Si elle n’a pas voulu originellement le blesser, ses armes acérées l’ont fait malgré elle, mais elle n’est plus vraiment en mesure de contrôler ce que l’émissaire fait. C’est son instinct de survie, sa tristesse et sa colère qui parlent pour elle.

L’aigle a su profiter de la bourrasque offerte par le sicaire, s’écartant prestement de la scène sanglante, tentant de gagner un maximum d’altitude et de vitesse, mais l’air est lourd et le vent trop absent pour lui permettre de s’écarter suffisamment. Probablement à cause de la présence du mage qui use des éléments pour se battre. Oui, elle a encore de l'espoir c’est pour cela qu’elle n’abandonne pas, l’espoir que les choses reviennent à la normale, de s’échapper de ce mauvais rêve.

L’oiseau glatit une fois attrapé, piaillant d’une façon désagréable, ne semblant pas réellement s’attendre à un tel revirement de situation, il faut dire qu’elle n’avait pas respecté une des règles tacites d’un affrontement : ne pas perdre de vue son adversaire. Mais elle ne lâche pas l’affaire pour autant, ne cessant de se débattre contre cet adversaire bien trop fort pour elle, de nouveau menaçante avec son bec à défaut de pouvoir l’être avec ses serres, voulant lui faire lâcher sa prise, le message fermement serré dans sa patte. Perdant quelques plumes brunes et d’autres dorées dans la manœuvre.

Farah finit par ne plus bouger du tout, autant résignée que épuisée, sa poitrine se soulevant par accoups au rythme de sa respiration et son cœur battant à tout rompre, presque audible. Son bec s’ouvre et se referme, haletant. Et si l’émissaire ne peut pas répondre, il n’en pense pas moins, ses pensées s’éveillent de nouveau maintenant que cette course poursuite est terminée. Elle n’avait pas su réagir à temps, et elle méritait largement le poids de la culpabilité.

Ne pouvant rien faire d'autre, le malheureux oiseau se laisse pendre par les pattes, comme un gibier de basse espèce. Il aurait été difficile de faire autrement, son sang retombant lourdement dans sa tête. Elle écoute mais sans savoir si elle peut réellement en comprendre le sens, rapidement rappelée à la réalité par une secousse brusque.

Lorsqu’il la libère, elle vient s’écraser mollement sur la table et de manière au moins aussi lamentable que le peu qu’elle a pu accomplir précédemment, il lui faut un certain temps pour se remettre sur pied, avant de s’écarter d’un claquement d’ailes mou, à peine de quoi s’écarter d’un petit mètre. Et les mots de l’élémentaire l’atteignent, et même s’il n’aurait pas parler, elle aurait repris forme humaine et c’est donc ce qu'elle fait, assise sur ses talons dans le sable chaud presque brûlant, les larmes aux yeux et ses ailes trop grandes pour elle étalées au sol, le message toujours précieusement gardé dans sa main, même si elle comprend que le ton n’est plus aussi cordial qu'auparavant.

Farah comprend, elle comprend que ce n’est plus la peine de lutter, elle est épuisée, désabusée, et plus réellement connectée à ce qu’il se passe, elle veut juste que ça s’arrête. Elle se sent impuissante et même en allant au-delà de ses capacités ça n’a servi à rien. C’est injuste, ça l’est tout autant de ne pas pouvoir lutter plus farouchement, de ne pas pouvoir assumer ce qui révolte son cœur.

Elle ne veut pas lui parler, elle ne veut pas de son précieux conseil, elle a déjà tant de personnes pour la conseiller, les conseils d’un assassin, elle n’en veut pas. Et c’est un regard bien sombre qui se lève vers lui en guise de réponse.