Cela faisait plusieurs semaines que le reste de la tribu avait rejoint Tahar et Tseh. Désormais, ils parcouraient les plaines d’Arvandor. L’environnement était différent, mais il ne manquait pas de charme. Surtout, il était riche en ressources et pas autant en proies à des catastrophes météorologiques qui balayaient les terres d’Al’Malaq. Les chevaux avaient de largement de quoi paître avec ces grandes étendues à perte de vue. Grâce aux locaux, les Maxastyw avaient appris à distinguer les végétaux et champignons comestibles. Les paysans puisaient dans la nature en guise de complément à ce qui provenait de l’agriculture et l’élevage. Les plaines étaient également riches en gibier. Même si la tribu privilégiait la chasse au petit gibier étant donné qu’il y avait moins risques de gaspillage étant donné que la viande n’était pas une denrée se conservant longtemps même avec des méthodes fumage, séchage ou salage utilisés par la tribu.

Tahar était à la tête de son groupe. Tous étaient à cheval. Des membres de la tribu guidaient le troupeau et s’assuraient qu’aucune bête ne décide de s’éloigner de celui-ci. Certaines avaient d’ailleurs été assignées au transport du matériel, notamment des tentes. Les chiens tiraient également des travois chargés d’affaires plus légères. Ils allaient vers un nouveau lieu pour s’installer pour laisser les pâturages qu’ils venaient de quitter se régénérer.

Car le beathach était conscient qu’ils n’étaient pas les seuls à avoir besoin de ces derniers. Quelques cerfs prirent la fuite en voyant la tribu s’approcher. Des chèvres sauvages les observaient d’un air inquiet avant de reprendre leurs activités une fois le groupe passé. Des perdrix s’envolèrent un peu plus loin. Quelques lapins traversèrent la route à toute vitesse. Si les chevaux mangeaient tout, il n’y aurait rien pour les autres animaux dont les Maxastyw dépendaient. Ils accordaient une grande importance à l’équilibre de l’environnement autour d’eux.

Un peu plus loin, un berger et ses chiens surveillaient des moutons en train de paître. Ceux que la tribu appelaient les Sédentaires avaient également besoin des plaines pour nourrir leur bétail. Quelques membres de la tribu saluèrent le berger qui leur répondit d’un salut de la main.

Tahar décida enfin de stopper son cheval dans une zone où se trouvaient plusieurs buissons-forteresses et un grand arbre courbé par le vent. Celui-ci ferait de l’ombre et les autres seraient de bons abris supplémentaires. Pas très loin, les toits d’un village étaient visibles. Parfait pour faire du commerce ou chercher de l’aide si nécessaire. Tous mirent la main à la patte pour installer le campement. Le chef participait également. Les enfants se chargèrent de mettre les cerfs-volants qui allaient aider à ce que le campement soit visible des visiteurs. Ainsi, tout fut prêt quand le soit vint. Comme à chaque nouvelle installation, les Maxastyw organisaient une fête. On buvait, on jouait et on dansait au rythme des percussions. Les enfants écoutaient les histoires des anciens du clan. Tahar avait l’impression de se rapprocher de la vie de ses lointains ancêtres avant l’apparition des gangrènes.

Quand Tahar se réveilla, il était un peu plus tard que son heure de réveil habituelle, mais ça restait assez tôt. Le reste du village était déjà réveillé. Déjà, on peignait une fresque sur une paroi rocheuse du coin. Elle représentait des animaux locaux, ainsi que des créatures Malaqii. Il avait emmené Tseh avec lui pour continuer sa formation. Ce dernier avait gagné en assurance et en expérience. L’homme-bête était prêt à parier que dans quelques mois, il passerait les épreuves pour devenir guerrier. Mais malgré tout, il préférait encore laisser du temps au temps. L’humain se donnait à fond dans sa formation, et Tahar devait s’assurer que ça n’était pas juste un moyen de fuir ses blessures. Cependant, il sentait encore une certaine appréhension chez le jeune-homme de savoir qu’il allait devenir guerrier.

- Et si j’échoue ? ça risque pas de nuire à ta réputation ?
- Non, on est pas l’Académie militaire d’Al’Malaq. Et tu as déjà vu le reste du clan se moquer de moi à cause de ça ?! Tu as eu des difficultés, mais tu reviens de loin. Et tu peux être fier de tout ce chemin qui tu as accomplis. Certes, certains te regardaient de traviole parce que tu es humain, mais tu nous as prouvé que tu étais tout à fait digne. De toutes manières, les choses se feront dès que tu seras prêt.
- J’ai peur de ne jamais être prêt…
- Au pire si tu échoues, tu pourras recommencer. Et tu peux toujours apprendre d’un échec. Sans parler que c’est pas la première fois qu’un Maxastyw échoue aux épreuves de guerrier au premier essai.

Tahar senti son cheval nerveux alors qu’ils arrivaient proches d’une rivière. En voyant ce qui se trouvait devant-eux, ils comprirent pourquoi. Un troupeau de chevreuils décimés, laissés à l’abandon tels des jouets cassés. Au vu des blessures infligées aux bêtes, ce n’était pas le résultat d’humains. Un animal tuant sans raisons, c’était anormal. Même les chiens errants ne s’abaissaient pas à cela. C’était quelques chose de mauvais. Tahar et Tseh continuèrent prudemment. Un peu plus loin, un puma s’éloignait avant de s’arrêter. La bête n’avait plus de poils sur plusieurs parties du corps. Ce dernier était recouvert de cicatrices. Les grognements de l’animal trahissaient une grande souffrance. Le félin se retourna fixant les deux cavaliers avec un regard vide avant de charger sans crier gare.

- Attention !

Tahar talonna son cheval qui parti au galop, suivi de Tseh. Ils sortirent leurs arcs.

- On va devoir se battre. Que cet animal reçoive une mort digne !

Les deux cavaliers bandèrent leurs arcs visant le puma, mais ce dernier, malgré le fait qu’il ne soit plus lui-même, était rapide et agile. L’homme-oryx espérait que l’endurance des chevaux aurait raison de celle de cet animal qui avait définitivement un comportement déviant. En observant l’animal, Tahar sentait en lui une grande souffrance, sans doutes cela qui l’avait rendu fou. Mais pour leur plus grand malheur, le puma parvint à prendre de l’élan pour bondir sur la croupe du cheval de Tseh avec une puissance dépassant celle des individus normaux. Puis ses crocs sur plantèrent dans l’épaule du cavalier alors que sa monture se cabra. Le jeune homme tomba à terre avec la bête toujours accrochée à son épaule.

- Tseh !!!

Tahar fit faire demi-tour à son cheval et se mit à charger en bandant son arc.

- Lâches-le !

Il décocha une flèche qui se ficha dans le cou de l’animal qui s’effondra en lâchant enfin prise. L’homme-bête descendit de sa monture pour aller au chevet de son protégé. L’épaule de Tseh avait été salement amochée, ce dernier grimaçait tandis que Tahar faisait déjà les premiers soins pour nettoyer la plaie et immobiliser le blessé. Puis il le chargea sur son propre cheval. Il regarda ensuite rapidement la dépouille du puma. Celui-ci semblait désormais paisible. En y regardant de plus près, Tahar remarqua un collier autour du cou de l’animal. Une marque au fer rouge était également visible sur sa cuisse. Il ignorait ce que ce symbole signifiait, mais une chose était sûre, ce puma était passé entre des mains humaines. L’homme-bête s’approcha de lui afin de faire la prière des Maxastyw pour les bêtes qui avaient péri de leurs mains.

- Tu es enfin libéré de tes tourments, désormais, vas en paix…

Tahar prit le chemin du campement. Au passage, ils retrouvèrent le cheval de Tseh qui semblait encore sous le choc, bien que en bien meilleur état que son maître. Juste quelques égratignures. Une fois arrivé, le reste de la tribu interrompirent leurs activités, conscients que quelque chose n’allait pas au vu de la mine sombre du chef, ainsi que l’humain inconscient. La première à réagir, fut la vieille Zibba, la Beathach-Addax borgne qui ordonna à d’autres hommes de la tribu d’emporter Tseh dans sa tente pour les soins. Tahar les accompagna.

- Il va s’en sortir ?
- Ses jours ne sont pas en danger, mais j’ai bien peur que la mobilité de son bras soit impactée… Je vais faire ce que je peux pour qu’il s’en sorte avec le moins de séquelles…

Mais je promets rien…

Tahar craignait que ça mine Tseh. Après tout le chemin qu’il avait parcouru. Une chose était sûre, il aurait besoin de beaucoup de soutien pour cette épreuve. Bien sûr, le chef fut contraint de s’expliquer sur les raisons de l’état du jeune homme.

- On a été attaqué par un puma. Celui-ci avait un comportement étrange et avant, il avait massacré un groupe entier de chevreuils sans raison. J’ai libéré cette créature de ces souffrances.

Un autre membre de la tribu, bien que ne remettant pas les paroles de Tahar en question prit un air pensif.

- Les pumas sont plutôt timides habituellement. Attaquer deux cavaliers de front ça ne leur ressemble pas. Sans parler du massacre des chevreuils.
- Cette bête avait un collier et une marque au fer-rouge. Donc quelqu’un est responsable de son comportement. Je pense qu’on devrait prévenir le village des Sédentaires pas loin. Qu’ils fassent attention à eux. Mais avant ça, on ferait mieux de récupérer le puma.

Avant de quitter la tente, Tahar jeta un dernier regard à Tseh.

- Ne t’en fais pas, tu es entre de bonnes mains. Tiens bon !

Puis il se remit en selle, accompagné de trois guerriers, tous des beathachs antilopes et ils reprirent le même chemin pour tomber sur la dépouille du félin qui n’avait visiblement pas encore suscité l’intérêt des charognards. Mais également du ou des responsables de l’état de ces animaux. En chemin, ils avaient également revu les chevreuils.

Une fois le félin récupéré, ils prirent la route du village. De celui-ci, le campement Maxastyw était visible grâce aux cerfs-volants. Sur la place principale, un attroupement s’était déjà formé et ce n’était pas autour des hommes-bêtes. Quand Tahar fut suffisamment proche tandis que le trio de cavaliers entraient dans le village, il entendit quelqu’un se plaindre qu’un loup avait massacré ses chiens en plus de plusieurs bêtes de son troupeau. Raison de plus de demander à en savoir d’avantage.

Le chef mit à pied à terre et il aida ses hommes à décharger la dépouille de la bête. Le son de la carcasse tombant lourdement au sol fit retourner les curieux. Sans parler des trois beathachs vêtus de tenues bien différentes. Quand les badauds s’écartèrent, Tahar reconnut le berger qu’il avait croisé la veille. Celui-ci se raidit en voyant le puma.

- Vous aussi vous avez vu un de ces animaux ?!
- Oui, il a blessé un des nôtres. Cette créature souffrait beaucoup, elle a eu une fin digne…
- Comment vous pouvez avoir de l’empathie pour ces choses ?!

Tahar désigna le collier, ainsi que la marque au fer rouge de l’animal couvert de cicatrices.

- Ces animaux sont aussi des victimes dans cette histoire. Ceux qui doivent rendre des comptes, ce sont ceux qui ont infligé cela à ces bêtes.

Les discussions continuaient au sujet des animaux enragés. Tahar écoutait les dires des villageois qui débattaient sur la démarche à suivre. Notamment pour défendre le bétail. Pour sa part, la tribu avait déjà pris des dispositions. La surveillance du campement et des bêtes avait été accrue. Et les guerriers avaient pour ordre d’abattre les animaux enragés. Heureusement, ils étaient faciles à distinguer au vu des marques au fer, colliers et cicatrices. Sans parler de leur comportement. Depuis qu’ils s’étaient installés à Arvandor, connaître la faune et la flore avaient été une priorité des Maxastyw. Ainsi, ils avaient rapidement appris à décrypter les comportements des animaux des différents biomes d’Arvandor.

Tahar remarqua son cheval à la robe gris-souris avec des marques primitives lever la tête faisant comprendre que d’autres chevaux inconnus arrivaient. Les villageois et les guerriers Maxastyw se retournèrent pour découvrir devant-eux un groupe de soldats et leur capitaine à leur tête. Tahar espérait qu’ils n’aient pas eu d’incidents en passant proche du campement, surtout du troupeau de chevaux. Ces derniers étant en semi-liberté, ils gardaient des comportements propres à leur espèce, et l’étalon du troupeau avait tendance à venir inspecter tous les chevaux qui passaient sur son territoire. Et si c’était un autre étalon, c’était potentiellement très dangereux. La solution était d’éloigner le troupeau de juments. Ce n’était pas pour rien qu’à chaque fois que la tribu s’installait quelque part, ils prévenaient les habitants des villages à proximités afin de faire attention quand ils passaient à cheval pas très loin du troupeau. Heureusement, beaucoup utilisaient des Arolins et dans ce cas, aucun souci avec le troupeau.

Le groupe de soldats avaient sans doute déjà remarqué la dépouille du félin amenée par les Maxastyw. Mais au moins, une chose était sûre, l’arrivée des soldats semblait avoir calmé un peu les tensions autour des animaux enragés. Surtout celui qui semblait-être le capitaine qui en était venu à la même conclusion que Tahar au sujet des bêtes, elles étaient également des victimes et ne méritaient pas de servir d’exutoire à la vindicte populaire. Puis ce dernier vint se présenter à Tahar. Il lui demanda si lui-aussi enquêtait sur ces enragés avant de décliner son identité. Ainsi, il se prénommait Lucis de Alger et il n’était qu’autre que le commandant de l’Armée Arvandienne. Rien que ça ! Tahar se demandait s’il n’avait pas un don pour attirer les gros bonnets des armées de chaque Royaume où la tribu s’installait et qu’ils avaient besoin d’aide. Déjà, ils avaient eu affaire à Hakys, lui général de l’armée Malaqii quelques mois plus tôt avant qu’ils ne quittent Al’Malaq. Ce fut au tour de Tahar de faire les présentations.

- Enchanté, mon nom est Tahar, je suis actuellement chef des Maxastyw, une tribu venue d’Al’Malaq.

Il jeta un œil en direction du puma.

- On peut dire ça… Cette bête a décimé un troupeau de chevreuils entier et a blessé un de mes miens. Et j’ai bien remarqué que son comportement était clairement anormal. En général, les pumas sont timides et vont rarement attaquer gratuitement comme ça, encore plus décimer un troupeau entier. Et dans son regard, il avait l’air de ne plus-être lui-même. Et quand il est enfin mort, il semblait apaisé. Il devait beaucoup souffrir… C’est pour ça qu’ils doivent avoir une mort digne…

Sans parler des ravages sur les autres créatures. Et également les risques sur les habitants et leur bétail.

- Mais en attendant, effectivement, ces créatures sont dangereuses pour nous, mais également pour la faune sauvage. J’ai déjà demandé à mes guerriers d’être plus vigilants.

Tahar indiqua d’un signe de tête les cerfs-volants visibles au loin.

- Notre campement est ici. Si vous voulez en savoir plus, notamment sur la faune. Certains de mes hommes étaient partis eux-aussi chasser ce matin, je les ai vu revenir au moment où je partais, peut-être qu’ils auront des informations sur les enragés. Mais ils n’avaient pas l’air d’avoir subi d’attaques de la part des bêtes et c’est tant mieux.