A la moindre tentative de se défaire de ta prise tu la raffermit, ta poigne le serrant fermement, tes ongles prêts à se planter dans son derme pour le maîtriser avec toujours plus de force. Et si ta langue claque en l’entendant te tenir tête, tu ne le sermonnes pas plus que ça. Bien au contraire, tu te redresses légèrement, ton regard bleu planté dans le sien, dans un sérieux qu’on ne te connaît qu’au travail. Il connaît bien des choses sur ces Faust, trop pour n’être qu’un étranger. Un domestique ? « Ce Tiago est vraiment important pour toi. » Il ne partira pas tant que sa curiosité ne sera pas satisfaite, et tu sais d’avance que tu vas devoir te la jouer fine pour le faire craquer et le forcer à s’ouvrir à toi, quitte à l’user jusqu’au bout.

« Comment est-ce que tu sais tout ça ? » Ta voix se veut plus ferme, autoritaire. Tes ongles s’enfoncent dans la chair, laissent une trace contre son derme lorsque tu relâches ta prise pour venir croiser les bras sous ta poitrine, dans un soupir déjà exaspéré par la situation. « Je crois que tu ne te rends pas compte de la situation bonhomme. Ton nom à une importance dans cette histoire. Je t’ai pris la main dans le sac à fouiller dans les archives de l’inquisition, puis je te botte le cul. Prochaine étape, une fois que j’aurais obtenu ce que je veux, je t’embarque derrière les barreaux de la caserne pour des petites vacances histoire de te faire passer l’envie de recommencer. Sans ton nom je marque quoi sur mon rapport ? Le petit merdeux ? Le sale gosse ? Ou le chienchien des Faust ? »

Répondra-t-il à des provocations aussi puériles ? Est-il si tendu qu’il plongera à la moindre pique ? Si tu le jauges encore un moment, tu finis par déporter ton attention sur les rapports éparpillés. Tiago Faust, non ça ne te dit rien. Aucun avis de décès à son nom, sauf si son dossier n’a pas fini entre tes doigts. Et si tu ne peux être certaine de la véracité des propos tenus par le garçon, tu sais aussi que les Faust risquent d’avoir une petite visite, dans l’unique but de complaire sa curiosité.

Posant un doigt contre ses lèvres à force de l’entendre beugler de telles menaces tu claques à nouveau ta langue, pour l’inciter à se taire d’un léger rire moqueur. « Surveille ton langage bonhomme. Une petite gueule de céleste comme la tienne ne devrait pas prononcer de si vilaines menaces. » Tout pour l’humilier un peu plus, le rabaisser de tes moqueries alors que tes yeux se retrouvent à nouveau happés par quelque chose. Si sa prise sur tes chevilles n’a pas tant attiré ton attention que ça, la couleur de son derme a fini par tiquer, dans ton champ de vision. « Sauf si … tu n’es pas un céleste. » Attrapant son poignet d’une main, tu as tiré sur son bras pour le rapprocher en te fichant bien de le forcer à se retrouver dans une position désagréable et douloureuse. Tes ongles ont gratté la chair, tandis que ta voix, elle, se fait beaucoup plus assassine. « Va falloir me donner une très bonne explication si tu ne veux pas que je te troue le crâne. Que vient faire un sale maudit ici ? Les Faust oseraient blasphémer en élevant de la sale race dans leur rang ? Qui me dit que Tiago Faust n’en est pas un lui aussi et que tu essaies juste de sauver son petit cul. »

Nul doute, sa panique est bien réelle. Si ta prise se veut un peu plus ferme et sévère à chaque instant, pour l’inciter à parler, tu ne loupes pas un seul mot. Le regard rivé sur son bras, puis son visage se décomposant. Tout t’arrache un frisson de satisfaction et de supériorité, l’impression d’une victoire obtenue un peu trop facilement. Tes ongles se plantent fermement dans la chair avant que tu ne viennes le relâcher pour le laisser souffler.

« Tu vois quand tu veux. Comme quoi, tu peux être un bon garçon, Zeno. » Tu insistes sur son prénom, un petit sourire amusé au coin des lèvres pour garder le contrôle et continuer de le dominer de ta prestance. Tu pourrais ne pas le croire, continuer de le menacer pour lui faire cracher jusqu’au moindre petit élément qui t’est encore inconnu, mais sa sincérité t’a frappé de plein fouet, peut-être même plus qu’il ne le faudrait.

Mais hors de question de le montrer.

Tu finis par te redresser, l’enjambant pour aller récupérer les dossiers concernant les Faust. Ton arme rangée à ta ceinture, tu tries brièvement les quelques feuilles éparpillées pour vérifier quelques informations, celles qui pourraient être décisives dans ce que le garçon peut bien chercher.

« Je n’ai eu aucun rapport sur un dénommé Tiago Faust, le nom ne me dit rien. Je n’ai pas non plus reçu de rapport ou entendu le moindre fait étrange les concernant, que ce soit de la part de mon collègue ou d’un de mes hommes. » Tu agites le dossier dans un soupir, avant de le poser sur le bord d’un meuble. « C’est pas comme si je pouvais te filer quoi que ce soit de toute façon. » Tes talons claquent encore, le temps de revenir à sa hauteur et le ramasser en l’attrapant par ce bras aux airs corrompus. « Par contre je veux bien te croire sur le fait que tu n’es pas un corrompu. Bizarre certes, mais ta petite bouille de batard elfique t’aide pas mal à sauver ton petit cul. » Pour accompagner tes mots tu viens à nouveau empoigner sa mâchoire, d’un geste entre la taquinerie et l’humiliation.

« Tu vas me promettre d’être un gentil garçon ou je vais devoir te mettre les menottes ? Tu échappes peut-être à une mort froide mais t’es pas encore sorti d’affaire, faut juste me laisser le temps de trouver ta punition pour avoir osé te faufiler ici. »

« Les Faust n’ont aucunement besoin d’être au courant de ce qui a pu se passer ici. Aux dernières nouvelles, c’est encore moi qui décide des allers et venues de cette pièce. Et c’est aussi moi qui décide des rapports importants. »

Le bras chassé, tu t’es redressée, le poitrail bombé, le menton haut pour le surplomber de ta silhouette inquisitrice. Les bras dans le dos, les mains jointes, tu t’es contenté d’un petit haussement d’épaules pour répondre à sa colère dans l’espoir, qu’à force de vociférer ses injures, il finisse par le calmer. « Beaucoup trop pour que tu puisses tout lire sans devenir fou, Zeno. A te focaliser sur les Faust, tu oublies qu’ils ne sont qu’une poussière dans la décadence aristocratique de Clara Nocte. Tu comprendras, avec l’âge, qu’ils ne sont pas si différents des autres familles nobles qui peuplent nos belles rues. » Surtout lorsque cela concerne des bâtards, qu’ils aient du sang bleu ou non. Tu soutiens son regard, fermée, bien qu’attentive à sa détresse. Les sourcils froncés, tu finis par souffler du nez en détendant tes épaules.

« T’as tout du petit con, mais je dois bien avouer que ta détermination est impressionnante, au moins les Faust ne t’ont pas enlevé ça. » Pour qu’il ait aussi peur d’eux, tu t’imagines bien des horreurs ; mais tu chasses ces pensées du revers de la main pour attraper le garçon par la nuque, planter à nouveau tes ongles dans sa chair et le pousser vers la sortie. Tu récupères au passage le dossier posé sur le bureau pour le caler sous ton bras. « Tu as intérêt à te tenir tranquille c’est bien clair ? Si tu tentes quoi que ce soit, je m’occuperai personnellement de ton cas. » Tes lèvres sont venues susurrer ces menaces contre son oreille, d’un ton on ne peut plus provocateur avant de lui jeter un regard mesquin.

« Je me demande bien ce que je vais faire de toi. Et si je te laissais décider ? Je peux te confier au Grand Inquisiteur … qui saura s’occuper de ton cas en t’interrogeant. Je peux te mettre derrière les barreaux pour te faire passer l’envie de recommencer ou je peux te laisser une chance de me prouver ta détermination en t’invitant à me dire tout ce que tu as déjà pu trouver de ton côté dans mes bureaux. » Tu fais mine de réfléchir, en refermant un peu plus ta prise sur sa nuque en le forçant à avancer pour remonter dans les couloirs plus fréquentés.

« Il n’y a qu’une bonne réponse, choisis bien, chaton. »

« Après si t’aimes bien te faire enculer on peut toujours s’arranger.» Tu as haussé la voix, bien décidée à le malmener un peu plus sous les regards amusés et presque moqueurs des inquisiteurs se délectant du spectacle que vous aviez décidé de leur offrir. « Je te promet pas de te laisser repartir sans boiter par contre. »

Ta prise toujours ferme, tu le pousses à avancer jusqu’à tes bureaux, tes talons claquant d’un pas autoritaire en essayant de te remémorer les mots de l’homme. Les Faust étaient du genre à détruire les preuves qui pourraient les inculper ? Leur tirer les vers du nez allait être compliqué, la moindre erreur fera que tu - et lui aussi, perdra toute possibilité de leur mettre la main dessus. Arrivant devant la porte de ton bureau, tu lâches finalement l’hybride pour fouiller dans les poches de ton manteau pour sortir un trousseau de clefs. D’un sourire mesquin, tu viens tapoter le dossier contre la plaque, comme pour lui valider ton importance en ces lieux.

« Tu as lu ? Si tu fous le bordel il y aura personne au dessus de moi pour m’engueuler de t’avoir foutu une déculottée. »

Le récupérant par la nuque à peine la porte ouverte tu le jettes presque à l’intérieur, le suivant de près avant de refermer la porte, jeter le dossier sur ton bureau vide de toute information confidentielle - une habitude chez toi de fermer à clef toute information qu’on pourrait te dérober, et seul son trousseau de clefs, trop lourd, peut ouvrir les différents tiroirs de ton bureau. « Tu veux boire un truc ? Installe-toi. » Tu pourrais presque être plus calme, ton bras balayant la pièce, dont les sièges posés sur devant ton bureau ou les sofas et fauteuils habillant le reste de l’espace avec les dossiers d’archives, une commode et une bibliothèque. Retirant ton manteau pour le poser sur le dossier de ton siège, tu t’installes pour venir poser tes pieds sur le bois, croisés, et récupérer le précieux dossier.

« Bon, remettons les choses dans le bon ordre. Tu es de la deuxième branche des Faust, tu es parti depuis dix ans du manoir familial après t’être engueulé avec ce fameux Tiago, puis tu as appris sa disparition. Est-ce que tu sais s’il avait des relations … particulières ? Un avis sur la serre d’argent ? Les maudits ? Ou des types louches d’Iter Caedis qui auraient pu en vouloir à son cul ? Ou au contraire, un problème avec des nobles ? Ou directement avec les Faust en eux-même ? C’est une famille discrète, sans problèmes apparents. J’ai aucune information sur eux, aucun dossier compromettant, aucun acte de décès, aucun avis de recherche. Et je ne peux pas envoyer quelqu’un là-bas comme ça. Toi par contre, tu peux m’aider à faire le bord du puzzle. »

Tu lui jettes un regard, à la fois sérieux et sincère.

« C’est à prendre ou à laisser Zeno. Je vais pas tout te donner dans le bec, mais réfléchis bien, une occasion comme celle-ci ne se présentera pas deux fois. »

La moindre petite information est notée, soulignée ou entourée sur des feuilles vierges de toute note. Tu te contentes de hocher la tête, les pieds toujours en évidence sur la table ; parfois tu changes de papier, parfois tu insistes sur un mot, une phrase, un schéma, tu ne perds pas une goutte de ce qu’il daigne bien t’offrir en essayant de ne rien oublier. Dès que tu peux, tu ajoutes une note, quelque chose à vérifier, ou à approfondir. Si pour lui, il n’est pas possible que l’héritier ait fait une mauvaise rencontre tu n’es pas du même avis : Iter Caedis est un enfer, où les plus utopiques pourraient très bien se faire avoir sans même s’en rendre compte ; là-bas, tout le monde est monstrueux et la plus délicate des dames peut se transformer en l’avarice incarnée pour espérer s’élever d’un échafaudage ou deux.

« Tiago fait quoi dans la vie ? Le fait qu’il ait été envoyé au Barrage me pose un souci de base. Les évènements nous ont échappé, vu l’attaque orchestrée sur son Altesse, mais il n’est pas … logique que des elfes ne faisant pas partis de l’inquisition aient été envoyé là bas, que ce soit hors de l’attaque ou même pendant. » Mordillant le bouchon de ton stylo tu t’agaces déjà, obligée de chasser tes jambes de ton bureau pour te lever et faire les cent pas dans la pièce. « Le gosse s’est volatilisé si on t’écoute, c’est quand même grave. »

Quelque chose ne te plaît pas dans cette histoire. Si la considération que la famille Faust peut avoir pour l’homme dans la même pièce que toi a raisonné en toi sans que tu ne le montres, c’est toutes les cachotteries autour qui attirent ton attention. Tu n’aimes pas ça, et ne pas avoir assez d’éléments t’arrache un juron frustré. « Est-ce que tu sais s’ils sont en liaison avec une usine en particulier ? Ou s’ils ont un fournisseur particulier pour leurs automates ? Le nom d’anciens employés que je pourrais retrouver ? » D’un geste un peu brusque tu plaques sur feuille sur le bureau, juste en face de lui, et un stylo.

Tes talons continuent de claquer contre le parquet, pour accompagner le moindre de tes pas en reposant le dossier de ton côté du meuble le temps de t’attraper une cigarette que tu ne tardes pas à allumer. « Un nouveau bébé … C’est bon à savoir ça. » Une petite félicitation ne sera pas … de refus pour célébrer un tel évènement. Après tout, il serait impoli de ne pas féliciter la matrone d’une famille ayant activement participé à la grande purge. Sur un bout de papier à part tu te notes de te renseigner sur la date de l’accouchement : il te suffira d’envoyer quelqu’un de confiance - peut-être Malaval s’il est disponible, ou même y aller sur place pour essayer de les confronter dans une discrétion pompeuse.

« Et tu sais s’ils sont liés à d’autres familles ? Je n’ai jamais reçu le moindre carton d’invitation pour une soirée organisée dans leur domaine. Et pourtant, les quatorze savent très bien à quel point les hautes pointures de l’inquisition sont invitées. » Sinon, tu n’auras aucun mal à t’imposer chez eux, en mimant l’innocence et l’incompréhension. « Maintenant que je t’ai mis la main dessus, tu vas faire quoi ? Tenter de revenir ici tous les cinq du mois pour essayer de me piquer des informations ? Ou alors tu vas aller faire me mariole je ne sais trop où au péril de ta vie ? »

« S’ils préfèrent se présenter chez les autres alors ils n’oseront pas refuser l’invitation d’une famille plus prestigieuse que la leur. » Même si ça t'écorcherait la gueule de demander à ta soeur de trouver une excuse pour préparer une soirée ; la préparation est toujours un calvaire sans parler des invitations à prévoir et envoyer, une à une. Mais pour mettre la main sur des nobles un peu trop cachottiers tu es prête à tout. Une soirée de plus ou de moins, à supporter tes parents, ça ne va pas te tuer non plus.

Tu allais rétorquer quelque chose, mais le nom qu’il annonce te stoppe dans ta marche. Tu fronces les sourcils, la lèvre inférieure mordue en lui jetant un regard comme pour qu’il puisse te confirmer silencieusement ce qu’il a pu dire. « L’atelier Leo ou juste Calignis Leo ? Quand et pendant combien de temps ? » Tu jures, déjà agacée par la situation en tirant un autre bout de papier pour griffonner une note rapide en marmonnant dans ta barbe, ta cigarette pincée entre les lèvres. « Comme si j’avais que ça à foutre de prévoir des rendez-vous au dernier moment, il va m’entendre et plus fort qu’il ne le pense. »

Tu reportes finalement ton attention sur le jeune hybride, les sourcils froncés, les traits toujours tirés avant de te calmer petit à petit. Tu le jauges de la tête aux pieds, t’arrêtant sur son bras un moment le temps de l’écouter avant de planter ton regard dans le sien.

« Tout ce que tu vas réussir à faire c’est crever si tu continues comme ça. Ta colère et tes envies vengeresses vont te rendre aveugle, mais tu n’en as pas encore conscience. » Tu sais ce que la colère peut apporter, tu l’as déjà vu. « Et si tu meurs, les Faust gagneront. Ils auront un nouvel enfant, un héritier pur de tout élément perturbateur, ils prendront en puissance, pourront le ou la marier à une famille reconnue. »

Tu veux qu’il se rende compte du danger, et de sa stupidité. Déposant les notes sur la table, tu viens t’asseoir sur le bureau, en face de lui pour reposer tes pieds sur le fauteuil à côté du sien. « Tu essaies de donner l’impression d’être un animal féroce, mais tu n’es qu’un chien errant qui peine à mordre. Tu n’es pas stupide, mais tu t’efforces à le devenir par tes actes. » Culotté de lui dire ça, quand on sait que c’est ce qu’on te reproche à toi. « Arrête d’être sur la défensive en permanence, c’est ce qu’ils veulent. »