A peine Zéi revenu, voilà que son compagnon d’infortune avait déjà de nouveau attiré l’attention. A croire qu’il aimait ça. Mais bon, cette fois, c’était bien moins dangereux. Puis si cela divertissait un peu des gosses des haut-quartiers dans cet environnement lugubre. Zéi eut un petit sourire en arrivant à la vue de cette scène. C’était bien connu, chez les pauvres, on savait s’amuser avec pas grand-chose. Tandis qu’en-bas, les nobles se lassaient très vite de leurs possessions, au point de jeter des objets encore largement utilisables.

Cela faisait plusieurs jours que le temps était suffisamment décent pour ne pas rendre les sorties dans les hauts-quartiers trop pénibles. Car ces derniers étaient impactés par les températures extrêmes de la surface. Donc pas étonnant que les pics d’activités soient au crépuscule et pendant une partie de la nuit. Lorsque les températures étaient plus clémentes. D’ailleurs, le milieu de journée était généralement un moment de sieste pour Zéi qui était alors cloitré dans son petit chez-lui.

Zéi devait également reconnaître qu’avoir une personne importante à ses côtés, n’avait pas que des désavantages. Si Wei lui disait qu’il n’aurait pas d’embrouilles dans le quartier noble, pourquoi pas. Il avait pris avec lui son sac qui ne le quittait jamais.

- Si tu le dis.

Sur le chemin, ils en profitèrent pour discuter autour de ce collier. Concernant, la théorie de Zéi, le directeur de l’Académie partagea sa vision des choses à l’homme-bête. Il soutenait que les deux évènements n’avaient rien à voir. Cela n’était pas dénué de sens pour le beathach. Sans doutes que cette affaire avec le mercenaire n’avait rien à voir. Concernant les rivaux, Zéi prit un air songeur.

- Il y a cet antiquaire qui a voulu me racheter mes trouvailles à un prix où c’était du vol, j’étais pas d’accord, mais il a fait venir une grosse brute qui bossait pour lui pour me faire peur, mais je suis parti… bon ok, avec sa bourse… Mais je lui avais laissé les objets ! Et aussi les propriétaires de mine, ils aiment pas des masses les chiffonniers comme moi, vu qu’on vend les matériaux moins cher en général aux artisans… Mais eux, je les vois mal engager un mercenaire juste pour chasser les chiffonniers. Pareil pour l’antiquaire, vu les compétences du mercenaire en question, je pense qu’il faut un certain prix pour l’engager. Cela ne peut-être qu’un noble…

En repensant à un noble, il eut un flash.

- Ah… Il y a bien un noble qui aurait toutes les raisons de me détester. C’est le propriétaire d’une mine justement. Je lui en veux parce qu’à cause de ses négligences, j’ai perdu des proches et on a jamais été dédommagés, pas d’excuses, ni rien. Et c’est vrai que régulièrement, j’écris sur les murs de sorte à lui rappeler sans cesse les morts et pourrir la réputation de ce porc... Et je pense qu’il doit pas apprécier. Et lui aurait largement les moyens d’engager le guépard… Même si je trouve ça quand-même un peu gros… Juste pour des grafitis…

Une certaine amertume et colère transparaissait dans les paroles de Zéi qui se stoppa.

- Désolé, si je m’emporte… Mais j’ai l’impression que jamais je n’obtiendrai justice pour mon père et mon frère… Les nobles s’en tirent toujours…

Concernant Clara Nocte, Zéi en avait entendu un peu parler quand il avait croisé à l’auberge, un beathach hippotrague noir, lui aussi mercenaire. Il lui avait bien dit de ne jamais aller là-bas, les hommes-bêtes y étaient maltraités et envoyé dans un endroit bien pire que les hauts-quartiers de Fang. Iter-Caedis, ou la Vallée des Meurtres. Et chaque année, on célébrait par une fête le fait d’avoir envoyé tous les hommes-bêtes dans ce mouroir.

- Ouais, j’ai entendu parler de Clara Nocte. Faut-être de sacrés enfoirés pour envoyer tous pleins de gens dans un endroit pourri comme l’Iter-Caedis où ils ont à peine de quoi survivre, juste parce qu’ils sont d’une race différente qui ne nous revient pas. Si ça ne tenait qu’à moi, ça serait plutôt aux responsables de ça, de croupir là-bas. Et je dis pas ça parce que je suis un homme-bête !

Mais Wei n’avait pas totalement exclus le fait que le mercenaire et la disparition de son élève soient liés à la même personne. Il promettait que le responsable ne s’en sortirait pas. Après Zéi supposait qu’il en avait largement le pouvoir. Et sans doutes que le directeur de l’académie serait bien plus écouté qu’un modeste chiffonnier.

- Oui, j’espère bien…

En arrivant dans le quartier noble, Zéi était bien plus le centre de l’attention étant donné qu’il passait cette-fois par la grande porte et non en se cachant comme à son habitude. Wei comptait en parler à la milice, et demanda à Zéi s’il voulait qu’il ne le mentionne pas.

- Ouais, je préfère que ça soit ainsi.

L’homme-bête se dirigea vers la demeure d’un noble et alla en direction de l’arrière-cour. Un humain au teint basané typique Malaqi était occupé à balayer. Ce dernier portait une tenue assez modeste, bien que soignée.

- Y a pas mieux que les domestiques pour connaître les vilains petits secrets des nobles ! Promettez moi de ne pas non plus l'impliquer quand vous irez voir la milice ! Et celui-ci n'est pas encore devenu fou à cause du gros cai... euh la Sainte-sauveuse...

L'homme-bête prit un air gêné, il avait osé critiqué le caillou sacré. Zéi interpella le Malaqi en espérant que Weiyan n'ait pas entendu, ou bien, oublie très vite cet écart.
- Salut Rachid, je te dérange pas ?
- Hey Zéi, que fais tu ici à cette heure-là ? Tu as de la chance que mon maître ne soit pas là !
- Il est pas souvent là ton maître !
- C’est l’avantage, quand il passe ses journées au bain public ou bien à des réceptions dans diverses autres demeures du quartier ! J’imagine que tu es pas là pour venir casser la croûte !
- Ouaip, c’est pour le directeur de l’Académie qui veut des infos au sujet d’une de ses élèves qui a disparu.

L’homme remarqua Weiyan et se montra surpris et confus.

- Euh désolé, je vous avais pas vu ? C’est un honneur pour moi de vous rencontrer ! Je ferais en sorte de vous aider au mieux !

Visiblement, Zéi n’était pas le seul à juger cela inacceptable. Il pouvait sentir une certaine colère de la part de Weiyan concernant ces injustices et cela semblait sincère. Peut-être que le directeur de l’Académie pourrait l’aider à obtenir justice. En tout cas, Zéi pourrait sans doutes lui demander cette faveur s’il l’aidait à retrouver les traces de son étudiante disparue. Cependant, il rappelait que les nobles avaient bien plus de pouvoirs et des contacts bien plus influents et puissant que n’importe quel roturier. Sans parler que Weiyan devait avoir des responsabilités. Et Zéi avait l’impression que ce gars les prenait au sérieux. La preuve, il remarquait les élèves qui disparaissait et dont ce n’était clairement pas habituel de leur part.

Une autre chose qui surprit Zéi, c’était à propos de la météorite. Visiblement, l’homme à côté de lui ne semblait pas non plus croire aux vertus qu’on conférait à ce maudit caillou. Pire, il était visiblement bien conscient que cette chose avait apporté plus de malheurs que de bien, notamment en rendant fous certains. Mais au moins, ce point aussi, il se sentait moins seul. Sans doutes que le fait d’être à l’Académie loin de l’influence néfaste de la météorite devait sans doutes pas mal aider.

Mais pour le moment, ils avaient bien d’autres chalicots à fouetter. Ils devaient trouver des informations au sujet de la disparition de l’étudiante. Et pour cela, c’était à Rachid de leur dire ce qu’il savait. Même si les chances qu’il sache quoique ce soit étaient minces. Et à la vue du collier, il indiqua que l’objet ne lui disait rien. Zéi s’en doutait, mais il avait une autre piste.

- Sinon, j’ai trouvé cet objet dans les ordures d’une demeure avec des statues de dragons assez imposantes à deux rues d’ici, tu connais le propriétaire de celle-ci ?

L’homme se gratta la barbe d’un air songeur.

- Mmmmhhhh… Je connais pas personnellement le noble en question, mais il m’est arrivé une fois de croiser quelqu’un qui travaillait pour lui, une femme qui a tout fait pour chercher à m’éviter. Et mon collègue avait croisé un autre domestique qui avait le même comportement. A croire qu’ils avaient peur de quelque chose … Ses serviteurs sont tous habillés du même kimono vert, donc difficiles à rater.

Zéi entendit un son de porte venant de l’avant de la demeure. Heureusement que Weiyan était présent au cas-où.

- Veuillez m’excuser, mon maître est de retour, je dois vous laisser, en espérant que ça vous a été utile ! Bonne journée et bon courage pour vos recherches !

L’homme s’empressa de refermer la porte pour retourner à ses activités.

- Bon, j’imagine qu’il va falloir approfondir autour de la maison en question. Et si les serviteurs ont peur, c’est sans doutes parce que leur employeur a quelques squelettes dans le placard et n’est pas blanc comme neige dans cette histoire…

Il était temps qu’ils partent pour en savoir d’avantage sur cette piste pour le coup prometteuse. Quelqu'un avait décidément quelque chose à cacher.

Les informations données par Rachid n’avaient rien de rassurant concernant le sort de l’étudiante. Mais ils semblaient approcher de la vérité. Puis Zéi espérait qu’aider cet homme influent serait un moyen d’avoir un allié pour l’aider dans son envie de revanche sur le propriétaire de la mine. Peut-être que Weiyan réussirait à faire tomber le potentiel bourreau de son élève. Il aurait sans doute le pouvoir pour. Contrairement à Zéi. Cela lui rappelait combien les gens comme lui n’étaient rien.

- Oui en espérant que vous trouviez les réponses à vos questions. Et que le type finisse par payer, ras-le-bol des nobles qui s’en tirent toujours…

Au moins, elle pourrait reposer en paix. Car à ce stade, les chances de la retrouver vivante étaient assez minces. En attendant, ils allaient devoir continuer, puis au moins, les informations données avaient réduit le champ des recherches à la demeure que Zéi avait visité le matin-même. Une fois dans la zone, le professeur lui proposa une idée de plan, comptant sur l’expérience de Zéi dans l’art de se faufiler et de trouver les points faibles des demeures de ce quartier. Apparemment, Weiyan ne venait pas beaucoup ici contrairement à ce que sa tenue ne laissait penser. Après, il avait des responsabilités et il les assumait. Au moins, il ne faisait pas preuve de négligence comme le propriétaire de la mine. Et surtout, il tentait au mieux de réparer les choses. Zéi avait encore du mal à croire qu’il était en train de penser du bien d’un riche, mais bon comme quoi, tout n’était pas perdu pour eux !

En tout cas, Weiyan était bien pratique pour faire diversion et servir de sentinelle tandis que Zéi était de retour, non pas pour fouiller les ordures, mais pour écouter aux portes. En effet, il avait bien vu un homme entrer, dont la tenue était plus élaborée et différait des serviteurs au kimono vert. Sans doutes le propriétaire des lieux. Raison de plus pour aller écouter aux portes. Avec son ouïe très fine, il espérait surprendre des bribes de conversation compromettantes. Et si on voulait l’attraper, bon courage ! Hormis un guépard ou Weiyan, aucun humain ne pourrait mettre la main dessus, à moins d’avoir des pouvoirs pour aller plus vite. Et Zéi en doutait concernant ces personnes.
Les oreilles de Zéi se mirent en alerte quand il entendit une voix masculine.

- Surtout ne dites rien, sinon vous savez ce qui peut vous arriver, un peu comme à cette jeune femme.
- Vous n’avez pas peur que quelqu’un la cherche ? C’est pas quelqu’un des hauts-quartiers dont tout le monde se fout !
- Tsss… Comment qui que ce soit pourrait remonter à moi. Puis les étudiants sont bien connus pour leur mode de vie à risques ! Au mieux, ça finira entre les mains de chiffonniers, perdu dans les hauts-quartiers, pour une fois, ils serviront à quelque chose cette bande de bons à rien !

Ce que Zéi entendait le révoltait et il était sûr que Wei aurait la même réaction. Mais malheureusement pour cet homme, le pendentif avait put être reconnu par quelqu’un qui recherchait l’étudiante disparue.

- C’est mal nous connaître sac à merde…

Zéi prit congé en se faufilant comme il savait si bien le faire. Il rejoignit Weiyan au point de rendez-vous afin de lui faire part de ce qu’il avait entendu. A sa mine sombre, les espoirs pour l’étudiante étaient faibles.

- Je suis désolé pour votre élève, de ce que j’ai entendu, il y a peu d’espoir…

Il était également révolté par les commentaires de ce noble au sujet des chiffonniers. Mais bon, à force, il était habitué.

- Mais à la manière dont-il en parlait, j’ai bien l’impression qu’il n’en était pas à son coup d’essai.

Au moins Weiyan aurait sans doutes bien plus de pouvoir pour faire passer le message. Les autorités l’écouteraient bien plus qu’un simple chiffonnier. Puis cette fois-ci, le type en question ne pouvait pas mettre la négligence comme excuse concernant ses actes.

- En tout cas, tu as toutes tes chances pour faire tomber cette ordure. En tout cas, bien plus que moi !

Cela serait un bon lot de consolation pour Zéi qui se délectait à la possible chute d’un noble. Même si pour cela, il avait fallut faire alliance avec un riche, mais Weiyan s'était montré plutôt sympathique et l'homme-bête devait le reconnaître.