Aodhán ne bouge pas, les mains jointes en laissant la Gardienne se reposer contre lui. Le regard perdu, loin dans le vide, le blond écoute les élus, un peu ailleurs, alors que la dame fulmine et peste encore, comme elle semble si bien le faire. Quelque chose se prépare, elle n’est pas la seule à le sentir ; il faut agir, et vite avant d’être pris de court.

Son regard se pose sur Humilité, bien trop nerveux pour être honnête. Elle n’apprécie pas, le garçon est trop étrange, trop perdu, pas assez honnête. Protège-t-il quelqu’un ? Quelque chose ? Oserait-il chasser sa vertu ? Se battre contre ? Aller à l’encontre du bien commun ? Elle ne sait pas, elle n’a de toute évidence pas encore le temps de se pencher maintenant dessus. « Humilité, si vous savez des choses, vous avez obligation de nous les conter ici et maintenant. Si nous ne sommes pas omniscients, l’Arbre Millénaire le sera pour nous. N’oubliez pas qu’en tant qu’Humilité, vous devez faire passer le bien commun avant vos intérêts personnels. »

Les propos de la diligence ont le don d’agacer la Gardienne, qui, se redressant, chasse d’une main ennuyée la remarque de la vertu ceranne, comme lui sommer d’arrêter de forcer un vieux disque rouillé.

« Cessez donc de parler d’Arvandor. Une de vos soeurs est morte, et vous, tout ce que vous êtes capable de faire, c’est tenter de vous mordre. Soyez dignes de vos rangs et montrez un minimum d’empathie envers les vôtres. Vos comportements sont tous déplorables, élus, sachez-le. » Son regard se pose sur un peu tout le monde. « Aucun d’entre vous n’a eu un mot pour Luxure. Que son âme repose en paix, au sein de l’Arbre Millénaire. » Le blond reste muet, le regard baissé alors que les talons de la dame claquent au sol. Elle entrouvre les lèvres, prête à répondre à la Patience avant qu’une secousse violente ne vienne la perturber. Se rattrapant à Aodhán, le choc est assez violent pour perturber tout le monde, les verres ignorés roulant au sol, la nourriture suivant le même chemin alors que certaines racines pourtant bien accrochées aux murs, se sont détachées.

Il n’aura suffi que d’une secousse, pour malmener les esprits.

« Quelque chose se passe dehors. Aodhán, mets tout le monde à l’abri ! » La Gardienne hausse le ton, alors que la panique s’installe vivement. « Aucun élu ne doit sortir d’ici, tant que nous n’en saurons pas plus sur la situation. »

Levant le bras en l’air, il lui suffit d’un claquement de doigts pour disparaître, abandonnant le blond au milieu de cette salle. Prenant les choses en main, il se racle la gorge, pour prendre la parole alors que le sol s’agite de nouveau, cette fois de manière bien plus contrôlée pour laisser un passage s’ouvrir, au centre du trou formé par la table de réunion. Les mains toujours jointes, son sourire éternel au visage, il s’écarte d’une courbette en vous invitant à obéir.

« Élus, je vais vous demander de bien vouloir me suivre. Comprenez bien que cette situation ne me plaît guère, mais vous êtes tous assignés à résidence jusqu’à nouvel ordre. » En un instant, toutes les portes vous offrant une autre sortie se verrouillent, vous enfermant définitivement aux côtés de l’homme au sourire bien trop bienveillant pour être innocent. « Ne vous en faites pas, le sous-sol est aménagé, vous ne manquerez de rien. »

De toute façon, vous n’aviez pas vraiment le choix.