L'obscurité est omniprésente à Ananda. L'archidiacre s'y sent bien, dans son élément. Seul bémol, les damnés. Profondément raciste à leur égard, elle souhaiterait parfois leur disparition, s'ils ne constituaient pas une partie conséquentes de la puissance de la tour. A ce propos, de nouvelles "apparitions" sont venues tirer Liora hors de sa boucle de désintéressement sans fin. Le jour d'avant encore, elle reposait sur son lit, ivre pour noyer l'anxiété liée à son inaction constante.

Ses longs vêtements flottant dans son sillon, elles parcoure les rues d'Amsupolis. Elle porte une robe ample aux motifs nacrés de fleurs, tout aussi confortable qu'élégant. Avec cela, une cape de velours. Derrière elle, une garde du corps, discrète, qu'on ne soupçonnerait pas d'être du même groupe que Liora. Elle n'est pas friande de dangers, tout aussi frêle que dangereuse, il est naturel d'être protégée quand elle sort. Elle scrute quelques passants, ce n'est pas inhabituel, quand elle veut chercher une proie. Elle inspecte à vue d'oeil leur corruption, après tant d'années en tant qu'archidiacre, c'est un geste qui est dans sa nature même. Trop corrompu, trop compliqué. Comme quelqu'un hésitant sur sa prochaine lecture, elle hésite sur la prochaine cible de son lent poison, sa séduction pour la corrompre.  

Les personnes s'enchaînent, ceux qu'elle pourrait corrompre sont nombreux, de même pour les potentiels "repas". Ce qui est rare, c'est cette petite étincelle qu'elle cherche, de quoi la réveiller un instant hors de son acédie. Et elle cherche des êtres bien spécifiques. Les intriguantes seelies et unseelies. Sinon des elfes solaires. Dans son désespoir de trouver ces personnes, son regard d'un rouge corrompu se pose sur des ailes magnifiques. Celles d'une unseelie. Son attention se porte vers elle, elle semble si nuancée dans sa corruption, ou sa bénédiction. Sa silhouette lui plaît aussi, loin d'être sans classe. Aussi simplement que ça, elle se dirige vers cette inconnue, dans une des rues d'Amsupolis.

❝ Bonsoir. ❞

Une simple salutation de mise pour ne pas brusquer sa toute nouvelle interlocutrice. Bien plus de mise qu'elle s'en sert pour utiliser sa magie, de manière légère. Assez pour inciter la femme en face à ressentir un peu de son propre intérêt. Elle reprend.

❝ Auriez-vous du temps libre, pour faire connaissance ? ❞

Liora sait se montrer directe, quand elle le veut. L'abordant ainsi, elle espère évidemment une réponse positive, raison même de l'activation presque inconsciente de sa magie. Elle ne veut pas être rejetée, après s'être enfin fixée sur une "proie", dans l'attente de savoir si elle se laissera faire et finira comme réserve de force vitale, ou si elle ne fera pas que piquer l'intérêt de Liora pour plutôt s'ancrer dans son esprit avec persistance.

Derrière elle, plus personne, sa garde sait parfaitement quand elle doit disparaître pour simplement scruter la foule sans être au côté de l'archidiacre. Liora sourit à sa réponse, un sourire d'ange, réellement satisfaite que l'inconnue accepte d'être son interlocutrice. Surtout après sa manière impatiente de l'aborder. Dans d'autres situations, elle aurait été patiente, aurait attendu une bonne occasion, mais sa promenade aurait touché à sa fin avant. Elle écoute celle qui se présente comme Kaliene patiemment. Lorsque celle-ci tend sa main, Liora, pleine de manières, fait une légère révérence et offre un baise-main. Souriante, ses deux rubis scrutent la réaction de la dame à l'air presque serein.

Puis gracieusement, la marche reprend, elle entraîne avec elle l'unseelie, sans besoin de contact, la gestuelle suffit. Sa voix chante, dans une légère plaisanterie.

❝ Votre arrivée récente se voit aisément. Cette lune rouge qui semble nous scruter en permanence, il est normal que vous soyez perturbée. Vous pouvez m'appeler Liora. ❞

C'est une réaction normale qu'elle a par rapport au cycle jour-nuit du royaume, autant qu'à l'égard de la lune rouge. L'Anarkhia a appris à se détendre en la présence de cette lune, une lune qui n'est pas désagréable aux corrompus. Ses pas légers progressent dans la rue, tournant le dos à Kaliene. Il n'y a pas de meilleure manière de démontrer ses intentions pacifiques que par ces actions.

❝ Venez-vous d'arriver à Arathia ? ❞

Liora est parfaitement au fait de ce que disent les habitants des royaumes oubliés, bien que Kaliene soit sa première rencontre du genre, ses sous-fifres ont pu en rencontrer, et interroger, avant elle. Elle tente simplement d'établir une conversation, plutôt que de parler du beau temps, le sujet vient appuyer un point crucial de l'identité de son interlocutrice, pour montrer son intérêt envers elle.

Son pas se ralentit pour laisser la fée arriver à son niveau. Ainsi, leur marche prend une allure de balade. Elle scrute avec un certain désintéressement les réactions de la dame qu'elle a interrogé. Liora lui souffle "Cerah" quand elle entend son lieu d'arrivée. Puis elle se doit de la corriger légèrement, même si elle peut aisément remarquer que l'unseelie ne l'a pas mal pris.

❝ Vos ailes ne sont qu'un charme supplémentaire. Je vous aurais approchée même sans elles, Kaliene. ❞

Elle fait mine de regarder autour un instant, faisant un geste de la main, en saisissant presque celle de l'autre parti.

❝ Je pense que nous pourrions discuter comme cela longtemps, devrions-nous faire escale ? ❞

Dans une auberge, une taverne, ou n'importe où où elles pourront se détendre en étant assises. Liora n'est pas une grande marcheuse. Faisant presque fit de la réponse de Kaliene, elle se dirige doucement vers la grande porte d'un établissement à l'allure légèrement festive, mais pas rustre.

Puis vient le moment de répondre. La cour, oui, elle en a entendu parler. Tout autant que de la prétendue Reine qui se trouverait dans les sous-sols. Mais... Ses informations ne sont pas précises. Et... Il y a un élément bien plus important, Liora ne souhaite pas donner ces réponses, se doutant de perdre en valeur auprès de sa toute nouvelle "prise" après avoir perdu tous les éléments qui pourraient l'intéresser.

❝ Ce n'est pas important pour moi. Votre mémoire est une chose, votre personne en est une autre. Je pense que l'on peut dissocier les deux, non ? Quant à la Cour... Je n'ai malheureusement pas d'élément concluant à vous offrir. ❞

Un mensonge à mi-mot, elle a un seul élément, non vérifié.

❝ Parlez moi plutôt de la voie de la sérénité transcendée... Ce sujet m'intéresse. Bien entendu nous pouvons échanger, je tiens à vous donner autant que vous me donnerez. ❞

L'archidiacre jette un oeil au tenancier qui semble à quoi s'en tenir. Il semblerait que d'une manière ou d'une autre, ses goûts sont connus. Peut-être car elle a déjà "puni" celui-ci en sapant un peu de son énergie vitale pour lui avoir servi une boisson trop amère. Liora sait être aussi convaincante qu'elle peut être cruelle. En entendant la commande de Kaliene, elle lui assure, sensible à ce détail.

❝ Je vous invite. ❞

En effet, elle est celle qui a lancé l'initiative de s'arrêter ici, il est naturel qu'elle se montre chaleureuse et paie. Elle n'est pas non plus en difficulté financièrement. Contrairement à une dame tout juste arrivée il y a quelques semaines dans un royaume qui pratique le troc.

Elle écoute patiemment son invitée décrire sa pratique, presque religieuse. Le fait de se soustraire à son manichéisme l'intrigue. Elle qui est si souvent en proie à sa propre paresse. Cependant, avant qu'elle puisse trop y penser et en discuter, la fée l'interroge sur ses occupations. Une question épineuse.

❝ Je dirige un groupe de personnes. Pour diverses raisons, recherches en magie, politique... ❞

Excellente menteuse, elle n'intensifie pas la tromperie, bien consciente qu'elle n'a pas l'air d'une paysanne. Alors elle préfère révéler la vérité à mi-mot. C'est aussi un parti qu'elle prend quand elle entretient l'idée de profiter de son interlocutrice comme un peu plus qu'une proie. Elle apprécie garder des connaissances en vie, avec leur libre-arbitre, et leur révéler progressivement son statut. Ainsi pouvoir les inviter sans se soucier de quelques mensonges, elle peut presque voir l'éventualité de se confier, après quelques décennies.

❝ ... Vous n'appréciez pas votre manichéisme ? ❞

Liora a bien perçu la presque neutralité de la personne qui lui fait face malgré qu'elle soit corrompue. Alors elle prend le parti de croire que Kaliene pratique la voie de la sérénité pour cette raison, plutôt que pour simplement s'ouvrir au monde et mieux se comprendre. Elle porte son verre à ses lèvres, sirotant l'hydromel doux qu'on lui a apporté.

La Dame du repos écoute l'intéressante voyageuse, si spontanée dans ses interrogations et réflexions. Elle conte avoir dirigé un groupe, ou des disciples. Mais ses souvenirs semblent trop flous pour élaborer. Alors Liora laisse ce sujet couler pour l'instant, ne voulant pas trop appuyer sur ce manque de mémoire. D'ailleurs Kaliene semble changer de sujet d'elle-même. Et relance l'archidiacre sur ses domaines. Évidemment, c'est intriguant. Elle hoche la tête pour signifier qu'elle pourrait être considérée comme une noble du royaume. Toute noblesse originaire d'Ananda semble avoir disparu. Aujourd'hui, les Anarkhia peuvent être considérés comme la noblesse du royaume. Soumise aux volontés du Galatien, Liora partage officiellement au moins la souveraineté de la tour en tant qu'archidiacre. Plutôt que d'élaborer cette situation qui se montrerait tout aussi barbante qu'étrange pour son interlocutrice, elle signe. Si elles doivent faire plus ample connaissance, Liora avisera.

La fée en face d'elle semble surprise de sa question. Alors les doigts de l'ancienne elfe viennent jouer avec sa chevelure blanche pendant que Kaliene répond. Liora a volontairement été directe lors de sa question, quitte à dévoiler que la corruption se ressent quand on évolue assez dedans au quotidien.

❝ Je comprends. C'est passionnant... Un équilibre pour ne pas dépendre d'un des 14... ❞

Des quatorze divinités reconnues universellement, et de leur domaine. Liora se questionne sur leur existence dans les royaumes oubliés. Bien incapable de dire s'il s'agit d'un autre monde, de royaumes lointains à travers les mers, souterrains... Elle écoute patiemment Kaliene, logeant cette pensée dans un coin de son esprit.

La question tombe sur son propre manichéisme. Ce qui fait sonner un rire léger et sincère chez Liora. Elle imite sa partenaire et, comme si elle avait besoin de se relâcher un peu pour s'exprimer plus à ce sujet, elle boit entièrement le verre qui était à peine entamé. Elle pose ensuite la tête sur sa main, le regard penché.

❝ Il ne me convient pas. Si vous saviez à quel point ça peut être pénible. ❞

Elle a beau se plaindre, son ton n'est clairement pas celui d'une plainte. Liora s'amuse réellement dans cette conversation, que ce soit dû à l'alcool ou à sa compagne de beuverie. Sa voix se fait volontairement théâtrale alors qu'elle prononce ses mots, pour provoquer une douce ironie. Ses paroles n'en sont pas pour autant fausses. Elle souffre autant qu'elle fait souffrir les autres à cause de son acédie. Se sentant d'humeur à la révélation, si ce n'est une exhibition presque éhontée de sa nature, elle reprend la parole.

❝ J'aime votre point de vue. Je subis autant l'acédie depuis des siècles en étant incapable de garder quiconque à mes côtés que je profite du confort de la paresse. ❞

Le péché n'a rien d'un tabou pour Liora, si ce n'est la simple considération du point de vue des autres. Elle est adepte de nombreux péchés, n'étant partisane que de la patience en tant que vertu. Interrompue brièvement par la vue du tenancier qui passe, elle surprend son signe de tête qui demande s'il y aura une seconde tournée. Ce à quoi Liora répond pour elles deux, une réponse positive, son regard l'a percé un instant, comme pour avoir osé servir un breuvage de moindre goût à son invitée.

❝ Je ne vous trouve pas ridicule. Vous suivez votre voie. C'est respectable... ❞

Là où la voyageuse est visiblement gênée, Liora se dévoile à elle, confiante, et pleine d'éloges. Son regard cherche celui de Kaliene avec insistance. Elle attend sa réaction ou d'autres questions et sujets.

Elle lui sourit quand Kaliene reçoit son compliment. Liora ne saurait approuver et vivre en suivant les entraînements physiques qu'elle décrit. Quant aux exercices mentaux, bien que la considération soit digne d'intérêt, Liora ne s'y attache pas plus que nécessaire. Elle qui approche les autres dans l'intention de les corrompre, la voilà menée par son envie d'échapper à la lassitude et au commun vers une voie pour accepter ses péchés et devenir une meilleure personne. Elle est partagée. Comme on pourrait s'y attendre d'une anarkhia sur ce sujet. Et très favorable envers la sage voyageuse pour une archidiacre de la Tour, sensée être parmi les plus corrompus et érodés par le péché.

Si âgée... Son expression chaleureuse se change de manière neutre, un sourcil levé, dans un jeu d'expressions faciales. Ce n'est pas le seul reproche dont elle se voit frappée. Maintenant celui de sa solitude. Presque vexée, Liora jette un regard curieux.

Il est vrai que son âge est anormal. Trois siècles, c'est trop pour une elfe. A vrai dire, ses parents sont morts il y a bien longtemps, de même pour les connaissances qu'elle avait à Clara Nocte lors de sa génération. Nul doute qu'elle a vécu assez longtemps pour voir les petits-enfants de ses anciens amis. Assez pour avoir raté l'occasion de voir ses propres enfants grandir et vieillir. Le fait qu'elle n'en ai jamais eu n'est pas si mal, en considérant qu'elle les verrait crouler sous le poids des années.

Le peu de ressentiment lié à ces remarques qu'elle ressent s'envole quand elle observe la réalisation sincère de ses propos de la fée. La deuxième soeur lui offre un rire.

❝ Vous n'auriez jamais imaginé que je puisse n'avoir personne ? Dites m'en plus. ❞

Liora passe le sujet de son âge, révélateur de sa nature d'anarkhia. Elle ne s'en cache pas, fière d'être d'une race noble. Mais ce n'est pas la tournure qu'elle souhaite à leur conversation. Elle vient s'appuyer contre son siège, dans l'attente d'une réponse. La dame du repos flirte clairement avec celle qui lui fait face, voulant lui faire avouer les raisons de sa surprise. Orgueilleuse, elle est plus que consciente de ses qualités, ça ne l'empêche pas d'être avide de compliments, surtout de la bouche d'une fée qui s'embarrasse toute seule. Elle boit à nouveau, sentant sa conscience s'alléger et le rire se faire plus aisé.