Lentement, une idée s’impose à l’esprit de Calignis. Il n’a jamais fondamentalement songé à tuer “pour de vrai” des gens. Il n’a aucune expérience là-dedans, mais quand Lise décrit ce parfait inconnu qui joue avec elle, l’idée lui traverse sérieusement l’esprit. Sauf que la personne qui attraperait pelle et chaux pour l’aider à dissimuler un cadavre est actuellement dans la pièce avec lui… Parce qu’à part imaginer une réponse violente, il se sent absolument démuni face à la détresse de sa meilleure amie. Alors il peut faire le pitre, faire semblant, comme pour chasser le funeste pressentiment qu’un jour, tout ça aura raison de Lise, et qu’il perdra une des personnes les plus importantes pour lui.

Et ça marche, il réussit à chasser le sentiment, à faire rougir la seconde grande inquisitrice. Son regard s’illumine d’un rire qu’il ne contient pas vraiment, sa main se glisse devant sa bouche pour empêcher de voir le mélange de rire et de bouffe que la réaction de Lise fait naître. Le temps d’avaler au moins.

“Tu saaaiiis que si tu dis ça je le visualise parfaitement !! Si tu veux je peux te prêter, j’ai une chemise absolument in-cen-d…”

Au geste autoritaire pourtant, il se tait ; son regard reste joueur, mais il lui offre un semblant de respect hiérarchique. Semblant, uniquement. Parce qu’à sa manière d’acquiescer, un peu lentement, exagérément, il est facile de voir qu’il ne prend pas vraiment ses arguments au sérieux. D’ailleurs, elle-même finit par évoquer une relation… Et, enfin, Calignis reprend son sérieux, réfléchissant brièvement.

“Je pense ? Vous vous entendez, malgré vos désaccords apparents. Vous avez des caractères assez différents, mais justement… Ne dit-on pas que les contraires s’attirent, tout ça ? Bon, on dit aussi “qui se ressemble s’assemble”, mais ça, c’est nous.”

Calignis n’est pas amoureux de Lise, mais il pourrait sans hésiter dire qu’il l’aime, sans l’aspect romantique.

“Après, tu pourrais trouver moins coincé et plus jeune, aussi, histoire de pas vivre limitée au missionnaire avec les chaussettes au lit à peine la lune argentée de nouveau.”

L’ingénieur tire la langue, encore, conscient qu’il fait preuve du plus grand des irrespects pour le pauvre Grand Inquisiteur.

Mais, surtout, il réalise qu’ils ont fini le vin, les chocolats… Il a un signe vers sa chambre, tout sourire encore une fois. La série “s’assurer que Lise se repose” n’est pas encore parfaitement terminée.

“Mais en attendant, j’te propose plutôt de te poser dans mon lit, et tu me diras quelle main tu préfères pour les massages de dos, après un comparatif ?”

Il remue même le bout de ses doigts, le métal et la chair contrastant dans l’apparence mais non les mouvements. Et si l’ingénieur a un regard pour la table, il finit par hausser les épaules. Aucun risque qu’Orion, son potoours, ne vienne piquer des chocolats, ils n’ont rien laissé.

“J’m’occuperai du débarrassage demain !”