

Tu ne remarques même pas le switch, si tu jauges Maxine tu attends la suite, toute ouïe d’écouter ce qu’elle a à te dire. Tes yeux cherchent les siens, ta main ose même venir se poser sur son bras comme pour vérifier son état avant de te raidir au sifflement de la bête. Tu serres les dents en lâchant aussitôt ta prise pour te reculer et prendre tes distances.

La bête est de retour.

Le claquement de sa griffe résonne comme celui d’une horloge, comme si quelque chose allait arriver d’un moment à l’autre. Quelque chose de particulièrement … désagréable. Tu sens tes muscles se contracter, l’appréhension monter alors que son ordre t’arrache un rictus. Le bruit du bec de l’oiseau l’accompagne, pour te presser d’obéir sans rétorquer. Alors tu te redresses pour te diriger vers la fenêtre et ouvrir à la pie qui n’hésite pas un seul instant pour venir te pincer les doigts et prendre ses aises à l’intérieur de la chambre.

Un juron d’agacement t’échappe, ta main aussitôt retirée le temps de lui remplir un petit bol d’eau et la surveiller du coin de l’oeil. « Tu n’as rien à faire là, Blair. Je suis déjà bien gentille de m’être occupée de ton corps avec Maxine. Tu devrais me remercier. » Tu le dévisages, les bras croisés, sur la défensive à une distance assez raisonnable de lui. Si ton regard cherche brièvement ton arme du coin, posée dans le coin opposé de la pièce, tu le reportes vite sur la bête.

« Et je t’interdis de m’appeler ainsi, c’est bien clair ? »

Tu gardes un sourire vissé sur ton visage le temps d'analyser la situation et d'entièrement reprendre tes esprits. Maxine ne compte pas repartir sans te passer un savon, mais tu ne l'écoutes aucunement, bien trop occupé à observer l'elfe qui n'a rien à faire dans ce royaume. Tu l'as suivie pour une raison bien spécifique, et bien sûr, tu ne comptes rien lui dire jusqu'au dernier moment. Tu laisses simplement la pression monter, les sabots claquant furieusement contre le bois de la chambre, bercé par les cris incessants de la nébuleuse qui, après avoir picoré les restes, vient se placer près de toi en spectatrice.

« Tu n'as rien à faire là non plus, maître-espion. Qu'est-ce que tu vas faire dans ce quartier qui pue la démence, te faire une cure des bienfaits de la sainte sauveuse ? »

Un rire gras s'échappe alors que tu finis de te rhabiller en prenant tout le temps de boutonner et de lacer le vêtement qui emprisonne maintenant ta peau bandée. Tu cherches l'arme du regard, avant d'être attiré par le coup d'œil de l'elfe qui t'indique très gentiment où elle se trouve.

« Ah, merci. Je pensais que Maxine allait s'en débarrasser. »

Une fois récupérée, tu viens claquer la canne au rythme de tes pas, faisant mine de t'aider de celle-ci pour te déplacer. Ça pourrait être légitime au vu de ta taille et de tes muscles qui pouvaient potentiellement être distendus à cause d'une poussée de croissance soudaine, mais tu as eu de la chance sur ça, alors cette canne n'est qu'un artifice pour qu'on te pense plus faible et tordu. Tu joues un peu avec, t'arrêtant soudainement avant de taper en rythme contre le sol, les sabots bien ancrés en te redressant de toute la taille qu'on t'autorise à avoir.

« Ils sont petits, ces aldanis. Je ne peux pas montrer toute ma splendeur, même si tu la connais bien, Lise Eurelt. Tu essayes de fuir ton destin, petite elfe ? »

Un destin bien sombre, si on t'écoute. Tu gardes ce sourire terrifiant, le torse bombé, la tête penchée à défaut de pouvoir enfoncer les cornes dans le plafond. Tu commences sérieusement à t'impatienter, tu as déjà perdu assez de temps comme ça avec l'arrivée de la protectrice.

« Bien. Comment je te l'annonce, ma nouvelle ? » Tu portes un doigt sur ton menton, grattant doucement la peau sensible et fraîchement lavée. Dégoûtant. « Ah, j'ai une idée. J'ai un petit cadeau pour toi, Lise. J'ai longuement réfléchi, je pense qu'il serait temps qu'on immortalise notre union. Qu'est-ce que tu en penses ? »

Le rythme de la canne s'intensifie. Tu commences à perdre patience, la queue fouettant furieusement l'air derrière toi. Tu souffles avec force, les pupilles dilatées comme devant une proie qu'on s'apprête à dévorer.

Le claquement de la canne contre le sol te fait comprendre qu’ici, tu n’as plus les rênes en main. Les bras croisés, les ongles plantés dans la chair, tu essaies de te faire petite, minuscule, encore plus que d’habitude face à lui. Toi naturellement si forte, si imposante, face au monstre qu’est Blair tu n’es plus rien. Qu’une pauvre misérable qui sait pertinemment qu’elle ne peut rien contre lui. Ul a cette force, cette violence qui fait qu’il saura te mettre à mal avant que tu n’ais le temps de te jeter à l’autre bout de la pièce pour attraper ton fusil. Il te tranchera la gorge avant que tu ne puisses recharger ou il te brisera les jambes pour t’empêcher de lui échapper.

« Je traque la Serre d’Argent. Si tu sais quelque chose sur eux, je te serais gré de me le faire savoir. » Ta voix se veut ferme malgré la peur, le menton toujours relevé, les sourcils froncés, tu essaies de chasser la peur dans tes yeux. Tes muscles se tendent, tes jambes tiennent à peine debout alors que chaque seconde est une torture. Une agonie dans laquelle tu étouffes, sans réussir à reprendre ta respiration.

« Toi, t’unir avec moi ?! Oh ça y est, maintenant tu veux qu’on se remette en couple ? » Tu siffles, ton rire jaune en lui jetant un regard faussement dégouté. « Je te manque, c’est ça ? Tu m’as jeté comme si je n’étais rien, Blair Adler. Même si tu te mettais à genoux devant moi pour me supplier de t’épouser je refuserais. »
Tu te retiens de lui cracher aux pieds, le corps collé contre le mur fin. Tu es incapable de le fuir et tu sais que la moindre parole plus haute que l’autre le rendra un peu plus fou. Mais tu ne veux plus te plier à lui, à ses lubies, à ses volontés ou ses caprices. Blair a su te marquer et prendre une place vicieuse dans ton esprit. « Au mieux t’es un plan cul pour moi Blair. Je sais que je ne pourrais rien construire de sérieux avec toi, j’ai arrêté de me voiler la face. »

Tu veux rester digne, tes épaules rentrées se relevant timidement pour t’aider à bomber la poitrine et espérer lui passer à côté, dans l’espoir de te rapprocher discrètement de ton arme. « Tu ne me fais pas peur. Maintenant retourne te trouver une ou deux putes pour la nuit et laisse moi tranquille. J’ai du travail. »

D'un mouvement de tête, tu l'ignores. Tu te fiches bien de ses provocations. Tu restes bien droit, ferme et impassible ; tu as déjà prévu tout ce que tu comptes lui faire et elle ne semble pas réaliser ce qu'elle va subir dans les prochaines minutes.

« Je n'ai que faire de la Serre d'Argent. Tu devrais te focaliser sur ce qui se tient devant toi actuellement, avant que je ne perde patience. »

Et avant que tu ne l'attaques sans qu'elle ne s'en rende compte. Tu te contentes de l'écouter d'une oreille, le sourire aux lèvres, les yeux perçant tout ce qu'elle daigne te montrer sans que tu ne réagisses pour autant. Il te faut encore un petit temps avant que tu ne te décides enfin de faire un geste assez brusque, pour l'impressionner et tester ses réflexes.

« Si tu crois que je veux te prendre pour épouse, tu te mets le bras dans l'œil. Tu es au mieux une folle aux chalicots. Je vaux bien mieux qu'une traînée qui se pense intouchable avec son statut risible dans un pays risible. »

Et pourtant, tu es là. Tu veux l'humilier une fois de plus. Tu ne lui veux que du mal. Il n'y a aucune bienveillance dans cette relation avec elle, pas même une once d'attachement si on t'écoute. Tu gardes ton sourire vissé sur le visage, pris d'une pulsion soudaine pour lui fondre dessus et l'agripper par la gorge. La force dont tu fais preuve montre bien que tu ne comptes pas la faire danser, bien au contraire.

« Je ne serai pas long. Si Maxine n'était pas venue pour retarder la chose, je serais déjà reparti depuis longtemps. »

Dans un sifflement, tu viens la balancer ici et là. Tu veux la rendre plus confuse et qu'elle finisse sa course dans le lit pour la surplomber et laisser parler ton art macabre. Hors de question qu'elle se défende, qu'elle parvienne à te faire du mal et te faire fuir. Dans un élan de malveillance, tu viens lui cracher au visage le temps de prendre appui sur elle, l'arme bien serrée dans une de tes mains tandis que tu commences déjà à râler. Tes gestes sont rapides, secs, tu sembles habité par un orgueil gonflé à bloc qui te pousse à aller au bout de tes gestes.

« Je vais te faire du mal, Lise Eurelt. Tu ne vas pas m'oublier de sitôt, j'espère que tu as une équipe de médecins pas loin. »

Lentement, tu ramènes l'arme au bord du lit. Tu lui laisses le temps d'observer cette canne qui ne paie pas de mine, avant d'activer un mécanisme et de libérer les lames obliques. Puisque tu la tiens si proche de toi, tu n'as pas besoin d'en faire un réel fouet.

« Elle est belle, pas vrai ? Avec ça, je saurai toujours où tu te trouves. »

Tu pourrais encore lui tenir tête, répondre à ses nouvelles provocations, lui cracher dessus et le bousculer mais tu sais que Blair l’emportera dans ce genre de cas. Les injures fusent déjà, tu encaisses en serrant les dents. Tu te débats, tes ongles venant labourer sa chair dans l’espoir de lo faire lâcher. Tu titubes, suivant le moindre de ses gestes comme une poupée désarticulée, les jambes frêles sous sa violence avant de sentir le lit dur taper contre ton dos.

L’adrénaline ne cesse de monter, au fur et à mesure qu’il serre un peu plus sa prise sur ta gorge. Tu te débats, tes jambes cherchant à le repousser, le faucher, tout et n’importe quoi dans l’espoir de le repousser. Tu couines même, chaque geste confus, tes ongles se plantant un peu plus férocement dans son bras pour le forcer à lâcher prise.

Mais Blair sait prendre l'ascendant sur toi. Il sait comment te briser, te dompter. Il sait comment t’humilier et te rabaisser plus bas que terre. Il sait comment te faire du mal, secouer ton ego, à t’en faire craquer. Le crachat t’arrache un rictus dégoûté, tu jures mais tu finis par te calmer en sentant tout son poids sur toi. Si avec une arme tu pourrais avoir le dessus - suffisamment pour t’échapper de cette position de faiblesse, là il n’en est rien.

Tu es son jouet, la proie d’un prédateur bien décidé à te faire du mal.

« Pourquoi est-ce que tu fais ça ? »

Pourquoi te faire si mal ? Pourquoi te traquer de la sorte pour te faire souffrir ? Dans quel but ? Quel intérêt ? Toujours accrochée à son bras, tu essaies de chercher son regard, le tien toujours un peu ferme de dignité avant d’observer son arme. Tu ne comprends pas au début, avant de pâlir face aux lames obliques te faisant face. Un jappement s’échappe d’entre tes lèvres alors que tu tentes de le charmer, de lui insuffler ne serait-ce qu’un peu de pitié de ton regard suppliant.

« Blair Blair Blair stop ! Arrête ! Joue pas au con Blair ! Blair arrête tu vas le regretter ! S’il te plaît ! Tu me fais peur, dis moi plutôt ce que tu veux ! »

Tu te débats à nouveau, tes poings frappant son bras, tes jambes cherchant à prendre appui sur ses cuisses, mais tu ne fais que t’épuiser davantage, la respiration de plus en plus courte. Tu sens même les larmes te monter aux yeux, sous la peur.

« Merde … Fais pas n’importe quoi … MAXINE ARRÊTE LE ! »

La colère se lit dans tes yeux, mêlée d'une pointe de folie qui t'anime en cet instant. L'obsession que tu as pour cette elfe te rend erratique, bien plus mauvais que tu ne peux réellement l'être lorsque rien ne vient te trigger. Si tu sembles vouloir lui faire croire que tu veux juste t'amuser avec elle en glissant une main sous ses vêtements malgré l'arme qui la menace, tu as déjà les idées bien claires sur la suite des événements.

Tes caresses n'ont aucune volonté de la calmer ou de l'exciter. Tu profites juste de la douceur de sa peau avant que tu ne viennes commettre l'irréparable qui risque de lui faire bien plus que du mal physiquement ; c'est un acte que tu as prémédité, révisé des milliers de fois dans ta tête en imaginant tous les scénarios possibles, des pires aux plus faciles pour toi. Tu mets donc tout ton poids sur son pauvre corps, quand bien même tu sais qu'elle pourrait lutter un moment avec toi, tu veux qu'elle comprenne que chaque tentative de t'échapper risque d'aggraver son cas.

« Je ne peux pas te sortir de ma tête, Lise Eurelt. Et je veux te remercier d'être toujours disponible pour moi. »

Une trace de ton ego qui ne semble très clairement pas en voie de s'essouffler.

Rien n'y fait, le charme ne semble pas vraiment fonctionner, bien au contraire. Tu souffles furieusement des naseaux, les oreilles basses en lui montrant à quel point elle peut te rendre fou. La pitié que tu captes dans son regard te pousse à gonfler ton torse, plein d'orgueil et prêt à t'enfoncer davantage dans la damnation pour prouver à elle et à toi à quel point tu peux l'aimer.

« Ne l'appelle pas, elle doit s'occuper des autres. Ils n'aiment pas quand je suis avec eux, je leur fais peur. »

Une grimace se dessine sur ton visage en la sentant aussi violente et prête à tout pour s'en sortir. Il te faut un petit moment pour passer le cap, parce que tu n'aurais jamais imaginé être aussi près d'accomplir ce sombre dessein. Tu te délectes de chaque instant en soulevant l'arme légère et de belle facture, ton autre main venant s'écraser sur sa trachée pour la maintenir en place après avoir dégagé l'espace qu'il te faut.

« Ça ne sera pas long ma belle, j'ai tellement hâte que le monde entier soit au courant de notre relation. »

Voilà pourquoi on te considère comme un bourreau. Ta cruauté n'a rien à envier à ton ambition qui t'a mené jusque-là en ayant parfaitement connaissance des risques. Tu siffles entre tes dents difformes, aiguisées pour l'occasion avant que tu ne t'exécutes enfin en laissant les lames trancher la chair.

Tu as tout étudié, jusqu'au moindre millimètre, pour qu'elle en meure. Tu la connais assez bien, tu as adapté toutes tes connaissances à son corps pour lui laisser un magnifique souvenir sanguinolent. Si l'opération ne dure pas aussi longtemps que tu aimerais, à l'instant même où tu considères qu'elle gardera un souvenir de cette ultime rencontre, tu la relâches pour t'effondrer contre elle.

« Qu'est-ce que tu ne me fais pas faire Lise… Tout ça juste pour toi. Merci d'exister, je veux que tu te souviennes de moi toute ta vie pendant que, moi, je saurais toujours où tu te trouves. »

Tu les vois, ses chairs qui essayent maladroitement d'arrêter la boucherie. Une langue en doublon finit par passer là où tu risques le moins de l'infecter de toutes les horreurs qui traînent dans ta salive : ce serait dommage que la blessure s'infecte encore et encore jusqu'à laisser une cicatrice qui te dégoûterait de sa personne. Tu attends un petit moment, la joue contre elle à la recherche d'un regard, d'une attention de sa part.

« Tu as besoin d'aide, Lise ? Si tu es gentille, je peux te soigner… »

Ou elle peut simplement te repousser, user de l'adrénaline pour te chasser et s'en sortir d'elle-même avec les meilleurs médecins. Elle sait probablement que tu ne seras pas tendre avec les soins. Tu louches sur tes doigts enduits de sang, te délectant de son goût au fond de ton palais en attendant une réaction.

Les gestes sont brusques et les mots piquants. Tes jambes battent dans le vide, alors que lui, inquisiteur, te bloque toujours. Tu ne sais pas s’il est honnête ou s’il se joue de toi mais l’impact est là ; ça t’atteint, plus qu’il ne faudrait. Ça te rend folle, à t’en filer la gerbe entre affection et dégoût. Tu te sens étouffée sous son poids, malade et surtout terrifiée parce ce qu’il serait capable de faire. Tu l’appelles encore, d’une voix tremblante, la lèvre inférieure tressautant d’une peur qu’on ne te connaît peu.

Il n’y a que Blair, pour te connaître dans cet état.

Ta respiration s’accélère, ton coeur loupe un battement et telle une proie démunie, tu halètes en essayant encore de te débattre en prenant à nouveau appui sur ses cuisses de tes pieds dans l’espoir de trouver l’impulsion de te libérer. Tu serres les dents, la respiration difficile sous sa main ferme. « Tu … n’as pas besoin de faire ça pour qu’on soit ensemble ! É-écoute moi on peut discuter ! On-on-on-on peut se laisser une chance ! Bla- »

Tu n’as pas le temps de l’implorer à nouveau qu’un cri étouffé quitte ta bouche, passant tes lèvres alors que la douleur te cloue sur place. Ton souffle s’arrête, comme le temps l’espace d’un instant. Tu ne comprends pas ce qui est en train de se passer ; l’adrénaline prend le contrôle, l'instinct de survie aussi pour tenter d’affronter la folie coulant dans tes veines. Tes dents se serrent, tes yeux grands ouverts cherchant les siens, comme pour t’assurer qu’au fond …

… Il sait ce qu’il est en train de faire.

Tes chairs brûlent, l’air chaud souterrain piquant la plaie alors que tu serres les dents pour retenir tes plaintes et ne pas alerter les alentours ou exciter un peu plus la bête se tenant au-dessus de toi. Le sang l’attire, le rend fou, tes cris et ta peur aussi tu ne le sait que trop bien. Ta poitrine se soulève frénétiquement, les yeux embrumés de larmes douloureuses alors que tu encaisses ses mots qui te font fondre et presque culpabiliser. Toi qui est si forte habituellement … comment as-tu pu tomber si bas ? Comment peux-tu venir passer tes mains dans ses cheveux, comme pour t’accrocher à quelque chose, n’importe quoi pour ne pas te laisser aller dans l’inconscience.

Le contact vif de sa langue te permet de rester consciente, alors que de tes doigts tremblants tu essaies de te rendre compte de la violence de la blessure. Plus tu descends, plus tu paniques, déboussolée, et incapable de réaliser la gravité de l’instant. Ton corps te hurle de le repousser, de le fuir, trouver de l’aide pour t’en sortir mais ton esprit, lui, t’ordonne de rester à ses côtés. Il est ton interdit, ton échappatoire, le seul à être revenu qu’importe tes secrets, un fantasme inavoué, qui te rend malade.

Alors tu t’accroches, la voix tremblante, faible. Tes doigts ensanglantés cherchant son chemisier, puis tes lèvres entrouvertes cherchent les siennes comme pour te persuader qu’il est encore là, à tes côtés.

« Je ne veux pas mourir … S’il te plaît … Pas maintenant …. Pas comme ça. Ne me laisse pas … » Tu essaies de rester digne, mais tu finis par craquer ; la peur prend le dessus et tu éclates en sanglots en cherchant désespérément son contact. « Pourquoi … alors que je-je suis déjà à toi. C’est toi … C’EST TOI QUI PART A CHAQUE FOIS ! NE ME LAISSE PAS DANS CET ÉTAT BLAIR ! Fais quelque chose … N’importe quoi … »

Tout, tant qu’il ne te laisse pas agoniser.

Rien ne calmera ton petit coup de folie accompli; tu te sens enfin vivant, ravi d'avoir pu marquer quelqu'un d'aussi important pour de nombreuses années si la blessure n'est pas assez bien guérie. Tu as cette sensation de tout contrôler, le fouet redevenant une canne dans un bruit sourd contre le sol. Tu la gardes à portée, mais maintenant, tu veux profiter d'un petit moment privilégié avec elle.

Personne pour vous emmerder.
Parce que tu as laissé trop de travail à faire aux autres, dans l'inner world.

« Tu ne veux pas mourir ? Et pourquoi pas, Lise Eurelt ? La mort te va bien, elle te suit en permanence… Il serait temps qu'elle t'atteigne. »

Après autant de souffrances, tu te permets un peu d'affection. Pas grand-chose, juste assez pour qu'elle reste sous ton emprise. Tu mets un long moment avant de te décider de la soigner, la laissant sangloter et agoniser un petit moment, te supplier de te soigner. Tu roules les yeux, le troisième installé sur ton front ne cessant de la fixer d'un air inquisiteur. Qui sait ce qu'il peut y voir, analyser, dans tous les cas, tu finis par l'abandonner pour aller chercher de quoi la faire survivre.

« Tu ne dois pas bouger, sinon je ne pourrai pas réparer mon art. »

Et pour ça, quoi de mieux que de la maintenir immobile ? Qu'importe que ce soit peu humain, humiliant, tu veux rentrer dans sa tête, laisser des traces indélébiles de ton passage. Peut-être qu'elle finira par s'assagir, tu n'en sais rien, tu ne seras pas là pour voir son évolution. Tu te contentes de grogner, immobilisant ses poignets, ses chevilles. Puis tu te mets au travail, minutieux malgré la fatigue qui semble gagner tes yeux. Tu les clignes à plusieurs reprises, dissociant de temps en temps, tu reviens t'ancrer en finissant le soin. Il lui faudra probablement un médecin, un vrai qui saura s'occuper d'elle dès que tu disparaîtras avec Eileen.

« C'est bon, fini de pleurer. Tu vas appeler les secours et je vais devoir partir, tu le sais, ça ? »

Tu veux rejeter la faute sur elle. Tu veux qu'elle regrette tout ce qu'elle t'a fait (ou pas fait), qu'elle ne t'oublie pas et que tu continues d'exister à travers cette blessure particulière, ton arme teintée de son sang. Elle ne l'oubliera pas, et tu sauras toujours la traquer où qu'elle soit.

« Maintenant, tu ne pourras plus te cacher. Eileen et moi, on sait où tu vas te planquer. Quel comble pour un maître-espion… »

Peut-être qu'au fond, mourir sera moins douloureux ? Peut-être que tu arrêteras d'entendre ton coeur battre aussi bruyamment alors qu'il daigne t'offrir un peu de tendresse à laquelle tu t'accroches désespérément ? Tu cherches ses lèvres sans jamais cesser de te plaindre de cette douleur paralysant ton corps.

Tu perds pied quelque secondes, la vue floue, les yeux clos par l'épuisement avant que l'air chaud brûlant la chair à vif te ramène à la dure réalité. La bête a quitté tes lèvres, t'abandonnant bien trop longtemps pour te laisser l'appeler, le supplier et encore te plaindre. Tu ne sais pas s'il fait ça pour t'humilier un peu plus, te forcer à finir plus bas que terre, dépendante de lui. Forcément qu'il jubile, alors que chaque supplication se veut de plus en plus pressante dans l'espoir de le retrouver à tes côtés malgré la douleur qu'il peut t'infliger.

Tu perds la tête Lise.
La démence risque d'avoir ta peau dans cet état.

Tu ne réponds même pas aux liens immobilisant ton corps, bien trop faible pour lui tenir tête ; tu n'es qu'une poupée dans cet état, un pantin agonisant et usant de ses quelques forces pour survivre. Tu serres les dents, les larmes coulant le long de tes joues sans que tu ne puisses rien faire contre.

« Pourquoi est-ce que tu as fais ça ... »

Un soupir, à peine audible, alors que tu te contentes d'observer le plafond, la vue trouble. Tu perçois à peine sa silhouette, floue, travaillant à réparer et amoindrir les dégâts qu'il a lui-même causés. Et si tu ne peux plus te mouvoir correctement, que deviendras-tu ? Seras-tu en mesure de servir la royauté ? De continuer ton activité ? Devras-tu cacher à vie ta peau pour dissimuler aux yeux du monde cette marque de votre amour toxique ?

Il sait très bien où sont tes limites.
Blair ne te connaît que trop bien.
Tes qualités et tes défauts, tes forces et tes faiblesses, le point de non retour qu'il s'amuse à frôler sans jamais le dépasser. L'espérance, l'optimisme qu'il écrase pour mieux le reconstruire à chaque fois.

« Détache moi et appelle un médecin Blair ... s'il te plaît. Si je meurs maintenant ... tout ça n'aura servi à rien. » Tu sais que tu ne pourras pas rester consciente bien longtemps dans cet état. La tête tombant sur le côté, tu réagis de moins en moins, la mine tirée par la douleur en gesticulant un peu pour essayer de trouver une position confortable.

« S'il te plaît. »

Une étrange lueur peut se lire dans tes deux yeux organiques. Le troisième, lui, reste fixé sur la femme, inquisiteur ; il ne se referme jamais, toujours à l'affût pour t'informer d'un mouvement qui pourrait te mettre à mal. Heureusement que tu as l'ascendant, que tu ne la laisseras pas te troubler. Après avoir appuyé sur un petit bouton et fermement tapé l'arme contre le sol, elle revient en forme de canne, les lames suintant encore légèrement du sang frais.

« Pourquoi j'ai fait ça ? Tu me demandes vraiment pourquoi ? »

Entendre sa détresse, sentir le sang, tu souris, tu sens que tu perds pied rapidement. En un instant, tu pourras basculer, laisser place au véritable monstre qui t'a forgé pour faire de toi ce que tu es aujourd'hui. Tu le sens à tes côtés, logé au plus proche de ta conscience. Tu pourrais presque sentir une main sur la tienne, une sensation désagréable qui te ramène des années en arrière. Le troisième œil remue, détaille l'inconscience qui la guette tandis que tu étires un sourire carnassier et qui ne dit rien qui vaille.

« C'est quoi, "tout ça" ? »

Le ton de ta voix a changé. Moins animal, mais tout aussi caverneux, ce n'est plus Blair. C'est Ingis. Un tortionnaire qui apprécie ton travail. Il n'a plus ce semblant de douceur qu'on peut capter au fin fond de tes yeux ; c'est un sentiment qu'il ne connaît pas. Qu'il n'offrira pas à l'elfe, bien au contraire. Il passe une griffe contre la peau collante de l'elfe, une grimace mêlée à son sourire. Le bout de l'ongle s'enfonce doucement, griffe, lui laisse une énième trace avant qu'il ne reprenne toutes ses affaires avant de siffler la nébuleuse.

« On se reverra peut-être. Ul a fait du bon travail. »

Exactement ce qu'il a voulu faire de toi par le passé. Il ne prend même pas la peine d'être discret, sortant tout de même par là où tu es rentré, sifflant un médecin pour qu'on vienne aider le maître-espion qui mériterait plutôt de mourir dans son propre royaume… Et toujours de ta main, évidemment.

Le timbre de sa voix a changé, bien plus rauque et menaçante. Tu n’oses même pas relever le regard vers lui, ton coeur loupant un battement alors qu’en un soupir tu sens ta vie défiler devant tes yeux. Tes lèvres s'entrouvrent, louchent sur la lame encore sale de ton propre sang alors que l’adrénaline s’enfuit à toutes jambes, t’abandonnant face à la triste réalité que tu refuses d’accepter.

Tu ne veux pas mourir ici.

Alors tu puisses dans tes forces pour relever la tête et planter l’azur de tes yeux dans les siens. Blair a cette affection qu’il n’a pas. Tu essaies d’être digne, d’être plus forte malgré ton visage défiguré par la douleur ; ta griffe labourant ta chair accable un peu plus ton esprit, tes doigts s’accrochent, déchirent les draps poisseux de transpiration et de sang dans un cri de douleur insoutenable.

« Va te faire foutre, fils de pute. »

Une injure, pour espérer calmer la douleur. Un aboiement plutôt, tant rien d’humain ne sort du plus profond de ta gorge. Tu agonises, beuglant de rage et de frustration devant ta faiblesse, tu veux l’appeler, le provoquer, l’accabler pour avoir chassé ton bourreau et pris sa place. Alors dans un dernier élan de colère, tu essaies de te relever, poussant un peu plus ton corps qui s’écroule misérablement au sol dans un fracas lourd. Un nouveau râle de douleur, alors qu’on s’active dans ta chambre au fur et à mesure de tes yeux se voilent de noir.

Bien sûr, que tu le reverras.