Il est évident de dire qu'il n'avait jamais voulu la vexer suite à ces propos. Il le pensait naturellement et surtout de manière paradoxale puisqu'il était dans la même situation à quelques détails près. La différence majeure étant que lui avait fuit depuis bien longtemps. Ces phrases furent un réflex bienveillant qu'il avait adopté sur le moment sans brièvement réfléchir plus que cela, Ézéchiel avait quelque part surpris que Mélusine lui avoue ne pas avoir d'autres personnes à qui se confier. Analyste et physionomiste, il n'existe pas une dimension dans laquelle il serait passé à côté de la moue de son amie. Elle n'avait rien dit à ce sujet, mais ce silence valait bien plus que mille mots. Il n'avait pas encore sorti le mouchoir. Il vint caler sa main à l'arrière de la tête de Mélusine afin de la caresser, lui rendant la pareille sur ce qu'elle avait fait précédemment.


« Je suis ravis d'être ton seul ami sache-le ! C'est un privilège dont je pourrai me tarauder, et j'en suis d'autant plus sincèrement conscient et satisfait que généralement j'ai tendance à remarquer l'importance des choses lorsqu'elles ne sont plus là. » Pour cette raison, les absences prolongées entre leur(s) rencontre(s) en étaient certainement l'une des explications. « Et cette importance, c'est quelque chose que tes "proches" réaliseront trop tardivement. Voilà une raison de plus pour que tu t'en ailles. » Comme à son habitude, peut-être aurait-il tort. Mais il parlait avec confiance et certitude dans ses propos. C'était une manière plus digestive de suggérer que sa famille ne la méritait pas. Subjectivement, cela pouvait très clairement être une forme d'orgueil ou d'insolence de sa part, lui qui s'était éloigné de sa famille dans un cadre similaire, il n'y avait jamais songé faute de son humilité mais ils l'avaient chassé et étaient peut-être passé à côté de quelque chose de brillant. Ou du moins non pas une catastrophe. Si une partie de ces choses étaient avérées dans son subconscient, il était certain de la suivante : là où sa famille était tombé de Charybde en Scylla, sa vie fut l'exact opposé et les choses crûrent incessamment depuis. Il le savait et c'est pour ça qu'il incitait Mélusine à faire de même depuis le début de cette rencontre, battre de ses propres ailes.

Comme à son habitude il s'était exprimé de manière relativement concise, pragmatique et implicite. Il venait de lui tendre le mouchoir et alors qu'elle s'épongeait il vit dans son regard une forme d'errance, elle semblait perdue dans ses pensées, à la limite d'une forme d'anxiété.  « Donc si tu as un doute sur quoi que ce soit, n'hésite pas à m'en parler de même ! »

Elle voulut lui rendre le mouchoir, il lui précisa cependant : « Tu peux le garder si tu le souhaites ! » Puis il l'écouta attentivement quant à ses propres préoccupations au sujet de son automate. Elle lui donnait sa propre définition des sentiments et de comment départager les choses, mais évidemment il avait du mal à tout comprendre. Elle était digne de foi, aussi croirait-il ses paroles et s'en servirait de base. C'est pour cette raison qu'il se permit de rebondir dessus naturellement.

« Mh ... Si aimer c'est avoir envie que l'autre soit heureux, alors vous correspondez toutes les deux à cette définition. » Il parut songeur un instant. « Qu'importe la distance en plus ? Oui dans ce cas je confirme ce que je viens de dire. » Marquant une brève pause afin de penser à Domna, il renchérit.

« Ceci dit, je pense que j'aurais dû mal à la laisser partir. Le plus simple ce serait de lui en parler, ça risque d'être bizarre ... Mais c'est vrai aussi que c'est comme ma soeur quelque part, elle a été créée par ma mère et nous avons grandit ensemble, si elle m'a apprit beaucoup de chose, elle me précise souvent que j'en ai fait de même mais je préfère me montrer honnêtement modeste à cet égard. » Il lui en parlerait à son retour, cela l'avait décidé, il espérait que Domna comprendrait ? Il était d'ordinaire d'une confiance inflexible résultant de son intelligence et de son entêtement à toute épreuve mais lorsque les choses devaient graviter autour de sa personne alors une pincée de songe pouvait s'y faufiler. C'était le cas. Il ne le savait pas mais bien évidemment qu'elle comprendrait, l'automate serait prête à subir les pires souffrances pour sa personne, sans hésiter, et inversement.

« L'appeler "sœur", je n'y avais jamais songé mais ça a du sens ... » avait-il ajouté d'une voix plus basse, se parlant à lui-même mais restant entièrement audible à l'écoute de Mélusine. Il réhaussa le ton et le regard, venant la fixer, arborant un sourire. « Eh bien merci pour cela. Je lui en parlerait directement, ça paraît simple mais j'avais besoin que quelqu'un me le dise. »

Il n'avait d'ailleurs pas tout à fait prit en compte que Mélusine avait pu sonder ses doutes précédents. « C'étaient en partie ces doutes là, oui. Tes conseils sont précieux. Et décidemment, il faut vraiment que je voyage alors ... »

Elle avait, il le pense, répondu à ses interrogations. Venant attraper le verre qu'elle avait remplie précédemment pour lui, il sirota une brève gorgée en venant le porter à ses lèvres avant de le reposer auprès de la bouteille. Ne clôturant pas le sujet mais rebondissant sur la notion de voyage qu'elle avait employé, il s'adressa de nouveau à elle.

« En parlant de voyage, tu as une idée de ce avec quoi tu vas partir ? Qu'est-ce que tu auras pour te défendre ? » Une question à laquelle il attendait plusieurs réponses, ou tout du moins une rassurante, il ne l'apparaissait pas ni ne l'exprimait mais il se sentait concerné.

Il acquiesçait à ses dires, puis il était content de voir qu'elle prenait un minimum de précautions dans son entreprise semblable à un véritable plongeon dans l'inconnu. Il ne connaissait pas cette Aurelia au même titre qu'elle ne connaissait pas Domna, si elle était pour elle ce que son automate était pour lui, nul doute qu'elle saurait la protéger.

« Je reste convaincu qu'une arme ne serait-ce que discrète ne devrait pas être négligée mais ton avis semble être tranché, ainsi je le respecte. »

Voilà le moment où elle lui demande de la ramener chez-elle. Il était titillé par le "Ézou" mais il se contenta juste de pincer l'une de ses lèvres face à l'appellation. Elle lui avait toutefois offert une possibilité de se venger face à cette initiative de sa part. « Si cette maigre contribution a servi à renforcer ta motivation, j'essayerai de m'impliquer davantage les prochaines fois afin de voir les hauteurs que cela te permettra d'atteindre. » Bien que pratiquement impassible dans l'intonation, l'emploi volontaire de "essayerai" avait un but ironique, bien sûr qu'il ferait tout pour la motiver de nouveau.

« Malheureusement je ne peux pas trop utiliser ma magie sans quoi je risque d'en souffrir, mal de tête, saignement de nez, bref ... Et à priori il me reste tout juste de quoi prendre de l'avance de mon plein gré, j'aurais aimé mais ... navré ! »

Faisant un signe de la main face à elle en guise de salut, il disparut alors que Mélusine était entrain de se coiffer. Elle le chercha, moqueur, il s'était en réalité placé juste derrière elle dans son angle mort, attendant que celle-ci réalise de son plein gré. Il abordait un sourire narquois, fier de sa blague, ne pouvant même de se retenir d'échapper un léger rire. Attendant finalement que celle-ci ait finie de s'attacher les cheveux, il l'aida à ranger les quelques ustensiles qui furent utilisés. Puis, lorsqu'ils furent prêts, il l'invita à partager un contact physique avant de les téléporter tous les deux devant la cabane où ils étaient plus tôt. Il avait eu le temps de se reposer.

« Nous y voilà ! Ce fut un séjour qui m'aura fait le plus grand bien, chose que je ne pensais pas il y a quelques heures encore ... Merci Mélusine. » Ils auraient pu parlé pendant encore longtemps mais ils devaient tous les deux rentrer et vaquer à leurs occupations, et puis, il fallait bien garder de la matière pour les écrits et rencontres futures ...